dimanche 2 mars 2014

Chronique : Anna Sage - The Fourth Wall


C'est dans des circonstances assez douloureuses que j'ai découvert Anna Sage. Je suis tombé sur ce groupe car leur chanteur était inscrit avec moi sur un groupe Facebook qui faisait l'apologie d'une vision totalement frelatée du hardcore, doublée d'une tyrannie effrayante. Je ne le citerais pas, ça ferait beaucoup trop plaisir à certaines personnes qui passeront peut-être par là. Mais bref, la n'est pas le sujet. Anna Sage c'est quoi ? Eh bien c'est 5 garnements vivant en banlieue parisienne, officiant dans un registre hardcore chaotique. Avec leur premier EP intitulé The Fourth Wall, au bel artwork évoquant d'ailleurs les travaux de Jacob Bannon (Converge), ils comptent bien se faire une place sur une scène française qui se développe plutôt bien dans le style, actuellement. Alors, ça fait aussi mal que l'endroit ou je les ai découvert ?

Ben plutôt oui, un peu comme si un colosse faisait du basket avec une enclume en le faisant rebondir sur ton chibre (je sais pas pourquoi cet exemple, je le trouve drôle à visualiser dans ma tête en fait). J'éviterais de parler de vagin, on frappe pas les femmes. L'EP commence sur les chapeaux de roue avec "The Waves Within". Pas le temps de se préparer, tout te tombe dessus en une micro-seconde : Une instru violente, très sombre, rugueuse, et bien sûr chaotique. On est d'emblée frappée par la virulence de la voix de Jonathan (chant), qui se démène pour hurler toutes ses tripes, via des paroles très personnelles. Concrètement, ce titre envoie du gros pâté en croûte, surtout avec le final rouleau-compresseur-"vas y que j'te dissonne la tronche", mais pour être honnête, je préfère la formule du titre suivant, "One Is The Other", qui se veut plus progressif, mais tout aussi sombre. Plus introspectif encore. C'est la qu'Anna Sage dévoile tout son talent et se démarque réellement. Les émotions sont davantage perceptibles et misent en valeur, dans un chant qui ne manquera pas de rappeler Josh Scogin (The Chariot), dans ce côté "borderline", qui sied parfaitement avec une instru qui accompagne soigneusement ses complaintes, dans un chaos mêlé de mélodies sournoises. On revient à la virulence sauvage sur "Your Greatness", un titre très expéditif, qui ne laisse en aucun cas le temps de respirer. Tout s'enchaîne à grande vitesse, avec une urgence certaine. Mais voilà, le tout se calme soudainement, étrangement. Oulalah, chills. Ça oppresse, c'est lent, c'est boueux... Comment que ça va repartir tout ça ? Et VLAN, une explosion déchirante ravage nos oreilles, ou Jonathan se remet à hurler, le nœud à la gorge, le cœur à vif, incessamment, jusqu'au bout, martyrisant ses cordes vocales, se laissant emporter, jusqu'à être à bout de souffle. "Why am I kneeling down before you? / A blinding light surrounds me / Within my soul the void reigns / Am I supposed to give you / My last prayer?" .

A ce moment précis, tu as compris que tu es en plein dans un catharsis profond, qui se perpétue dans un ton assez rock'n'rollesque (coucou Every Time I Die) avec "The Comedian's Fall", un titre toujours rempli de rage, de larsens, de folie, avec le final dément qui va bien, et également doté de méchants riffs pour faire taper les mosheurs dans les micro-salles parisiennes. Ils continueront de faire le moulin à vent avec entrain "Facing The Sky", un vieux titre que le groupe a totalement remanié, un brûlot punk hardcore expéditif, enragé, qui ne s'attarde pas sur les détails, tout est dans la violence et le tourment. "I look into myself, but nothingness is reigning / Getting lost, inside my only mind, something is screaming / Deeper inside my head". Le disque s'achève sur "Sharp Fangs In My Flesh", qui je pense est le meilleur morceau du disque. Il regroupe à lui tout seul tous les éléments de tous les titres de l'EP en une seule pièce maîtresse, un vrai manège émotionnel, un outil de démolition mentale (ces deux premières minutes, bon de sang de bois, quelle boucherie !) qui nous embarque loin dans les ténèbres et les tourments de notre âme, qui tabasse dans la tête et qui touche droit au cœur. Le final de ce morceau est d'ailleurs un summum de trouble, d'étourdissement, de lourdeur. On sent que notre hurleur, après une longue déclamation éthérée ("I'd like to wake up one day, I'd like to wake up from this endless dream / To get up one morning telling myself none of this ever existed"), est arrivé au bout de sa peine, de sa colère, après avoir désespérément appelé à l'aide et vidé ses tripes tout au long de ce disque. Mais il continue, encore, et encore, jusqu'à la dernière syllabe. Avant que les guitares dissonantes ne prennent le relais pour achever lentement ce chaos incessant, lancinant.

Des guitares complémentaires, sans cesse calées sur un ton ténébreux, qui transpirent le gras, la sueur, la crasse, soutenue par une section rythmique implacable. Ça cogne (et ça blast) comme un gros coup de marteau en pleine tête, ça gronde méchamment, ça gratte sèchement et froidement. Aucune trace de chaleur quelconque, ici c'est noir, pluvieux. Une atmosphère plombante, pesante, comme pour un jour de gros orage. En fait voilà, c'est ça Anna Sage, c'est comme un violent orage d'été sur Paris, avec la grosse grêle qui tabasse d'un coup, les éclairs de partout, la tempête, puis le calme soudain, la lourdeur qui revient, et rebelote ! Et un connard qui va courir sous le déluge en caleçon avec un masque de cheval comme lors de je ne sais plus quel cyclone aux Etats-Unis l'an dernier, mais ça c'est un fantasme loufoque optionnel, et musicalement ça doit être assez dur à représenter sauf si le groupe se décide à faire du Iwrestledabearonce... JE DIVAGUE, JE DIVAGUE.

Pour un premier essai, il y a de quoi leur dire bravo. Tout est rondement bien mené, la puissance, la cohérence et la passion sont la. Pour les situer un peu musicalement, je dirais qu'il y a pas mal de similitudes avec les camarades de chez The Rodeo Idiot Engine, c'est ce qui m'est vite venu en tête en écoutant l'EP. Maintenant, il faut qu'ils se trouvent leur style définitif. Des cascades hardcore rapides, ou alors des titres plus progressifs ? "What if was both" ? Comment interpréter à l'avenir cette violence et ces kilotonnes de colère sur le prochain opus ? Moi, j'ai très envie qu'ils me surprennent encore, que je m'attende encore moins à ce que je vais découvrir, que j'entende de la folie continuelle, un mec littéralement à bout de nerfs, comme pour "Your Greatness" ou "Sharp Fangs In My Flesh"... Mais déjà, ils peuvent être plutôt fier de ce premier essai, qui montre un gros potentiel, et une envie d'en découdre plus que palpable. Oui messieurs, je vous tire mon bonnet de hipster (à défaut de posséder un chapeau) !

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