jeudi 28 mai 2015

"Bunt Auf Grau" de Revok est le tableau parfait de la morosité ambiante.



Sortir un album sombre, pour certains c'est le noyer sous des tonnes de riffs surabondants de lourdeur, avec des growls d'ogre et des ambiances écrasantes, ou des blast beats en boucle soutenus par de terrifiants hurlements proche d'un cri de chien égorgé. D'autres le font avec beaucoup moins d'artifices, de manière innée, naturelle, en s'inspirant tout simplement de ce que la vie donne de pire à endurer. Revok l'a bien compris, et entreprend cette démarche depuis plusieurs années, en traçant son petit bonhomme de chien sans se presser. Né sur les cendres de Belle Epoque, Gameness ou encore Brume Retina, le groupe de banlieue parisienne s'est doucement construit son univers, ressemblant à de moins en moins de groupes existants à chaque album. Mais concrètement, c'est fait par et pour des fans de sludge, de noise rock et de post-hardcore, le tout soumis à une grosse dose d'un désespoir qui est loin de s'apaiser après près de 20 ans de musique pour chacun des musiciens... Bon sang, la vie est si nulle que ça à Vélizy-Villacoublay ? Je sais que le paysage est d’un triste criant, mais quand même, Vélizy 2 c’est quand même cool pour faire ses courses, puis y'a méga-plein de bus qui vont partout dans la région en partant de là ! Bon OK, c'est un bled nul.

Fin Janvier, les garçons ont sorti Bunt Auf Grau, leur troisième full-length, faisant suite au déjà troublant et atypique Grief Is My New Moniker. Là ou son prédécesseur proposait déjà un post-HxC sludgy mais pas trop, tendu comme une corde au cou bien nouée, étouffant et grinçant, aux répétitions lancinantes et assassines, ils ont décidé de pousser le vice à l'extrême avec le nouveau. Nous voilà plongé au plus profond de la détresse sociale, de la banalité la plus pénible. De la première à la dernière chanson, on est embarqué dans un univers dont les couleurs semblent être aussi glauques et tristes que la banlieue où vivent les musiciens, que les bureaux dans lesquelles on bosse, les machines derrière lesquelles on se fatigue. On y voit le noir, le gris, mais aussi le vert d'une forêt ou l'on se serait perdu, d'ou partirait cet écho, celui d'un homme moderne qui hurlerait son désarroi, résonnant malheureusement dans un vide assourdissant (mais de manière un peu plus concrète, un chanteur qui fait beaucoup joujou avec de la réverbération). On y voit le temps orageux illustré par l'artwork, aux traits aussi innocents qu'agressifs. Et toujours ces boucles lancinantes et lacrymales, jusqu'au dernier morceau éponyme long de 10 minutes, presque un supplice si l'on est un tant soit peu sensible. Sur "Dear Worker", le quartet s'exprime plus violemment que jamais, en exécutant un punk hardcore froid, frontal, qui dans le chant ne se situe pas loin du black metal... Bunt Auf Grau atteint un point culminant sur "Old Marrow Part II", l'expression sonore précise de la panique, du stress, de la paranoïa, illustrés par des boucles hypnotisantes, et par un groove cynique qui te donne envie de revenir sur ce titre voué à te rappeler à ce qui t'effraie chaque jour... C'est vicieux. Une dureté musicale faisant pair avec la dureté des tourments quotidiens. 

Ce dont parlent précisément ces complaintes qui se dispersent sur une étendue aussi dense que l'ennui criant qui découle des ensembles gris des zones industriminelles parichiennes, c'est l'hypocrisie quotidienne, celle où l'on gît chaque jour au travail, devant son café toujours plus amer à mesure que le temps et les déceptions passent, devant nos collègues arrogants et avares, dans la pourriture et de la haine qui en ressort, de cette moisissure où l'on croupira au lieu de monter dans ces soit-disant cieux que l'on idéalise quitte à sacrifier notre temps de vie et foncer droit dans le mur de la péremption. Fais-toi une raison : "Everything is spineless, very low, and very ugly". Malgré toute cette poisse, cette crasse, il subsiste quelques lueurs, blafardes mais nécessaires à notre survie, celles à laquelle on se raccroche pour éviter la chute. En témoigne les quelques légères brises sur lesquelles démarre "Perfection Is A Sin", qui pourtant se voudra sans pitié au fur et à mesure que cette marée sonore opaque se déverse sur nos tympans, desservie par une production brute de décoffrage, ce hardcore noir et malade, ce metal schizophrène et torturé, chacun sortis tout droit de la fin des années 90, chacun nourris de la décadence dans laquelle s'est engouffrée sans possibilité de retour notre monde, précisément à cette époque.

Tu sais, cet album me met mal à l'aise quelque part, parce que cette musique est vraiment interprétée à fleur de peau, les nerfs à vif, c'est vraiment les tripes de chacun qui sont dégueulées sans retenue, et c'est un propos qui peut facilement être assimilé à ce que l'on vit chaque jour nous-même. Cette tristesse et cette rage te fout le cafard à toi aussi, t'as envie d'aller voir ces mecs et de leur demander si ils vont bien, d'aller les consoler comme tu le ferais avec tes proches. Derrière ces assauts meurtriers pour le moral, croirais-tu au premier abord que l'un des membres du groupe est un papa aimant et tout doux ? C'est ça que j'aime bien avec la musique de darons de X ou Y scène en règle générale, ils paraissent toujours plus durs avec le temps, mais derrière leur musique se cache souvent des gens super gentils. Une sensibilité qui se ressent sur les élans mélodiques et légers qu'ils calent tant bien que mal mais avec habilité au milieu de ces terrains marécageux et gras. C'est ainsi qu'on se rend compte que c'est vraiment des gens comme tout le monde qui sont à l'origine de ces morceaux abruptes et râpeux, qui connaissent les mêmes problèmes personnels, professionnels, financiers que toi, ce qui ajoute encore davantage à la véracité, la sincérité des propos, des sentiments qui se dégagent de ce marasme ambiant. 

