dimanche 20 novembre 2011

Les origines : La deuxième vague, le screamo, la popularisation.

Ce que l'on pourrait qualifier de "seconde vague" de l'emo, c'est à la fois son explosion sous diverses formes dès le début des années 90, et sa popularisation ensuite dans des sphères bien plus larges que celle du punk hardcore DIY.  Il y a bien sûr eu FUGAZI, UNWOUND et DRIVE LIKE JEHU, qui ont mis tout le monde d'accord et qui furent des influences majeures depuis leur genèse jusqu'à aujourd'hui. Certains groupes allaient faire prospérer l'emo sous diverses formes du punk et du hardcore, parfois sous l'influence de groupes plus proches du noise-rock comme SHELLAC, JUNE OF 44, THE JESUS LIZARD ou SLINT, quand d'autres allaient délibérément sortir du DIY, pour proposer une musique bien plus "mainstream-compatible". Parfois, certains flirtaient même avec des influences plus metal, ou youth crew... Une liste non-exhaustive de groupes qui allaient chacun apporter leur patte à l'édifice, plus ou moins au même moment : NATIVE NOD, MEREL, HOOVER, CURRENT, INDIAN SUMMER, EVERGREEN, NAVIO FORGE, STILL LIFE, SHOTMAKER, POLICY OF THREE, CLIKATAT IKATOWI, MAXIMILIAM COLBY, SLEEPYTIME TRIO, NONELEFTSTANDING, EMBASSY, ORDINATION OF AARON, FOUR HUNDRED YEARS, FRAIL, LINCOLN, JULIA, BREAKWATER..

Ce premier échantillon de groupes a donné une certaine ligne directrice à ce que devenait l'emo : des morceaux plus longs, des structures plus complexes, des voix plus criées (voire même parlées) que scandées même si le style de chant originel de l'emo restait de rigueur, mais des idéaux politiques et DIY toujours aussi forts. En parallèle, d'autres groupes ont choisi de pousser l'emo encore un peu plus dans ses retranchements, en jouant plus vite, plus fort, plus intense encore, parfois mettant complètement de côté l'aspect mélodique originel de l'emo, jouant surtout sur son facteur cathartique, quitte à sonner plus chaotique, plus dissonant. Quelques noms importants à retenir de cette frange "radicale" de l'emo : HEROIN, ANTIOCH ARROW, MOHINDER, HONEYWELL, PORTRAITS OF PAST, ASSFACTOR 4, ANGEL HAIR, SWING KIDS, JOHN HENRY WEST, PALATKA, ICONOCLAST, MEREL...

L'emo apparaîtra dans l'univers mainstream, ou en tout cas brassera un public plus large, grâce aux influences plus pop-punk et indie qu'ont apporté SUNNY DAY REAL ESTATESAMIAMCAP'N'JAZZ ou JAWBREAKER, dans leur interprétation de l'emo. Naturellement, d'autres groupes ont suivi la démarche, chacun marquant cet aspect plus "accessible" et "indie" de l'emo, parmi eux TEXAS IS THE REASON, AMERICAN FOOTBALL, MINERAL, THE GET UP KIDS, SUNNY DAY REAL ESTATE, BRAID, THE PROMISE RING, CHRISTIE FRONT DRIVE, BOYS LIFE... Certains de ces groupes sont à l'origine de ce que certain-e-s kids et chroniqueurs-euses appellent "midwest emo", principalement ceux ayant des influences math-rock.

