jeudi 22 mai 2014

Live report : Mort Mort Mort + Häshcut + The Prestige + Gazers @ L'Espace B, Paris, le 10/05/2014



Ce 10 Mai à l'Espace B (Paris), il n'y avait nul besoin de se presser pour arriver à l'heure au concert du soir. En effet, fidèle à la tradition des concerts d'Old Town Bicyclette, c'est une heure plus tard que prévu qu'a commencé cette soirée (tant mieux pour les retardataires !), réunissant deux binomes chacun en tournée : The Prestige et Gazers, Häshcut et Mort Mort Mort (ex-Aussitôt Mort). C'était donc une belle réunion de vieux briscards de la scène post-hardcore caennaise et de jeunes loups parisiens issus d'une vague hardcore chaotique et sombre plus récente.

Contrairement à ce que laissait penser l'event FB, C'est Gazers et non Häshcut qui a démarré les hostilités. Revenant de leur tournée avec The Prestige, les cinq garçons étaient près à en découdre avec le public parisien, constitué entre autres par une dizaine de kids qui découvraient le hardcore ce soir-là. Avec le son teinté de crust et de screamo des gaziers, ces petits gars ont été servis ! Le groupe avait ici la présence scénique et la rage qui les caractérisent lorsque ils jouent sur une petite scène. Nous avons eu le droit à quelques titres tels que "Rotten To The Core" et "The Decline", issus de l'EP également nommé The Decline, et également quelques nouveaux titres. Le chanteur inflexible vociféraient ses textes avec force, les guitaristes étaient pris par leur jeu, descendant dans le public, au plus près des auditeurs. Le final aura été des plus chaotique, à l'appel du chanteur : "Si vous voulez bouger, c'est maintenant !" Nos kids en rite initiatique du HxC local dont je parlais plus haut se sont exécutés, lançant un pogo ou il était dangereux de s'aventurer... Tel un front, les guitaristes et le bassiste sont descendus devant la foule avant de se séparer, chacun jouant dans son coin. En conclusion, il fallait jouer à "évite la basse d'Adrien" qu'il faisait voltiger au péril de nos têtes. Un set assez impressionnant de tension et de rage, mais c'est ça Gazers, c'est comme ça qu'on aime les voir. Pour en avoir discuté avec l'un des membres du groupe plus tard dans la soirée, le groupe était content de leur concert, qu'ils ont voulu comme une conclusion mémorable et impitoyable de leur tournée qui fût pour eux un très beau moment de vie.

Pour The Prestige aussi, cette tournée était mémorable. Les garçons qui ont l'habitude de jouer dans des affiches très variées, allant du line-up metalcore aux affiches plus orientés screamo, étaient ce soir dans ce qui semble de plus en plus être leur élément. Ils présentaient des morceaux de leur prochain album à venir pour la rentrée, au milieu de trois autres titres issus de leur premier long-jeu, Black Mouths. C'est d'ailleurs avec le très efficace "The Truth" qu'ils ont démarré leur set. Sur leurs nouveaux morceaux, ils gardent l'élan chaotique de leur musique, mais avec plus d'ambiances (à l'image du titre "Pluie"), de contrastes, l'accent est davantage mis sur les émotions, une émotion qui était palpable dans cette musique plus aérienne et introspective, et dans le chant d'Alex, hurlant presque au milieu de la foule. Ils avaient eux aussi cette proximité plaisante avec leur public, qui semblait au début réagir plus timidement à leur son qu'avec Gazers, chose qui sera vite corrigée à la fin du set, ou sont venus hurler dans le micro deux membres de ces derniers sur le gigantesque et apocalyptique "Backward" (some rise by sin, some rise by virtue fall !), pendant que le pit se défoulait encore un peu tant qu'il y avait du chaos à se mettre sous la dent. Et eux aussi ont voulu finir leur tournée en beauté, en donnant tout ce qui leur restait de colère, d'énergie, de sueur, de larmes. Un petit "Burn Down Vegas" aurait été le bienvenue pour achever la foule, mais il ne viendra jamais, malheureusement (bon ça, c'est pour faire mon ronchon, j'avoue ^^.). Avec leurs nouvelles influences, le quartet amenait en subtilité (paradoxalement il faut dire) l'auditoire vers la suite de la soirée, quelque part entre douceur et détresse.