Ce qui est assez fou, c'est que même si tu sais que tu as déjà probablement entendu tel riff, telle tonalité, tel jeu de batterie sur un morceau d'un de tes groupes favoris, l'ensemble en lui-même ne ressemble à rien de précis. Et c'est assez fort aujourd'hui quand on fait du post-hardcore, tant cette scène est prolifique en termes de groupes actifs et que les idées s'épuisent vite en conséquence. Une bonne leçon donnée à la jeunesse, que diable ! J'ai 22 ans, alors je suppose que ça marche aussi comme une leçon à mon égard... Un disque éprouvant pour les nerfs et l’esprit, une sorte de sarcasme musical, se complaisant à donner du rythme à l'ennui, à la perdition. Une mise à l’épreuve, un récit blessant et blasant de la vie de l’Homme et de sa chute, de sa faiblesse. Un album assez impressionnant en termes d'intensité et de spontanéité, qui je l'espère ne sombrera pas trop vite dans les abysses de l'industrie musicale et des internets, impitoyable avec les albums marginaux dont le but premier n'est pas nécessairement d'être rentabilisé, mais compris.

Bisous.


lundi 25 mai 2015

Grand Détour contourne les règles du post-rock et des sociétés modernes.


Alors tout d'abord, cette chronique a une histoire amère. J'avais écrit quelque chose dont j'étais particulièrement fier, au travers de quelques escapades à Paris, sur mon smartphone. Quelques corrections étaient encore à faire, et c'était postable dans la foulée, j'étais carré et fier tu vois, l'inspiration des grands jours ! Mais c'était sans compter un soir après un concert, ou je trouvais que j'avais trop de messages dans mes brouillons, et que j'en ai supprimé un qui paraissait encombrant sans en voir le contenu... Et que je réalisa en rentrant chez moi que j'avais supprimé ma chronique. Tu le connais ce sentiment de bêtise et de haine contre soi ? Ainsi, je fais appel à ma mémoire qui fonctionne aussi bien qu'un téléphone tombé dans les toilettes pour restituer mes écrits dont j'étais tellement fier. ALORS RESPECTEZ UN MINIMUM CE TRAVAIL ET LISEZ-LE AVEC ATTENTION LES PETITS GARS, AVEC MES REMERCIEMENTS.

Les messieurs qui m'ont demandé un tel effort de rédaction et de mémoire, ce sont les musiciens de chez Grand Détour. Originaires de Toulon, ce projet a été formé par des membres de Child Meadow et Bökanövsky, deux gloires discrètes de l'emo-punk et du crust français. Mais la musique que les gars composent ensemble se veut entièrement instrumentale. Ils sont arrivés dans mes oreilles avec un bien bon S/T sorti en 2013, qui montrait en quelque sorte ce que donnerait de l'emo instrumental : une musique grave, sèche et saccadée, des envolées rebelles et insolentes histoire de nous faire nous évader de ce monde en perdition, une escalade de rythmiques percutantes et lancinantes, des riffs introspectifs, tantôt discrets tantôt forts. Une formule qui a fait mouche, dont ils se sont inspirés pour composer leur premier album dont j'ai le plaisir de vous parler aujourd'hui : Tripalium. Rien qu'en jetant un œil à l'artwork réalisée par Rodrigo Almanegra (son très beau travail, engagé, aux airs de gravures est visible par ici), on peut s'apercevoir que ce disque nous fera encore réfléchir sur notre place dans notre société, bien plus qu'une simple escapade sinueuse que l'on prendra plaisir à réaliser... 

... Une machine. Une entité de travail triste, usante, vouée à la rouille et à l'ennui, comme des millions d'autres. C'est curieux, cela résume assez bien l'ouvrier moyen et sa vie, sa machine sur laquelle il usera ses forces pour un salaire bien peu valorisant. C'est plus précisément une tisseuse, l'une de celles ou des milliers d'employés tissent des centaines et des centaines de vêtements, tissant jour après jour leur paie misérable, pris en otage par les rouages d'un système qui les étouffent dans ses filets. Un tripalium, c'est un instrument de torture qu'utilisaient les Romains pour punir les esclaves rebelles, ce qui en 2015 pourrait correspondre à une classe ouvrière qui voudrait dire non à  la routine. Et cet artwork nous pose finalement cette question : À nos modestes postes, derrière nos ordinateurs, nos machines, sommes-nous tous les victimes quotidiennes d'un tripalium que nous impose les dirigeants de nos vies ? Nos télévisions, nos smartphones, nos comptes Facebook, sont-elles le tripalium de notre rêve d'une vie sociale épanouie et complète ?

