vendredi 16 mai 2014

Chronique : Totorro - Home Alone



Avec ce que l'on sait déjà de lui, avec le nouvel album de Mermonte, Audiorama, qui est tout simplement magnifique, et avec ceux de Man Is Not A Bird et de Bien À Toi qui arrivent en fin d'année et qui s'annoncent mortels au vu des nouveaux morceaux que ces deux groupes jouent fréquemment en live en ce moment, on peut affirmer haut et fort que le post-rock français par rapport au reste de la scène, c'est un peu comme Mickael Jackson dans le monde de la pop : une suprématie absolue. Sauf que le premier n'est pas mort, et que ça doit être assez compliqué de danser le moonwalk la-dessus. Quoique sur Jean Jean... Bref. Aujourd'hui, j'ai choisi de vous parler du nouvel album de Totorro, qui va sûrement faire partie du panthéon du post-rock hexagonal. Quoi, le héros sorti de l'imaginaire de monsieur Miyazaki s'est mis à la musique ? Mais non, tu vois, Totorro, cette formation post-rock qui à la base jouait d'une musique sombre, dépressive, onirique avec leur premier EP sorti en 2008, et y intégrait carrément du screamo avec le superbe All Glory To John Baltor sorti en 2011 qui passe encore en repeat dans mes oreilles en ce moment. Tu vois maintenant ? Non ? Ben nique ta... Cacahuète, voici pour toi jeune pomme (parce que les pommes c'est mieux que les cacahuètes) le nouvel album des Rennais : Home Alone. Ici, exit le screamo, l'atmosphère "j'ai envie d'me suicider parce que c'est cool la mort", les arpèges pince-cœur, les cris éthérés (plus besoin de mettre un t-shirt de groupe de crust pour aller les voir, vous pouvez ressortir les chemises et oublier les coupes nazies !). C'est un album math-rock auquel vous aurez le droit ! Enfin, influencé math-rock, plutôt. Un disque illustré par une pochette toute simple, qui au premier abord représente simplement une petite maison aux traits enfantins, mais si l'on y prête bien attention, on voit un bonhomme dans cette modeste demeure. Le petit homme solitaire qui va sûrement être réconforté par la musique chaleureuse des bretons.

Il fait gris dehors et ça te grise le moral ? Eh bien t'en fais pas mon copain, c'est une énorme dose de bonne humeur, de bonnes ondes, un petit quelque chose de réconfortant, qui t'attend avec ces 8 titres, dont 3 étaient déjà connus via l'EP également nommé Home Alone. Mais ils bénéficient ici, tout comme les autres titres, d'une production plus "brute", mais également plus aboutie. C'est quand même Mike Marsh (The Prodigy, Oasis, The Chemical Brothers...) qui a fait le mastering de ce bébé, s'il vous plaît. Ce son calibré à la perfection se révèle dès le premier titre, qui reprend le nom de l'album. Ça commence doucement, sereinement... Et d'un coup, SUPERNOVA ! Un gros coup de soleil sur ta peau, ça t'explose en pleine face et ça cavale dans tes esgourdes ! Une rythmique presque punk qui soutient des mélodies aussi rapides qu'entraînantes, c'est 1mn30 d'un son explosif et vivifiant, une grosse bouffée d'air frais, soudaine, qui te scotche sur place ! Mais il n'est pas question de violence, ça n'inspire que du positif.

Les titres suivants sont plus longs, mais réservent également leurs lots de surprises. Les rythmes se succèdent, les couplets ne sont jamais les mêmes, les guitares s'assagissent puis rugissent, on plane, on s'envole, plus haut, toujours plus haut ! À l'image de "Chevalier Bulltoe", qui commence comme le titre précédent,  tout doucement, puis qui se dévoile d'un coup, entre sons presque tropicaux et un math-rock aussi énervé que doux comme le petit final attendrissant, au moins autant que le très aérien "Motte Rock". Ben ouais, le rock des cambrousses et de la paille jaune pétant qui te brûle la rétine au soleil qui brille sur ce disque, la musique champêtre de Papy André mon pote, c'est comme ça qu'il élève les vaches du pré, celles qui font meuhmeuh à la fin du titre, ghetto agricole dans le pis de ta mère, qu'est-ce qui s'passe ! En fait j'essaie de matérialiser les guitares crissantes qui se lèvent vers la fin du morceau, mais version troupeaux de vaches qui s'énervent, c'est rigolo à se représenter. Et pour le coup, le morceau finit vraiment sur un ton mathy. Moi je dis que le motte-rock c'est un genre crédible. Les mecs à la Mike Kinsella qu'auraient toujours des chemises à carreaux mais avec le chapeau de paille et les bottes vertes qui vont bien, les concerts DIY dans des granges, les "crame party" au lait de chèvre dopé aux OGM, tout ça. Puis le style "fermier de province", ça doit être vachement plus cool que le look de tout ces pédés dépressifs qui écoutent du Raein et qui vont acheter leurs jeans skinny chez H&M... Hein ? Ah non non, je parle pas de moi, euuh non...

Avec ce disque, on voyage, tout simplement. Sans passer par un avion Easyjet tout dégueulasse ou un guide touristique qui pue de la gueule. Non non, une échappée tantôt délicate, tantôt, tumultueuse, sportive, mais qui fait du bien, des paysages qui se dessinent, s'érodent, s'illuminent. En parlant de voyage, le titre "Tonton Alain Michel" a été utilisé pour la passionnante web-série "Direction l'Asie en auto-stop", crée par un seul dude qui comme le nom de la série l'indique, s'est rendu en Asie en auto-stop, en changeant de compagnon de route à chaque épisode, à chaque nouvelle étape. Imagine écouter ce morceau dans ta voiture sur l'autoroute, ou mieux, sur les petites routes de campagne (motte-rock rpz) ! Ou tout bêtement dans ton bus, ton train, sur ton vélo, le matin quand tu pars au taff, ou quand t'en rentres le soir. Une succession de riffs qui montent et qui descendent, qui grognent comme un grumpy cat, des montagnes russes d'émotions. L'un des plus beaux titres de ce disque, qui te hérisse les poils (quitte à être un grumpy cat, autant en chopper le pelage), aussi beau que le ciel bleu azur dans lequel il semble te noyer. Mais le ciel n'est pas toujours si lumineux que ça sur ce disque. En témoigne "Osao-san", la seconde killer track de la galette, qui même si elle reste globalement dans le ton ensoleillé de l'album, laisse entendre des riffs très gras, très lourds (on dirait même que le morceau vire sludge à la fin !). Des réminiscences de leur période sombre ?

Je ne vais pas vous décrire tout les titres, je préfère vous laisser découvrir tout cet univers par vous-même, je préfère que vous vous laissiez surprendre comme j'ai pu l'être. Home Alone, au final, c'est un peu la carte météo parfaite (du moins en été quand on crève de chaud) : un temps clément, rayonnant, mais l'orage qui gronde au loin. J'avais lu quelque part que l'une des influences du groupe est American Football. C'est vrai que cela ressort sur ce disque, bien plus que les précédents en tout cas, ou ça sentait plutôt Envy à plein nez. Ce sera l'un des disques qui sera bon d'écouter cet été, avec les copains, ou seul posé sur l'herbe à se dorer la pilule. Il est même réconfortant, à vrai dire. Un baume au cœur, et un bel album qui mérite beaucoup de succès. Bravo messieurs...


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