Cette suite, ce fût ma petite découverte personnelle du soir,.Hashcüt, c'est le groupe orienté doom metal de l'un des guitaristes de Sugartown Cabaret. Pour nous préparer à Mort Mort Mort, ce fut une bien bonne mise en bouche ! Ce qui a fait la différence dans la musique des caennais, c'est le cri déchirant, puissant, qui tranche avec l'univers hypnotique, vaseux, lent typique du doom. Car sinon, certes, c'est du déjà-entendu, mais c'est fort bien exécuté, peut-être plus intéressant en live que sur disque d'ailleurs. Plus concentrés et tranquilles que les deux premiers groupes, ce qui aurait pu paraître un peu perturbant au vu des rafles sonores précédentes, mais il faut dire que l'ambiance n'est pas la même.

Le grand final était réservé à l'un des groupes qui a forgé la légende de la "french way of emo". On les compare très souvent à Amanda Woodward, ce qui a le don les fâcher un petit peu. Il est vrai que le premier disque 6 Songs avait des similitudes assez marquantes, mais pour le reste de leur discographie, c'est sûrement les effets de guitares et les mélodies qui font penser à "la malade maquerelle". Après un petit hommage aux squats parisiens disparus récemment, dont la Miroiterie suite à l'effondrement d'un mur accidentel et à un incendie criminel, les imposants barbus nous ont délivré le meilleur de leur discographie, avec entre autres "Une Défaite à La Piaule", "Mort! Mort! Mort!" ou "La Ride Du Lion", et même un nouveau morceau, qui reste dans un esprit ambiant, spatial et gras. Du début à la fin, le groupe culte nous a envoûté, transpercé, fait frissonner, avec un son plus massif et planant encore qu'en studio. Pas grand chose à dire de plus quand l'essentiel est dit, ce fût un voyage, ou nous étions parfaitement bien guidés par le quartet qui se tenait fièrement devant nous. Impossible de rester de marbre, de ne pas se laisser emporter, d'hurler ne serait-ce que quelques paroles de leurs textes aussi engagées qu'introspectives.

Et on sort la tête abasourdie par cette soirée riches en émotions, aussi violentes que prenantes, un certain trouble dans l'esprit, aussi beau que frustrant, tant finalement on aurait voulu encore reprendre des baignes aussi lourdes que chacun des groupes nous ont mises ce soir-là, tant ils nous emmenés loin dans nos cœurs, nos esprits. Un grand merci à chacun des groupes, un grand merci également à tout ceux que je connais de près ou de loin qui étaient sur scène et à l'organisation (je suis un éternel gentil, voire même peut-être niais, mais j'trouve ça mieux que de jouer le faux distant trve dark), pour cette belle soirée. Je vous laisse plus bas les setlists que j'ai pu récupérer :

La setlist de The Prestige :

The Truth
Bete Noire
Enfants Terribles
Craneflies
Léger de main
Voir Dire
Forward /Backward

Et la setlist de Gazers :