La machine est lancée, de cette "Demi-chaîne" qui sonne comme les millions d'autres qui constituent les chaînes de ces vélos qui nous amènent vers notre banalité quotidienne, qui constitue les rouages de ces machines maudites qui nous vieillissent la peau et nous noircissent les mains. Un contraste entre deux visions du vide : celui que l'on veut faire, et celui on l'on sombre. L'un étant plus lumineux que l'autre. Des dissonances et des crissements viennent signaler que la machine s'emballe, se bloque, s'arrête. Sûrement la rouille qui la ronge, après tant d'efforts... Mais il n'est pas question d'abandonner son poste. "Trabajo y arrebato" : travail et colère. Retourne bosser, tu dois réparer les rouages de ta machine, et pas de temps à perdre. Le ton se fait grave et mélancolique, contrasté et résigné. Constat : travail assassin, colère en soi. Sombrer dans le vide, vouloir faire le vide. La douceur des envies d'évasions, la dureté de la rancœur, des peines physiques, de la fatigue mentale. Ce morceau, il représente tout ça à la fois.

Sans aucun doute, il faudrait se révolter pour changer les choses, pour changer la routine. Mais le titre du morceau suivant va décrire assez bien ce qui se passe en (F)rance : "Révolte en solde". On commercialise la colère en banalisant la désinvolture sur les plateaux de télévision, en l'orchestrant, marionnettisant ce qu'il nous restait de liberté, au final. Alors, se révolter oui, mais à quoi bon, quand les manifestations ressemblent plus à des fêtes de quartier sponsorisées, politisées, policées, à quoi bon quand l'on vole nos colères pour les rendre amusantes à regarder en prime-time ? Illustration de la bêtise ambiante, 3ème acte : les grondements des uns qu'on fait taire, l'insouciance d'autres qui croient pouvoir tout dire, dans des rassemblements qui ont juste un air d'entonnoir, ou tous les messages finissent à la corbeille. Le grand final nébuleux, tendu, rageur, nous rappelle qu'il ne faut pas brader nos désaccords, qu'il ne faut pas vendre nos rêves et nos colères. Pour ne pas finir "Les deux pieds dans le vide". Ce vide qui s'agrandit, où la rage se meurt, et laisse place à quelques notes qui sonnent comme un timide ruissellement quelque part dans un parc de banlieue morne, faisant écho à la pluie qui s'abat sur des carreaux qu'on imagine opaques, salis par la pollution, les gravures, la buée. Au milieu de l'averse, "L'entre deux-mers" t'aidera heureusement à respirer un peu, à te libérer. Il est encore temps de courir, de cavaler tout autant que ces paysages qui se déroulent en cascade, sur un ton qui se veut un peu plus léger et aérien, malgré la suie, les cendres, la tension, qui prennent toujours aux poumons. Avant de devoir retourner à ton poste : la vie te rattrape toujours. "Arbeit und rhythmus", travail et rythme. La cadence reprend de plus belle. Tu cours, mais pour finir le boulot à temps. Banalité, acte 6 : Retourne bosser, pas de temps à perdre, ton temps, c'est leur argent. Un rythme toujours aussi rude, mais qui au final qui se veut un peu plus enjoué, parce qu'il y'a des jours comme ça, ou on a peu de forces pour sourire, pour se donner un peu de courage, pour ne pas se laisser abattre par le quotidien, par la fatalité. Nous sommes plus forts que ça. C'est grâce à nous que cette société tient debout. Ils tiennent peut-être les fils, mais de nos mains, nous tenons l'équilibre. Le tripalium peut très bien se retourner contre eux. L'espoir, que diable !...

... Et soudain, des grincements. La machine s'enraye. Elle ne repart plus. Misère, on perd de la productivité, trop de temps perdu ! Et comment on fait pour récupérer l'argent perdu ?... Ce grincement continu, assourdissant, il s'appelle "Hayekeynes"... Derrière ce nom qui semble quelconque se cache quelque chose de plus concret : Monsieur Hayek et Monsieur Keynes étaient tout les deux des économistes, et se sont livrés une guerre idéologique tenace pendant plusieures années dans les années 1930-1940, les théories de chacun ayant été reprises à diverses étapes de la vie financière mondiale, entre la Seconde Guerre Mondiale et la crise financière de 2008, pour ne donner finalement qu'une succession d'erreurs et de dettes : les gouvernements n'ont fait au final qu'écouter aveuglément Hayek et dénigrer le message de Keynes, ayant successivement déclenché l'apogée du nazisme, les crises financières qui ont bousculé les marchés, l'appauvrissement des citoyens, les restrictions budgétaires imposées pour rembourser les dettes. Leur bêtise est en train de les mener à leur perte, une notion qu'ils utilisaient beaucoup trop dans leurs dépenses. Et c'est monsieur tout le monde qui paie les pots cassés. Mais on continue à se lever tout les matins, à partir au charbon, à se brûler les mains, à renaître de nos cendres chaque jour. En bonne maman, en bonhomme, "En bon père de famille", tel le nom de l'acte 8 : courage et détermination. Une mélodie douce, chaleureuse, comme une embrassade d'un père aimant. Un final rugueux, puissant, comme une poigne ferme d'un homme sûr de lui, les mains rougies et cicatrisées témoignant de l'acte final, celui qui résume nos existences, le dénominateur commun de l'humanité : "La pénibilité et la crasse". Ces deux éléments-clés de nos journées dans lesquels on s'embourbe toujours plus, représentés par des saccades et des nids-de-poules, comme un peu partout sur le disque. Ces cassures rythmiques, ces riffs rocailleux, cette batterie galopante et sèche, cette basse grasse, ces dissonances acerbes, ces répétitions... D'autres éléments qui construisent ensemble un schéma sonore de nos vies, qui quelquefois brillent d'un éclat timide, à l'image de ces instants de laisser-aller représentés par ces mélodies dopées au delay, ou ces érosions sonores aux allures d'instants de bravoure.

