dimanche 31 janvier 2021

PORTRAYAL OF GUILT - We Are Always Alone

 



C'est bien connu, les événements mondiaux les plus graves sont un puits d'inspiration pour les artistes. 2020 fût en elle-même un événement terrible pour le monde entier, entre la dérive totale de Donald Trump et de ses militant•e•s (je me garderais de dire qu'iels sont toustes des fanatiques car ce n'est pas vrai, ce n'est pas +70 millions d'électeurs•trices qui sont allé•e•s tenter de soulever le Capitole), la crise du COVID-19 qui "autorise" les dérives autoritaires, sécuritaires et conspirationnistes les plus épouvantables (le tout déclenchant une détresse psychologique chez énormément de personnes), le réchauffement climatique qui ne cesse de s'accélérer... L'avenir semble bien flou, nos rapports sociaux se sont brutalement arrêtés et déconstruits, on suivait l'évolution (et surtout la récession) du monde sur nos réseaux sociaux, nos petits conforts et acquis ont disparu... Comment ne pas perdre espoir et ne pas se retrouver enfermé•e dans ses angoisses ?

We Are Always Alone, le titre du nouvel album de PORTRAYAL OF GUILT, fait écho à ce constat effrayant. Quoiqu'il se passe dans nos vies, du haut de nos certitudes, on finira tôt ou tard par se retrouver seul•e•s dans nos vies, ou en tout cas se sentir comme tel. Se retrouver seul•e face à ses troubles, face aux écrans et aux flots constants de haine et de mauvaises nouvelles qui défilent (mais pas que, histoire de confirmer que je ne me rapproche pas de la boomer zone), face à son propre chez-soi quand ces confinements et couvre-feux successifs le transforme en prison dorée...


Je suis le compte facebook de Matt King (chant/guitare) sur Facebook. Pendant les différents confinements, je le voyais poster des statuts désespérés sur l'état du monde, l'égoïsme latent, je voyais sa colère et sa peur sur la chute de ce monde. "2020 WILL BURN IN HELL FOREVER", espérait-il lui et son groupe via une vidéo compilant deux singles du nouvel album. Peut-être ont-ils également été affectés par la disparition soudaine de 2 acteurs majeurs de la scène metal/hardcore texane : Riley Gale and Wade Allison ? En même temps, il y avait encore moins à espérer du futur si l'on vit aux USA qu'en France, durant cette année maudite... La musique des Texans n'a jamais été très positive de toute façon. Dès leurs débuts, alors que je les avais repéré au hasard sur Bandcamp mais qu'il s'agissait d'une démo non masterisée destinée aux labels, j'avais été surpris•e par la puissance de leur musique très sombre, percutant et abrasif, se situant bien au-delà des sonorités classiques du screamo.


Le ton n'a jamais changé, "pire" : il s'est affirmé dans la violence et dans une ambiance angoissante, histoire d'illustrer encore un peu plus le climat dans lequel nous (sur)vivons aujourd'hui. Des influences noise et power electronics se sont ajoutées à l'univers musical de PORTRAYAL OF GUILT à partir de leur split avec STREET SECTS en 2018, de quoi ajouter de la texture à leur masse sonore compacte et stridente, qui par la suite allait également se nourrir de grindcore et de black metal. LA FÊTE. Leur premier album Let Pain Be Your Guide laissait entendre un mélange un peu imparfait mais délectable des influences communes des membres du groupe, et l'EP Suffering Is A Gift laissait entendre que les choses allaient se gâter, entre ces interludes noise, cette basse pesante et écrasante, et cette balance géniale entre screamo early 2000's et un fond de black metal. We Are Always Alone laisse voir le groupe se laisser complètement aller à leurs influences black metal ! Leur morceau "The End Of Man Will Bring Peace To The Earth" présent sur leur split avec SLOW FIRE PISTOL était par ailleurs assez clair sur leurs opinions ("I weep at the thought that this is our reality / I'll pray for death / The devil will find me as the world burns to the ground"). Ce nouvel album s'inscrit dans la droite lignée de ce morceau qui à mon humble avis me semble être leur meilleur à ce jour.


Il commence de manière très franche et brutale avec "The Second Coming", où l'on retrouve Chris Taylor de PAGENINETYNINE, TERMINAL BLISS, PYGMY LUSH en featuring (il a également réalisé l'artwork de ce disque), et nous embarque d'emblée dans cette atmosphère très "2020" : nauséeuse, sombre, anxiogène. "Birth, awakening / A life spent suffering / Silence is deafening / The truth is killing me". Dès ce premier morceau, on remarque tout de suite la patte PORTRAYAL OF GUILT : des changements soudains entre cascades de riffs et de batterie et mélodies entourées de delay, rappelant bien sûr l'une des influences majeurs des texans, dont l'ombre plane encore une nouvelle fois sur ce disque : MAJORITY RULE. Il y a aussi ce flow impressionnant au chant, non sans rappeler celui de leurs camarades de scène de BIRDS IN ROW.