Intro
Doggoned
Rotten To The Core
Rash
X
The Decline
Y

vendredi 16 mai 2014

Chronique : Totorro - Home Alone



Avec ce que l'on sait déjà de lui, avec le nouvel album de Mermonte, Audiorama, qui est tout simplement magnifique, et avec ceux de Man Is Not A Bird et de Bien À Toi qui arrivent en fin d'année et qui s'annoncent mortels au vu des nouveaux morceaux que ces deux groupes jouent fréquemment en live en ce moment, on peut affirmer haut et fort que le post-rock français par rapport au reste de la scène, c'est un peu comme Mickael Jackson dans le monde de la pop : une suprématie absolue. Sauf que le premier n'est pas mort, et que ça doit être assez compliqué de danser le moonwalk la-dessus. Quoique sur Jean Jean... Bref. Aujourd'hui, j'ai choisi de vous parler du nouvel album de Totorro, qui va sûrement faire partie du panthéon du post-rock hexagonal. Quoi, le héros sorti de l'imaginaire de monsieur Miyazaki s'est mis à la musique ? Mais non, tu vois, Totorro, cette formation post-rock qui à la base jouait d'une musique sombre, dépressive, onirique avec leur premier EP sorti en 2008, et y intégrait carrément du screamo avec le superbe All Glory To John Baltor sorti en 2011 qui passe encore en repeat dans mes oreilles en ce moment. Tu vois maintenant ? Non ? Ben nique ta... Cacahuète, voici pour toi jeune pomme (parce que les pommes c'est mieux que les cacahuètes) le nouvel album des Rennais : Home Alone. Ici, exit le screamo, l'atmosphère "j'ai envie d'me suicider parce que c'est cool la mort", les arpèges pince-cœur, les cris éthérés (plus besoin de mettre un t-shirt de groupe de crust pour aller les voir, vous pouvez ressortir les chemises et oublier les coupes nazies !). C'est un album math-rock auquel vous aurez le droit ! Enfin, influencé math-rock, plutôt. Un disque illustré par une pochette toute simple, qui au premier abord représente simplement une petite maison aux traits enfantins, mais si l'on y prête bien attention, on voit un bonhomme dans cette modeste demeure. Le petit homme solitaire qui va sûrement être réconforté par la musique chaleureuse des bretons.

Il fait gris dehors et ça te grise le moral ? Eh bien t'en fais pas mon copain, c'est une énorme dose de bonne humeur, de bonnes ondes, un petit quelque chose de réconfortant, qui t'attend avec ces 8 titres, dont 3 étaient déjà connus via l'EP également nommé Home Alone. Mais ils bénéficient ici, tout comme les autres titres, d'une production plus "brute", mais également plus aboutie. C'est quand même Mike Marsh (The Prodigy, Oasis, The Chemical Brothers...) qui a fait le mastering de ce bébé, s'il vous plaît. Ce son calibré à la perfection se révèle dès le premier titre, qui reprend le nom de l'album. Ça commence doucement, sereinement... Et d'un coup, SUPERNOVA ! Un gros coup de soleil sur ta peau, ça t'explose en pleine face et ça cavale dans tes esgourdes ! Une rythmique presque punk qui soutient des mélodies aussi rapides qu'entraînantes, c'est 1mn30 d'un son explosif et vivifiant, une grosse bouffée d'air frais, soudaine, qui te scotche sur place ! Mais il n'est pas question de violence, ça n'inspire que du positif.

Les titres suivants sont plus longs, mais réservent également leurs lots de surprises. Les rythmes se succèdent, les couplets ne sont jamais les mêmes, les guitares s'assagissent puis rugissent, on plane, on s'envole, plus haut, toujours plus haut ! À l'image de "Chevalier Bulltoe", qui commence comme le titre précédent,  tout doucement, puis qui se dévoile d'un coup, entre sons presque tropicaux et un math-rock aussi énervé que doux comme le petit final attendrissant, au moins autant que le très aérien "Motte Rock". Ben ouais, le rock des cambrousses et de la paille jaune pétant qui te brûle la rétine au soleil qui brille sur ce disque, la musique champêtre de Papy André mon pote, c'est comme ça qu'il élève les vaches du pré, celles qui font meuhmeuh à la fin du titre, ghetto agricole dans le pis de ta mère, qu'est-ce qui s'passe ! En fait j'essaie de matérialiser les guitares crissantes qui se lèvent vers la fin du morceau, mais version troupeaux de vaches qui s'énervent, c'est rigolo à se représenter. Et pour le coup, le morceau finit vraiment sur un ton mathy. Moi je dis que le motte-rock c'est un genre crédible. Les mecs à la Mike Kinsella qu'auraient toujours des chemises à carreaux mais avec le chapeau de paille et les bottes vertes qui vont bien, les concerts DIY dans des granges, les "crame party" au lait de chèvre dopé aux OGM, tout ça. Puis le style "fermier de province", ça doit être vachement plus cool que le look de tout ces pédés dépressifs qui écoutent du Raein et qui vont acheter leurs jeans skinny chez H&M... Hein ? Ah non non, je parle pas de moi, euuh non...