Il était une fois une révolte silencieuse, l'art de rendre le post-rock plus "punk" qu'il n'y paraît. Un peu à l'image de Godspeed You! Black Emperor, ou des parisiens de Oiseaux-Tempête. La musique instrumentale peut finalement paraître bien plus bavarde qu'elle ne le laisse croire, et c'est le cas avec cet album complexe, qui demande de l'attention, du temps, de la compréhension, avant de pouvoir en capter l'essence, et d'en voir le feu qui en résulte. Derrière tout ce côté abstrait, très philosophique, se cache une alchimie entre un math-rock légèrement jazzy, teinté du background emo des musiciens, mais un emo 15 ans d'âge, celui où la rage de vivre était vive, et qui se veut le portrait d'un monde défaillant, ou nous sommes les victimes d'une société qu'on construit et déconstruit dans nos usines et nos bureaux. Une oeuvre loin de l'onirisme et de l'insouciance habituelle de ce style de musique, qui donne toute sa personnalité à ce LP. À écouter après une dure journée, le soir, avec un café, et en réfléchissant un peu sur notre place dans cet univers, et sur ce qu'on pourrait lui apporter. Puis ne pas oublier quand même de fermer les yeux et se laisser aller.

Bisous.


dimanche 24 mai 2015

Je suis ressorti vivant du Throatruiner Fest.


C'était le Jeudi 14 Mai, jour de l'Ascension. Toutes les familles traditionnelles catholiques allaient encore une fois se laver la conscience et se faire chier autour de prières en hommage à une entité plutôt BG sur toile, et censée répondre en réalité à des millions d'appels à la minute, soit potentiellement l'opérateur téléphonique le plus efficace du monde. Sauf que le correspondant est injoignable depuis des milliers d'années, que des millions de réclamations s'accumulent sur un répondeur mort, et qu'il laisse à ses abonnés un forfait au goût amer de pédophilie et d'intolérance. De notre côté, on avait quelque chose de plus intéressant à fêter. Moi et au moins une bonne centaine d'autres hipsters habillés tout en noir (ou au moins avec une chemise) allaient se donner rendez-vous pour une autre sorte de culte, un peu plus concret celui-ci : la célébration du 5ème anniversaire de Throatruiner Records, le one-man label from Rennes la gangrène dévoué à la musique sombre, expérimentale, violente et chaotique, et qui produit le meilleur de la scène française du genre. Tu sais que je te parle souvent de ses sorties, si tu suis ce blog. C'était le Throatruiner Fest, ça se déroulait en trois manches, j'ai participé au round parisien, mes oreilles ont pris une raclée mais malheureusement j'en suis ressorti avec bien trop peu de sueur et de bleus, proportionnellement aux tonnes de side-kicks que nous ont infligé chacun des groupes. Retour sur un show béton, mais au public carton.

Le combat se déroulait en des lieux quelque peu propices à l'ambiance générale que dégagent les groupes présents sur le line-up. Mesdames messieurs, je vous présente le ring du Glaz'Art : une salle de concert recouverte de graffitis perdue en plein milieu de la Porte de la Villette, calée entre le périphérique, des kilomètres de bureaux gris et divers restaurants kebabs, dont la devanture est la résidence de quelques SDF qui tiennent difficilement debout chaque jour qui passe à l'aide de canouches bas de gamme. L'alcool, la crasse, la pisse, la misère, la routine : pas de doute, le décor est ancré, la soirée peut commencer ! C'est Calvaiire qui a ouvert les festivités, devant un public de plus en plus conséquent à mesure que le set avançait. Bon, c'est pas parce que le groupe était chiant et que c'était pas grave de le louper, mais il y avait des problèmes sur le métro à ce moment-là... Dommage pour eux, ils auront à leur insu loupé monsieur Throatruiner et ses petits potes pendant un exercice de danse contemporaine fort plaisant : Mathias, visiblement possédé par une entité qui a réussi à décrocher le téléphone, occupait toute la scène en se pliant, en sautant, en se tordant, illustrant rien que visuellement la violence punitive de la musique du groupe, à cheval entre hardcore chaotique, mathcore et black metal. Soutenu par des effets lumineux épileptiques, mais moins aidé par le son de la salle assez brouillon, le quartet s'est démené à nous balancer le plus concrètement possible le bordel assassin et virulent qu'ils composent depuis l'EP Rigorisme, faisant tranquillement tomber les premières gouttes de sueur sur les joues fragiles du public parichien, et sur celles que Quentin Sauvé, qui jouait à la guitare le premier des trois sets qu'il allait donner ce soir, sans pression. Bon OK, je suis pas très gentil avec Paris, mais est-ce que Paris est gentil ? Non, et encore moins magique. Bisous.