Le second morceau, "Anesthetized", invite également à entrer dans un marasme sonore virulent, mais commence de manière beaucoup plus délicate, malgré son ambiance globale rappelant fortement FULL OF HELL, une autre influence majeure (Dylan Walker avait posé un featuring sur leur album précédent). Vient ensuite l'un de mes morceaux préférés du disque, "A Tempting Pain", également l'un des plus black-metal du disque. Un titre qui sent la dépression, une maladie qui illustre également tristement 2020... 



- "I’ve lost myself in solitude
My time is now
Into the grave
My body molds". 


L'autre de mes morceaux favoris est le suivant, "It's Already Over". Beaucoup plus nuancé que les précédents morceaux (peut-être le plus "emo" du disque), je le trouve relativement proche de ce que j'avais adoré sur leur premier EP. Les paroles semblent être en continuité avec celle de "A Tempting Pain". "A life misled. / My body, so still. / The stagnant blood surrounds me / I find peace in silence [...]. I submit myself to what the world chose for me. / My eyes roll back / The terror begins / I follow the light / There’s nothing at the end.". À la surprise générale, il y a un couplet très mélodique sur "My Immolation", auquel on ne s'attend pas du tout à la première écoute, même si les influences emo ne sont jamais très loin.


Bonus non négligeable : À l'image de groupes similaires comme MALEVICH, DAWN RAY'D, RAGANA ou RYLOTH, on peut écouter PORTRAYAL OF GUILT sans stresser sur leurs opinions politiques et leurs mœurs (à ceci près que si le nihilisme ne vous parle pas trop, c'es dommage pour vous haha !). C'est chouette de pouvoir écouter du black metal sombre et à l'effet vitriol sans se demander si c'est facho ou pas. Bon, c'est pas non plus du CELTIC FROST même si la géniale "Masochistic Oath" me fait penser à eux dans cette idée de mélanger du black metal et du doom avec des inspirations d-beat façon DISCHARGE.


C'est un retour très attendu, finalement sans trop de surprises, mais très efficace que nous propose PORTRAYAL OF GUILT sur ce second disque, composé pour être aussi violent qu'accessible, paradoxalement (à lire sur cette interview du groupe postée sur Austin Chronicle), en témoigne l'envoûtante "My Immolation". Chaque morceau est fait pour se suivre et se compléter, racontant les mêmes histoires de désolation et de peur. Il nous embarque précisément dans l'univers mental qui a caractérisé sa composition et son message. Dans la détresse d'un monde aussi bien interne que celui dont le sort s'acharnait, dehors, alors que nous étions enfermés dans deux prisons : nos appartements et notre corps. Il a effectivement un effet catharsis, ce disque : en l'écoutant en pensant à cette situation sans fin, alors qu'on pensait peut-être en voir le bout avec l'arrivée des vaccins, mais que ces fichus variants ont bouleversé la donne, on se retrouve finalement moins seul•e•s à maudire ce moment terrible de nos vies, qu'on souhaitait pour le moins du monde. En espérant que toutes ces frustrations communes aideront à refaire un "monde post-covid" plus juste et moins désespérant.





It is well known that the most serious world events are a source of inspiration for artists. 2020 was in itself a terrible event for the whole world, between the total drift of Donald Trump and his fans (I would be careful not to say that they are all fanatics because it is not true, it is not +70 million voters who went to try to raise the Capitol), the COVID-19 crisis which "authorizes" the most appalling authoritarian, security and conspiratorial abuses (all triggering psychological distress for a lot of people), global warming which continues to accelerate... The future seems very blurry, our social relations suddenly stopped and deconstructed, we followed the evolution (and especially the recession) of the world on our social networks, our little comforts and achievements have disappeared... How not to lose hope and not find yourself locked in our fears?


We Are Always Alone, the name of PORTRAYAL OF GUILT's new album, echoes this frightening observation. Whatever happens in our lives, from the height of our certainties, sooner or later we will end up alone in our lives, or in any case feel like it. Finding yourself alone in the face of our fears and pains, facing the screens and the constant streams of hatred and bad news unfolding (but not only, just to confirm that I am not getting close to the boomer zone lol), facing your own home - when these successive confinements and curfews change it into a golden prison...


I follow Matt King's (vocals / guitar) facebook account on Facebook. During the various lockdowns, I saw him posting desperate statuses on the state of the world, about latent selfishness, I saw his anger and his fear on the fall of this world. "2020 WILL BURN IN HELL FOREVER", he hoped him and his band via a videoclip compiling two singles from the new album. Maybe the guys were also affected by the loss of two important members of the Texas metal/hardcore scene : Riley Gale and Wade Allison? At the same time, there was even less to hope for the future if you live in the USA than in France, during this damn year... The music of the Texan band has never been very positive anyway. From their early days, when I had spotted them randomly on Bandcamp but it was an unmastered demo intended for labels, I had been surprised by the power of their music, very dark, punchy and abrasive, lying well beyond the classic boundaries of screamo.