Avec ce disque, on voyage, tout simplement. Sans passer par un avion Easyjet tout dégueulasse ou un guide touristique qui pue de la gueule. Non non, une échappée tantôt délicate, tantôt, tumultueuse, sportive, mais qui fait du bien, des paysages qui se dessinent, s'érodent, s'illuminent. En parlant de voyage, le titre "Tonton Alain Michel" a été utilisé pour la passionnante web-série "Direction l'Asie en auto-stop", crée par un seul dude qui comme le nom de la série l'indique, s'est rendu en Asie en auto-stop, en changeant de compagnon de route à chaque épisode, à chaque nouvelle étape. Imagine écouter ce morceau dans ta voiture sur l'autoroute, ou mieux, sur les petites routes de campagne (motte-rock rpz) ! Ou tout bêtement dans ton bus, ton train, sur ton vélo, le matin quand tu pars au taff, ou quand t'en rentres le soir. Une succession de riffs qui montent et qui descendent, qui grognent comme un grumpy cat, des montagnes russes d'émotions. L'un des plus beaux titres de ce disque, qui te hérisse les poils (quitte à être un grumpy cat, autant en chopper le pelage), aussi beau que le ciel bleu azur dans lequel il semble te noyer. Mais le ciel n'est pas toujours si lumineux que ça sur ce disque. En témoigne "Osao-san", la seconde killer track de la galette, qui même si elle reste globalement dans le ton ensoleillé de l'album, laisse entendre des riffs très gras, très lourds (on dirait même que le morceau vire sludge à la fin !). Des réminiscences de leur période sombre ?

Je ne vais pas vous décrire tout les titres, je préfère vous laisser découvrir tout cet univers par vous-même, je préfère que vous vous laissiez surprendre comme j'ai pu l'être. Home Alone, au final, c'est un peu la carte météo parfaite (du moins en été quand on crève de chaud) : un temps clément, rayonnant, mais l'orage qui gronde au loin. J'avais lu quelque part que l'une des influences du groupe est American Football. C'est vrai que cela ressort sur ce disque, bien plus que les précédents en tout cas, ou ça sentait plutôt Envy à plein nez. Ce sera l'un des disques qui sera bon d'écouter cet été, avec les copains, ou seul posé sur l'herbe à se dorer la pilule. Il est même réconfortant, à vrai dire. Un baume au cœur, et un bel album qui mérite beaucoup de succès. Bravo messieurs...


lundi 12 mai 2014

Man Is Not A Bird : Un nouveau clip, et une campagne Ulule pour le nouvel album



Vous le savez sûrement si vous suivez régulièrement ce blog, je suis très fan de Man Is Not A Bird (je les ai vu jouer une dizaine de fois en quelques mois...), quartet post-rock parisien influencé par le math-rock de And So I Watch You From Afar avec qui ils ont récemment partagé la scène, et j'ai été l'un des premiers à vous en parler, notamment au travers d'une chronique de leur premier EP Restlessness. Avec cet EP, ils ont également participé à un split avec le groupe de post-rock lavallois Puzzle. Sur ce split figure le titre illustré sur le tout beau clip que je vous présente aujourd'hui : "The Sounds Of Spring".