The Rodeo Idiot Engine ont ensuite pris le relais, balançant un hardcore à cheval entre saccades, catharsis et blast beats, nuancé par des instants mélodiques inspirés par le post-hardcore de type Cult Of Luna, et offrant un univers visuel toujours aussi captivant, entre lights stroboscopiques et fumée à outrance, à l'odeur âcre, de quoi s'immiscer complètement dans leur univers. Les garçons du sud ont très bien fait le boulot, c'est indéniable, ça a été un réel plaisir de les revoir, mais l'ambiance était vraiment pas coordonnée. Je me rappelle les avoir vu dans un squat miteux de région parisienne tenu par des toxicos tendance héroïne qui s'appelait "La Bouée", qui a aujourd'hui fermé (le fléau des fermetures/incendies douteux en série des squats parisiens...). La salle de concert, c'était visiblement l'une des pièces à vivre de l'appartement, le plafond était très haut mais la pièce relativement petite, si bien qu'un canapé-éponge trônait fièrement sous une mezzanine ou était calée la régie son. The Rodeo Idiot Engine y avait joué avec Afterlife Kids, Gazers et Jungbluth (coucou Mathias), on était pas plus d'un trentaine mais c'était un joyeux bordel, tout le monde se marrait, slammait et se foutait sur la gueule, sur un sol devenu patinoire au houblon. C'était un putain de bon concert, une putain d'ambiance, et surtout, il y avait JEAN NEIGE (les vrais savent). Je pensais retrouver ça pour leur set, l'ambiance un peu YOLO, mais keudal, c'était plutôt ambiance balai dans le cul et moustache bien brossée, bien loin de la violence que tout le monde promettait à ses potes de Facebook. Et j'en suis profondément désolé pour le groupe qui s'est démené pour nous quitte à en péter une guitare. Promis, quand vous repassez à Paris, on fout la halla. Je fais mon râleur certes, c'est tout à fait normal de vouloir profiter d'un concert posé en se laissant bouffer l'âme par ce qui se passe devant nous, j'en fais de plus en plus partie de cette catégorie de personnes pour tout avouer, mais bon, quand il s'agit carrément d'en vouloir à ceux qui se veulent mouliner un peu en leur faisant la morale avec insistance, c'est assez flippant. Je reviendrais dessus plus bas.

On continue les cours d'algèbres avec Comity, soit quelques uns des darons du hardcore mathématique de banlieue, qui de par leur carrure d'armoire suédoise ont impressionné l'auditoire par leur musique qui demande une concentration maximale pour ne pas en perdre le fil. Personnellement, j'ai un peu de mal à accrocher musicalement. Mais en termes de performance pure et de technicité, c'est assez impressionnant, surtout quand pour le morceau final tu passes à quelque chose de quasi-doom, qui prend bien le temps de se développer, d'exploser. LE CONTRASTE. Death Engine ont succédé au comité de la patate, et ça a été supplément de pomme de terres. Ou l'art de rendre la noise romantique et cathartique. Les mecs ont pas parlé du tout, mais leur musique à suffit à causer pour eux. C'était un mur de son massif, hypnotique, exécuté avec force et précision, plus impressionnant encore que sur disque. Ce fût leur première apparition parisienne, et je pense qu'un second passage est désiré par pas mal de monde désormais. De plus, le frontman fait preuve d'un charisme non négligeable, salut les filles. Du romantisme, on est passé à la baston avec Cowards. Eux, c'est le penchant encore plus bas que bas du front du hardcore jeu parisien, situé quelque part entre le black metal en sweat/basket et une réinterprétation label rouge du catalogue H8000 Records. Les gars ont bien tenu leur réputation ce soir, narguant le public et le regardant avec une haine quasi palpable (l'un des guitaristes nous aurait apparemment dit qu'on était tous laids, c'est pas très gentil vu comment je me suis fait chier à me coiffer au matin), déversant son quintal de hardcore sludgy et blackisant sur un public qui semblait les blaser. Julien (chant) râlait sur l'ingé son car sa voix ne ressortait pas bien, et il avait raison : j'ai l'impression que ce soir-là, l'ensemble des musiciens ont pâti de cette acoustique médiocre, ce qui a réduit la force d'impact de cette prestation qui aurait pu se solder par une victoire par K.O sur chacun des spectateurs, mais qui malgré la possibilité d'échec s’est tout de même soldé par pas mal de crochets du droit dans la tronche, mais sur un public décidément aussi communicatif qu'une porte de frigo.

En parlant de frigidaire, ça tombe bien, Plebeian Grandstand est arrivé après le combat pour délivrer son black metal glacial et dissonant, celui de l'impressionnant Lowgazers, très différent de How Hate Is Hard To Define, le précédent LP. Leur torrent de froideur acerbe délivré de manière assez simple mais très carrée a envoûté l'assemblée, au point que deux ou trois kids se sont laissés aller à des gesticulations compulsives, ce qui a déplu à un bras-croisé dont je parlais plus haut, qui s'est empressé de lui rappeler les règles supposées de bonne tenue et de courtoisie. Sérieusement, on devrait faire sponsoriser la scène parisienne par Swiffer, c'est impressionnant ce taux d'anus-balai, on dirait que les mecs cherchent à chaque fois à se rendre à un concert de Michel Sardou, se trompent de concerts et restent quand même parce qu'ils ont payé. Eh les mecs, sur l'event on avait dit « Pas de chiens, pas de selfies, pas de bolosses, QUE DU MOSH ». C'est pour ça que les spectateurs parisiens m'énervent au plus haut point, ils vont voir du hardcore comme si c'était une expo, quand tu vas voir un groupe du genre au premier rang, il ne faut pas s'attendre à un débat autour d'un thé. Mais hey, parce que je comprends que t'aimes pas la violence physique et que c'est normal, si tu veux kiffer ton concert sans qu'on te prenne la tête à te faire cogner, fais comme moi, arrête d'emmerder ceux qui ne font plus qu'un avec la violence sonore et va légèrement sur le côté de la scène, t'auras un point de vue parfait sur les zicos, leur matos (pour le cas "je suis musicien et je veux voir le pedalboard du guitariste"), et même le public si tu veux t'amuser à te foutre de la gueule de tes ennemis présents, j'te promets que tu peux passer un moment très drôle et vivre à fond ton concert du point de vue musical. Bref, revenons à la musique.