The tone has never changed, and "worse": it asserted itself in violence and in an agonizing atmosphere, just to illustrate a little more the climate in which we live (and survive) today. Noise and power electronics influences naturally came to the musical universe of PORTRAYAL OF GUILT starting from their split with the industrial punk band STREET SECTS in 2018, enough to add texture to their compact and strident sound mass, which would later also be fed by grindcore and black metal. Their first album Let Pain Be Your Guide was a somewhat imperfect but delectable mix of common influences from the band members, and the EP Suffering Is A Gift hinted that things were going to get louder, between these noise interludes, this heavy and overwhelming bass, and this brilliant balance between early 2000's screamo and a growing black metal background We Are Always Alone lets see the band completely indulge in their black metal influences! By the way, their song "The End Of Man Will Bring Peace To The Earth" which figures on their split with SLOW FIRE PISTOL was quite clear on their opinions ("I weep at the thought that this is our reality / I'll pray for death / The devil will find me as the world burns to the ground"). This new album is in line with this track which in my humble opinion seems to me to be their best to date.


He begins in a very frank and brutal way with "The Second Coming", where guest vocals are assured by Chris Taylor of PAGENINETYNINE, TERMINAL BLISS, PYGMY LUSH (he also did the artwork for this record), and takes us straight away in this very "2020" atmosphere: nauseating, gloomy, anxiety-provoking. "Birth, awakening / A life spent suffering / Silence is deafening / The truth is killing me". From this first track, we immediately notice the PORTRAYAL OF GUILT touch: sudden changes between torrents of riffs and drums, and melodies surrounded by delay, recalling of course one of the major influences of the band, whose shadow still hovers again on this record: MAJORITY RULE. There is also this impressive flow on vocals, which could be inspired by that of their fellow scene friends from BIRDS IN ROW ?


The second track, "Anesthetized", also invites you to enter a virulent sonic slump, but begins in a much more delicate way, despite its overall atmosphere strongly reminiscent of FULL OF HELL, another major influence (Dylan Walker had posed a featuring on their previous album, Let Pain Be Your Guide). Then comes one of my favorite tracks from the record, "A Tempting Pain", also one of the most "black-metal songs" on the record. A track that smacks of depression, an illness that also sadly illustrates 2020...


Another favorite of mine is the following song, "It's Already Over". Much more nuanced than the previous songs (perhaps the most "emo" song on the record), I find it relatively close to what I loved on their first EP. The lyrics seem to be in continuity with the ones in "A Tempting Pain". "A life misled. / My body, so still. / The stagnant blood surrounds me / I find peace in silence [...]. I submit myself to what the world chose for me. / My eyes begins roll back / The terror / I follow the light / There's nothing at the end.". There is a very melodic verse on "My Immolation" that I didn't see coming at all at first listen, although the emo influences are never far away. A very refreshing moment, which gave to this song 2 different but not opposed moods...


A significant bonus point: Like similar contemporaries such as MALEVICH, DAWN RAY'D, RAGANA or RYLOTH, you can listen to PORTRAYAL OF GUILT without stressing about their political opinions (except that if nihilism doesn't speak to you too much, sorry for you haha!). It's nice to be able to listen to a harsh and broodling black metal with a vitriolic effect without wondering if it's made by fascist hipsters or not. Well it's not CELTIC FROST neither even if the brilliant and dissonant "Masochistic Oath" reminds me of them in this idea of ​​mixing black metal and doom with DISCHARGE-style D-beat inspirations.


PORTRAYAL OF GUILT offers us a highly anticipated comeback, without too many surprises, but very effective on this second record, composed to be as violent as it is supposed to be accessible, paradoxically (You can read the band talking about it in this interview posted on Austin Chronicle), as evidenced by the almost bewitching "My Immolation". Every track are made to follow and complete each other, telling the same stories of desolation and fear. It takes us precisely into the mental universe which characterized its composition and its message. In the distress of a world as well internal as the one whose infernal fate persisted, outside, while we were locked in two prisons: our apartments and our bodies. It does indeed have a catharsis effect, this record: by listening to it while thinking of this endless situation, when we perhaps were about to see the end of it with the arrival of vaccines, but these damn variants have upset the situation. But while listening to We Are Always Alone and drowning in it, it looks like we finally find ourselves less alone in cursing this terrible moment in our lives. Hopefully all of these common frustrations will help make a more just and less hopeless "post-covid world", which will be explosive for sure.