Avec la sortie de ce clip, le groupe parisien présente également un "crowdfunding" pour les aider à financer leur premier album, qui sera nommé Survived The Great Flood. Du téléchargement de l'album au concert acoustique chez vous, en passant par le disque en vinyle, un tee-shirt, l'apparition de votre nom dans les remerciements, tout est proposé ! Bon, peut-être pas tout, les prestations sexuelles ou les reprises de chansons de Nickelback ne sont probablement pas possibles... Les packs proposés sont bien cools, et ça marche tout simplement comme une pré-commande, sauf que là, vous aidez directement au financement de l'enregistrement de l'album, le mix, le mastering, le pressage du vinyle, les frais d'envoi... Faites-moi confiance, cet album vaut vraiment le coup d'être soutenu, je vous dis ça parce que j'ai entendu plusieurs fois quelques chansons qui figureront sur cet album lors de leurs concerts parisiens, si vous avez aimé les chansons de l'EP et "The Sounds Of Spring", vous ne serez absolument pas déçu par leur évolution musicale, un peu plus directe et toujours aussi enjouée et onirique. Si vous souhaitez apporter votre contribution, c'est par ici que ça se passe ! Allez, rien que pour vous, deux exclusivités, chers lecteurs et lectrices de ce petit blogounet : voilà ci-dessous la setlist du dernier concert des non-oiseaux à l'heure ou j'écris cet article, avec le nom de certaines des nouvelles chansons dont je vous parlais plus haut, et le live d'une de ces chansons lors de ce concert. J'ai crissement hâte qu'il sorte, c't'ostie de disque !





mardi 6 mai 2014

Découverte : Ropoporose (indie/pop, Vendôme)



Un petit souffle d'air frais s'est déposé dans mes oreilles hier, car une amie m'a fait découvrir Ropoporose. Aaah, le talent des groupes français pour se donner des noms "what the fuck"... Bref, ce tout jeune duo composé d'un frère et d'une sœur, originaire de Vendôme, aussi bien influencés par Arcade Fire et Sonic Youth que par Pneu ou Yann Tiersen (pour les citer, et d'ailleurs ils ont du goût !), nous propose un son indie pop légèrement teinté d'électro. C'est mignon, entraînant, et même planant. Parfait à écouter sous le doux soleil qui arrive ces jours-ci ! Je vous laisse découvrir ce petit groupe prometteur avec leurs deux derniers titres en date, "Whu Whu" et "Empty-Headed", qui figureront tout les deux sur leur premier album nommé Elephant Love. Je vous en parlerais sûrement, quand je serais en mesure de l'écouter... Allez bande d'emos, je suis sûr que vous allez aimer nos frenchies !





vendredi 2 mai 2014

Chronique : La Dispute - Rooms Of The House



Il est des groupes qui feront toujours débat tout au long de leur carrière pour leur évolution, les émotions qu'ils ont suscités à leurs auditeurs, leur message... Indubitablement, La Dispute en fait partie. Les garçons de Grand Rapids ont chamboulé leur scène avec leur premier album Somewhere At The Bottom Of The River Between Vega And Altair, un disque poétique, urgent, cathartique. Après le second album Wildlife, beaucoup plus posé et narratif, qui a divisé nombre de fans de la première heure, le groupe revient avec un disque très attendu : Rooms Of The House. Beaucoup rêvaient d'un retour aux sources avec ce disque. Mais La Dispute a grandi, mûri, s'émancipe toujours autant de son passé, sans pour autant l'ignorer. Et ce disque le prouve...

Avec Rooms Of The House, La Dispute a trouvé un juste équilibre entre l'extrême sensibilité des débuts, et leur évolution vers un son plus épuré. Wildlife manquait de ce punch, de cette puissance qui caractérisait jusque là le groupe, et perdait vite de sa substance au fil des écoutes. Or, sur Rooms Of The House, il y a de continuels remous, un ton généralement plus grave, qui nous captive sur chaque morceau. Le story-telling de Jordan Dreyer se veut ici encore plus passionnant qu'à l'accoutumée, essayant de faire voguer, vaciller, trembler son spoken word, ce qui rendent encore plus poignantes ses histoires. Sur ce disque, chaque récit se déroule dans une pièce différente d'une maison, chaque objet à un sens, chaque lieu, chaque geste a son importance. "There are bridges over rivers, there are moments of collapse, there are drivers with their feet on the glass. You can kick but you can’t get out, There is history in the rooms of the house". Sur quelques instants d'envolées vocales, on croirait même entendre le chant piqué à vif de Kyle Durfey de Pianos Become The Teeth...