Le meilleur de la soirée restait encore à venir, déjà qu'on s'en est pris plein les esgourdes et les mirettes jusque là, et c'est Birds In Row qui aura imposé son règne le premier. Le trio hardcore français le plus en vogue actuellement un peu partout dans le monde, avec désormais ce cher Quentin Sauvé à la basse, a encore une fois réalisé une démonstration de hardcore émotionnel débordant de rage, de passion, de vivacité, d'urgence. Les petits gars en ont profité pour jouer plusieurs morceaux, plus longs et sinueux qu'à l'accoutumée, mais toujours aussi virulents et sensibles. Ils seront sur un EP à paraître bientôt, et ils se font déjà attendre avec impatience. Et c'est SEULEMENT lors de leur dernier morceau joué ce soir, « You, Me & Violence », que l'audience s'est décidée à briser la monotonie ambiante en devenant une espèce de marée humaine incontrôlable où tout se qui se trouvait autour était susceptible de devenir un dangereux projectile. Les sing-along se sont soudainement levés, les bras bougeaient frénétiquement au grand dam des paires de lunettes environnantes, et cela aura clôturé dignement le set des lavallois qui le méritaient amplement. Le grand final de cette boucherie en plusieurs chapitres s'est donc déroulé avec l’un des meilleurs groupes français toutes catégories : As We Draw. Le groupe principal de Quentin nous a tous scotché, jouant les meilleurs morceaux de leur second et magistral album Mirages nous offrant même un featuring avec Plume (Direwolves) sur « Fata Bromosa ». Les mecs ont imposé leur univers lunaire et massif avec une dextérité imbattable. Aucune fausse note, aucun besoin d'en faire trop, tout était spontané, joué avec la plus grande simplicité du monde, c'était BEAU. J'ai pas beaucoup de mots pour décrire ce set, et je pense qu'il en a été de même pour la plupart des personnes présentes. Je rajouterais juste un truc : je veux les revoir. VITE.

Avec un écrasant 8-0, Throatruiner Records a humilié ses adversaires, dont les plus statiques l'ont peut-être été par peur de la défaite, qui sait ? En gros, c'était impossible de pas ressortir comblé de ce fest qui aura 8 fois démit nos cervicales, et accessoirement de ne pas croiser de gens défoncés à la sortie. La soirée d'anniversaire a ainsi été un relatif succès, et on en vient à réclamer une seconde édition pour l'année prochaine. Mais pour cela, je pense qu'il faudrait que de nouveaux groupes entrent dans le roster, pour diversifier un peu la chose. Vivement le mercato ! Quoiqu'il en soit, on dit merci à Mathias pour cette soirée, merci à tous les groupes présents, et merci à la quadruple dose de café de m'avoir permis de tenir debout le lendemain.

PS : pour les non-vegans, évitez le kebab Oasis Géode, près de la sortie de métro Porte de la Villette, le mec te fait croire qu'il prend pas les tickets restos et met un temps fou à te servir.

Bisous.

vendredi 22 mai 2015

Bien À Toi te dédie à nouveau une nouvelle brise froide.


Depuis bientôt 4 ans, les parisiens de Bien À Toi, influencés par les chiens d'après leur page Facebook, mais jouant plus concrètement une musique instrumentale claire-obscure quelque part entre post-rock, post-punk et quelques droneries, écument discrètement les petites scènes de bars des grandes villes françaises, et ont même traversé la Manche pour deux dates l'an dernier à Nottingham et Margate. Ceux qui finalement n'ont sûrement de clébard que leurs fréquentations punk issues des groupes de deux des trois garçons, Stygmate et Guérilla Poubelle, ont sorti jusqu'à aujourd'hui deux EP qui m'ont transcendé, et ils font partie de ces disques que j'adore écouter sous le doux soleil du matin, quand j'ai le cafard, ou quand je rentre la nuit, dans le Noctilien. Je vous invite à lire mes chroniques de ces opus ici et .

Désormais, le trio a décidé de passer à l'étape de l'album. J'en ai entendu certains morceaux en live, et j'ai décelé une évolution dans leur musique. Toujours aussi introspectif et mystérieux, mais un peu plus léger, semble-t'il. Plus volatile. Mais le jeu de basse de Esteban reste assez massif. Ces caractéristiques se vérifient sur le premier titre extrait de cet album : "Les Baigneuses". C'est encore une fois une invitation au voyage, plein de mélancolie, de trouble, mais jamais trop pesante, on est toujours dans le "pas trop". Un pote m'avait dit qu'il adorait ces types, mais que leur musique n'explosait jamais, que ça montait toujours plus et hop, fin. Ils jouent encore avec les nerfs des auditeurs, et je crois que ça lui a plu. Ça m'a plu.

L'album s'appellera Alta Loma, il sort le 18 Juin, et j'ai déjà hâte de l'écouter et de vous en parler. Et visiblement, ce sera sûrement le disque français qui apportera le vent de fraîcheur de cet été quand on crèvera de chaud.

Bisous.




English translation:

For now 4 years, the parisian band Bien À Toi, influenced by dogs based on their Facebook page, but more concretely playing instrumental music somewhere between post-rock, post-punk and some small droney stuff, roam unobtrusively in the small bars of major French cities, and have even played two dates last year in Nottingham and Margate. The link with dogs is absolutely nonexistent, except perhaps a part of the audience of the punk bands of two of the three boys, Stygmate and Guérilla Poubelle... Until now, they've released two EPs to date who have transcended me, and they are part of these records I always love to hear under the morning sun, when I have the blues, or when I get home at night, in the night bus.