Un autre groupe ayant durablement marqué les esprits durant l'émergence de la seconde vague emo fût JIMMY EAT WORLD, et il se trouve que ce sera finalement le premier groupe à vraiment faire décoller une scène emo que l'on pourrait qualifier de mainstream. Leur punk rock d'abord très simple et spontané, devenu ensuite plus lent et introspectif mais toujours débordant d'émotions retranscrites à vif dans l'instrumentation comme dans le chant, directement inspiré de groupes comme SUNNY DAY REAL ESTATE ou FUGAZI, a fait le tour du monde et a fait naître de nombreux petits frères, subjugués par les superbes albums que sont Static Prevails et surtout Clarity, ce dernier ayant eu un impact décisif sur la seconde vague emo, au même titre que l'album Pinkerton de WEEZER, un groupe pourtant étranger à la scène emo en soi mais dont le contexte musical et lyrical a touché beaucoup d'emokids, au même titre que les groupes indie de la fin des 80's / début 90's tels que DINOSAUR JR, PAVEMENT ou SUPERCHUNK ont pu également influencer l'évolution du post-hardcore. Les petits frères de JIMMY EAT WORLD, ce sont des groupes comme SAVES THE DAY, TAKING BACK SUNDAY, ou DASHBOARD CONFESSIONAL, qui populariseront encore davantage la tournure musicale que prenait alors l'emo dans ce sillage. Tout ce beau monde sera de plus en plus reconnu dans la presse musicale et diffusé sur plusieurs émissions de radios à thématiques emo ou juste de rock généralistes... Pour influencer toujours plus de groupes, et ce même jusqu'à la branche "extrême" de l'emo. Pour exemple, THURSDAY, également l'un des groupes phares de la seconde vague, intègre des éléments musicaux très proches de ceux de TAKING BACK SUNDAY dans son post-hardcore torturé et dissonant. Son leader Geoff Rickly aura (et est) toujours été intègre au mouvement emo originel et au hardcore, mais la popularité du groupe lui a souvent joué des tours, notamment lorsqu'il a proposé au groupe français DAÏTRO de tourner avec eux, mais s'est alors retrouvé face à une vision très forte du DIY et du militantisme inhérent à la scène screamo, dont THURSDAY était techniquement éloignée... Les lyonnais ont refusé, dans un esprit de cohérence avec leur éthique. C'est dommage dans un sens, mais c'est propre !

Et voilà, du milieu à la fin des 90's, l'emo connaît une nouvelle jeunesse, porté par de nouveaux piliers, parfois adulé du public mainstream, et également plus vivant que jamais du côté underground de la force. Mais au final, quid du "screamo" ? Eh bien c'est un terme trouvé sûrement un peu au hasard pour caractériser la frange "radicale" de l'emo, celle qu'empruntaient et développaient les groupes comme HEROIN ou INDIAN SUMMER. Son message est autant concerné par les souffrances émotionnelles que la place et la situation des humain-e-s dans la société. Le screamo a cependant vécu lui aussi sa propre évolution, avec des caractéristiques musicales qui le sépare un peu de l'emo hardcore du début des années 90. De manière générale, la plupart des groupes issus de chez Ebullition Records et Gravity Records ont été une pierre angulaire de la scène screamo, tout comme Dischord Records l'a été pour le punk hardcore et le post-hardcore. On peut citer pêle-mêle, entre les 90's et les 2000's parmi les groupes-clés : ORCHID, PORTRAITS OF PAST, HEROIN, INDIAN SUMMER, POLICY OF 3, JEROME'S DREAM, PG.99, FUNERAL DINER, CITY OF CATERPILLAR, SAETIA, ENVY...

Ainsi, de nos jours, le screamo est autant influencé par les scènes dont elle tirait son inspiration à l'origine, que par le post-rock (énormément de groupes de screamo sont influencés par le post-rock aujourd'hui), le sludge, le shoegaze, le grindcore... Parmi les références actuelles du style, on peut nommer LOMA PRIETA, THE SADDEST LANDSCAPE, SUIS LA LUNE, DAÏTRO, RAEIN ou encore LA QUIETE. D'un point de vue éthique, philosophique, politique... Rien n'a réellement changé, et le combat pour préserver ces fondamentaux est permanent, même si les contradictions sont souvent dures à effacer. Il est cependant toujours compliqué d'assister à des concerts screamo, de les organiser, tant les lieux de vie dédiés à la culture punk sont de plus en plus durs à créer et à conserver aujourd'hui.

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