Pourquoi donc ce disque devrait-il plaire aux puristes ? Parce que l'on y retrouve des réminiscences de la série des EP Here, Hear dans les morceaux les plus posés (on pensera notamment au final "Objects In Space"), et même des explosions sonores chargées en émotions, et des riffs parfois bluesy, parfois agressifs, qui rappellent la force de frappe du premier et déjà mythique LP. Fidèle à l'ouverture d'esprit musicale, le groupe semble même lorgner vers l'indie rock 90's pur et simple avec "For Mayor In Splitsville", un single aussi catchy que simple dans la structure, différent de A à Z des compositions classiques des américains, qui a beaucoup déçu et étonné lors de sa sortie sur l'Internet. Même si il est en effet étonnant d'entendre ce genre de son de leur part, il est intéressant d'entendre les vocaux torturés de Jordan sur une instru qu'aurait pu composer Dinosaur Jr., un peu comme "Extraordinary Dinner Party" d'ailleurs. Les déclarations du blondinet sont ici toujours soutenues avec énergie, mais avec plus de lourdeur, sur une instru qui prend le temps de se dérouler, de se dévoiler. En fait, elle s'apparente à un bon vieux canapé douillet et confortable qu'on a (presque) tous dans son salon. Bien qu'un peu trop mou il est vrai, mais on reprend toujours un malin plaisir à se vautrer dedans.

Comment ne pas se laisser embarquer par ces récits poignants, émouvants, soutenus par cette atmosphère intimiste, introspective, comme si justement, le groupe tentait de te faire sentir chez toi, de te rappeler de certaines situations que tu aurais pu vivre dans ta vie de tous les jours, avec ta moitié, ta famille. Comment ne pas se laisser transporter par cette musique certes plus simple dans l'immédiat, mais toujours aussi vibrante, et qui du coup vous reste en tête. Oui bien sûr, on est loin des formidables entremêlements de guitares, du catharsis vocal, du métronome musical exceptionnel que représentait Somewhere At The Bottom [...], mais il ne faut pas chercher en lui un disque qui doit être rangé dans l'ordre logique dans lequel on voudrait le classer, cela gâchera votre découverte du disque et votre jugement dessus. Il faut le voir comme un nouveau recueil, à savourer au coin du feu, au coin de sa platine vinyle, au coin d'un arbre sous le soleil (couchant). Comme un bon bouquin, en fait. Car c'est finalement là un disque plus sombre, plus réfléchi peut-être. Plus adulte.

Il semble que La Dispute ait préféré miser sur la puissance des mots plus que sur la puissance sonore. L'essai a été difficilement exécuté avec Wildlife, mais bien transformé avec Rooms Of The House, qui mêle cet impact lyrical important, à un son toujours imprégné d'une grande force, tranquille mais palpable, et d'un ton, d'une dissonance hérités tout deux de leurs origines post-hardcore qu'il leur sera impossible à mettre de côté, et fort heureusement. Chaque morceau se différencie par un petit quelque chose dans les riffs, les couplets, les voix. L'alchimie est réussie, même si il est vrai que Rooms Of The House souffre encore de quelques longueurs. On aurait pu également espérer un dernier coup d'éclat de Kevin Witthemore, le guitariste qui signe ici son dernier album avec la bande. On aurait aimé entendre une dernière fois ces instants de grâce et de folie de sa part qu'on a tant aimé sur Vancouver, et le fameux LP qui a suivi. Mais d'un autre côté, cela nous laisse définitivement à penser qu'ainsi, chaque disque de La Dispute sera unique.