Now the trio decided to cross the next step : the full-length. I heard some of the songs of the album during their last shows, and I detected a change in their music. Always so introspective and mysterious, but a little lighter, it seems. More volatile. But the bass playing of Esteban remains quite massive. These characteristics are given on the first track from the album, "Les Baigneuses". This is once again an invitation to travel, full of melancholy, trouble, but never too heavy, it is still in a "not too" approach. A friend had told me he loved those guys, but their music never exploded, it was still rising and hop, finish. They still play with the nerves of the listeners, and I think my friend liked it. I loved it.

The album will be called Alta Loma, he will be released on June 18, and I can't wait to listen to it and tell you some words about it. This will surely be THE French post-whatyouwant thing who will bring fresh wind this summer when we'll die of heat.


XOXO.

lundi 18 mai 2015

Décontractés, les mecs de Raein ont sorti un EP sans que personne ne s'y attende.


Il y a quelques jours, les italiens de Raein, soit l'un des groupes cultes du early-2000's screamo, ont lancé un compte à rebours sur leur page Facebook. Tout le monde s'attendait simplement à entendre leurs morceaux du split avec Ampere en préparation. On en attendait tranquillement la fin pour découvrir ces titres jusqu'au jour J, où finalement le groupe nous l'a tous mis à envers : c'est en fait un EP 6 titres qui nous a été proposé, et en téléchargement gratuit s'il vous plaît. Nommé Perpetuum, ce disque nous propulse dans un univers tout en mélodies gavées en distorsion lorgnant parfois vers le shoegaze, rappelant les maîtres en la matière, Sore Eyelids, les influences math-rock en moi. En gros, ça continue directement sur la lancée de l'excellent titre "Amore e Guerra" paru sur leur split avec Loma Prieta en 2013. 

Voilà de quoi rendre son indie/punk plus intriguant qu'il ne l'est déjà. Il n'hésite pas à reprendre ses vieux élans skramz sur "Polline. Pensieri Generosi Delle Donne", tout en restant dans la ligne directrice de cet EP. Au final, il n'y a rien de surprenant sur Perpetuum, mais il est suffisamment catchy, rempli de tension et intense pour ne pas que tu l'oublies au bout de deux semaines, et c'est un outil de sing-along très efficace, d'autant plus que tout est chanté en chœur sur ce disque. Ils joueront au Fluff Fest cette année, ce disque semble être taillé pour cette édition, et pour nous faire chanter avec eux. Ne loupes pas la séance karaoké la plus fragile de cette année !

Bisous.




English translation:

A few days ago, the dudes in Raein, one of the most important early-2000's screamo bands, have launched a countdown on their Facebook page. Everyone have been thinking that at the end of this countdown, they will simply hear the songs that Raein have recorded for a split with Ampere. But at the D-day, the surprise was complete : it was in fact a surprise 6-song EP ! Named Perpetuum, that precious one is available in free download on their website, when the physical edition of this record is expected this summer. This LP sent us into thousand of overdrived melodies, sometimes shoegazey, what reminds me Sore Eyelids, without the math-rock touch. Basically, it continues directly on the momentum of the excellent song "Amore e Guerra" who appeared on their split with Loma Prieta in 2013. 

With this abrasive and fuzzy sound, the indie/punk of the italian band is now even more intriguing. They don't hesitate to playing the good old skramz thing in "Polline, Pensieri Generosi Delle Donne". There's nothing really surprising with this EP, but it's enough catchy and (in)tense to not be forgotten after two weeks : it's a very strong sing-along tool, all the songs are sung in choir, with powerful lyrics. Raein will play Fluff Fest this year, and Perpetuum seems to be made for being played all summer long, being learned by heart and being sung in full by the audience. Don't miss the most fragile emo karaoke session of the year!

XOXO.

mercredi 6 mai 2015

Nai Harvest est enfin lui-même avec Hairball.



Nai Harvest, on les connait notamment grâce à leur premier LP Whatever, l'un des meilleurs disques d'emo/indie (ou de cet horrible terme "twinkle"...) de ces 10 dernières années, et l'un des disques qui a fait émerger le label Dog Knights Productions. S'en est suivi Hold Open My Head, ou le duo anglais était carrément tombé dans tout ce délire shoegaze/grunge à la mode dans l'emo jeu. Sauf que c'était trop facile : Nai Harvest te la met à l'envers sur le nouveau full-length, Hairball, et t'emmène là où tu les attendais pas du tout, loin de ce que toute leur scène est en train de faire actuellement : vers un truc mieux produit, plus travaillé, plus assumé, proposant du garage punk et du pop punk.

Le problème est simple, la solution l'a été également : À quoi ça sert aujourd'hui de faire du Nirvana, du American Football ou du Swervedriver, quand tout le monde le fait ? Ça devient lassant, pas original, et d'ailleurs souvent mal fait. Puis les précédentes releases du groupe, c'était assez juvénile finalement, c'était surtout cathartique, comme souvent dans l'emo. C'était super bien, soyons d'accord, mais y'avait pas réellement de schéma précis de morceaux, c'était "YOLO". Les mecs se sont sûrement dit "et si on faisait un truc un peu plus carré mais toujours aussi bruyant ?". Bingo : que tu le veuilles ou non, tu vas écouter Hairball en repeat cet été, et je t'explique pourquoi : tout simplement parce que Nai Harvest n'a jamais été autant lui-même que sur ce disque, et c'est quand même sacrément bien que Topshelf Records ait accepté que le groupe entre dans son roster et retourne sa veste d'un point de vue musical. C'est vrai, l'univers de ce nouveau disque correspond plus à ce que Broken World Media sort en ce moment. Mais enfin bref, on s'en fout. Hairball, c'est un disque entraînant, frais, catchy au possible, c'est fun, mais fuzzy as fuck. Peut-être un peu trop, disent certains dans mon entourage. Car c'est jusqu'au chant de Ben que l’on retrouve de la distorsion, et c'est vrai qu'à la longue, ça peut fatiguer, là ou dans le passé, le duo jouait de contrastes entre instants de douceur et rythmes enjoués et dissonants. On aimera ou on détestera… Personnellement, en tant que fan de Sore Eyelids chez qui le fuzz est également présent partout, je ne peux qu'acquiescer. Les garçons ont également choisi de simplifier leur son, pour le rendre plus facile d'écoute, plus facile à retenir. C'est ainsi que des chansons extrêmement dépouillées dans leur structure et dans les paroles, comme "Sick Of My Heart", restent en tête pour ne plus jamais en sortir.

Dans le joyeux monde du journalisme musical, y'en a certains qui ont eu le génie (ou le désespoir d'une déficience culturelle qui les poussent au crime ?) de comparer certains plans du LP aux Foo Fighters, à Green Day, à Blink 182. C'est pas parce que y'a des "ouh-ouh" que ça veut dire que les mecs ont saigné American Idiot, et c'est pas parce que les guitares sont crunchy et puissantes que ça doit forcément se rapprocher des Foo, c'est deux styles foncièrement différents, de mon opinion... Il s'agit juste d'un pop punk décomplexé, libéré des tendances, qui flirte même avec la britpop, mais qui garde tout de même son background emo dans l'aspect mélodique ainsi que dans la sensibilité du chant et des paroles, et qui ajoute à cette formule l'insolence et le côté crado du garage punk. Plus question de grunge ou de math-rock ici, juste du sing-along et une sacrée dose de soleil, de quoi te préparer à la session 2015 de l'été. Cette évolution est d’ailleurs flagrante lorsque l'on écoute la nouvelle version de "Buttercups", beaucoup moins sombre et lo-fi que la version originale. Et puis, ce ton joyeux que l’on entend du début à la fin du disque, il existe finalement depuis les débuts du duo, leur changement de cap musical met encore davantage en valeur cette caractéristique... Mais c'est vrai qu'au final, le son que le duo commençait à développer avec Hold Open My Head va me manquer.

Bisous.






English translation :

We know Nai Harvest especially since their first LP Whatever, one of the best indie/emo/this-horrible-"twinkle"-term stuff of the last 10 years, and one of the LP who have made emerge the UK label Dog Knights Productions. It was followed by the EP Hold Open My Head where the english duo has totally fell into all this shoegaze/grunge hype who totally swallow the emo game. But it was too easy : now Nai Harvest put you upside down with the new full-length, Hairball, and brings you somewhere you've never wait them : to a better produced, better assumed sound, offering garage punk and pop punk.

The problem is simple, the solution is also simple : what's the point to make the same sound as Nirvana, American Football and Swervedriver, when everyone does it? It becomes boring, no longer original, and often poorly done. And the previous releases of the band was pretty juvenile, it was mostly cathartic like it's often the case in emo. Let us agree, it was super good, but there was not really precise scheme of songs, it was "YOLO". The guys have surely said to each other "hey, what would it be like if we make a more square sound, but always so noisy?" Bingo : Whether you like it or not, you will listen to Hairball in repeat this summer, and I'll explain you why : simply because Nai Harvest has never been so himself that on this record, and it's damn good to know that Topshelf Records accepts the fact that the band enters this label and return his jacket in a musical point of view. Hairball is fresh, catchy, fun, but also fuzzy as fuck. A bit too much, as some of my friends and Facebook people said, because there's distortion even in Ben's voice, and it's true that over time this can be tiring, when in the past the duo used to play contrasts with sweet moments and mathy rythms and riffs. We can only adore it, or hate it... Personally, as a fan of Sore Eyelids where there's also fuzz in every single element, I can't say anything. And this is how very stripped songs in their structure as in the words, like "Sick Of My Heart", stay in head for never get out.

In the happy world of the music journalism, some people have had the genius (or the despair of a cultural deficiency that lead to crime?) to compare some plans of the LP to Foo Fighters, Green Day, Blink 182... Please folks, it's not because there's some "ooh-ooh" that it means that the guys have constantly listened to American Idiot, and it's not because the guitars are crunchy and powerful that it's forced to be close to the Foo, it's both totally different styles, in my opinion... This is just a uninhibited pop punk, free from trends, who even flirts with britpop, but still keeps an emo background in the melodical aspect as well as the sensibility of the singing and lyrics, and who adds to the formula the insolence and the dirty side of garage punk. No more grungy or twinkly stuff here, just sing-along and a great dose of sun, perfect to prepare you for the 2015 session of the summer. This evolution is obvious when we listen to the new version of "Buttercups", way less foggy and lo-fi than the original version. And this joyful tone we can hear from beginning to the end of the LP, it always exists in the discography of Nai Harvest, this change of musical side can only highlight this characteristic... But it's true that the sound that the duo began to develop on Hold Open My Head will miss me.

XOXO.