dimanche 24 mai 2015

Je suis ressorti vivant du Throatruiner Fest.


C'était le Jeudi 14 Mai, jour de l'Ascension. Toutes les familles traditionnelles catholiques allaient encore une fois se laver la conscience et se faire chier autour de prières en hommage à une entité plutôt BG sur toile, et censée répondre en réalité à des millions d'appels à la minute, soit potentiellement l'opérateur téléphonique le plus efficace du monde. Sauf que le correspondant est injoignable depuis des milliers d'années, que des millions de réclamations s'accumulent sur un répondeur mort, et qu'il laisse à ses abonnés un forfait au goût amer de pédophilie et d'intolérance. De notre côté, on avait quelque chose de plus intéressant à fêter. Moi et au moins une bonne centaine d'autres hipsters habillés tout en noir (ou au moins avec une chemise) allaient se donner rendez-vous pour une autre sorte de culte, un peu plus concret celui-ci : la célébration du 5ème anniversaire de Throatruiner Records, le one-man label from Rennes la gangrène dévoué à la musique sombre, expérimentale, violente et chaotique, et qui produit le meilleur de la scène française du genre. Tu sais que je te parle souvent de ses sorties, si tu suis ce blog. C'était le Throatruiner Fest, ça se déroulait en trois manches, j'ai participé au round parisien, mes oreilles ont pris une raclée mais malheureusement j'en suis ressorti avec bien trop peu de sueur et de bleus, proportionnellement aux tonnes de side-kicks que nous ont infligé chacun des groupes. Retour sur un show béton, mais au public carton.

Le combat se déroulait en des lieux quelque peu propices à l'ambiance générale que dégagent les groupes présents sur le line-up. Mesdames messieurs, je vous présente le ring du Glaz'Art : une salle de concert recouverte de graffitis perdue en plein milieu de la Porte de la Villette, calée entre le périphérique, des kilomètres de bureaux gris et divers restaurants kebabs, dont la devanture est la résidence de quelques SDF qui tiennent difficilement debout chaque jour qui passe à l'aide de canouches bas de gamme. L'alcool, la crasse, la pisse, la misère, la routine : pas de doute, le décor est ancré, la soirée peut commencer ! C'est Calvaiire qui a ouvert les festivités, devant un public de plus en plus conséquent à mesure que le set avançait. Bon, c'est pas parce que le groupe était chiant et que c'était pas grave de le louper, mais il y avait des problèmes sur le métro à ce moment-là... Dommage pour eux, ils auront à leur insu loupé monsieur Throatruiner et ses petits potes pendant un exercice de danse contemporaine fort plaisant : Mathias, visiblement possédé par une entité qui a réussi à décrocher le téléphone, occupait toute la scène en se pliant, en sautant, en se tordant, illustrant rien que visuellement la violence punitive de la musique du groupe, à cheval entre hardcore chaotique, mathcore et black metal. Soutenu par des effets lumineux épileptiques, mais moins aidé par le son de la salle assez brouillon, le quartet s'est démené à nous balancer le plus concrètement possible le bordel assassin et virulent qu'ils composent depuis l'EP Rigorisme, faisant tranquillement tomber les premières gouttes de sueur sur les joues fragiles du public parichien, et sur celles que Quentin Sauvé, qui jouait à la guitare le premier des trois sets qu'il allait donner ce soir, sans pression. Bon OK, je suis pas très gentil avec Paris, mais est-ce que Paris est gentil ? Non, et encore moins magique. Bisous.

The Rodeo Idiot Engine ont ensuite pris le relais, balançant un hardcore à cheval entre saccades, catharsis et blast beats, nuancé par des instants mélodiques inspirés par le post-hardcore de type Cult Of Luna, et offrant un univers visuel toujours aussi captivant, entre lights stroboscopiques et fumée à outrance, à l'odeur âcre, de quoi s'immiscer complètement dans leur univers. Les garçons du sud ont très bien fait le boulot, c'est indéniable, ça a été un réel plaisir de les revoir, mais l'ambiance était vraiment pas coordonnée. Je me rappelle les avoir vu dans un squat miteux de région parisienne tenu par des toxicos tendance héroïne qui s'appelait "La Bouée", qui a aujourd'hui fermé (le fléau des fermetures/incendies douteux en série des squats parisiens...). La salle de concert, c'était visiblement l'une des pièces à vivre de l'appartement, le plafond était très haut mais la pièce relativement petite, si bien qu'un canapé-éponge trônait fièrement sous une mezzanine ou était calée la régie son. The Rodeo Idiot Engine y avait joué avec Afterlife Kids, Gazers et Jungbluth (coucou Mathias), on était pas plus d'un trentaine mais c'était un joyeux bordel, tout le monde se marrait, slammait et se foutait sur la gueule, sur un sol devenu patinoire au houblon. C'était un putain de bon concert, une putain d'ambiance, et surtout, il y avait JEAN NEIGE (les vrais savent). Je pensais retrouver ça pour leur set, l'ambiance un peu YOLO, mais keudal, c'était plutôt ambiance balai dans le cul et moustache bien brossée, bien loin de la violence que tout le monde promettait à ses potes de Facebook. Et j'en suis profondément désolé pour le groupe qui s'est démené pour nous quitte à en péter une guitare. Promis, quand vous repassez à Paris, on fout la halla. Je fais mon râleur certes, c'est tout à fait normal de vouloir profiter d'un concert posé en se laissant bouffer l'âme par ce qui se passe devant nous, j'en fais de plus en plus partie de cette catégorie de personnes pour tout avouer, mais bon, quand il s'agit carrément d'en vouloir à ceux qui se veulent mouliner un peu en leur faisant la morale avec insistance, c'est assez flippant. Je reviendrais dessus plus bas.

On continue les cours d'algèbres avec Comity, soit quelques uns des darons du hardcore mathématique de banlieue, qui de par leur carrure d'armoire suédoise ont impressionné l'auditoire par leur musique qui demande une concentration maximale pour ne pas en perdre le fil. Personnellement, j'ai un peu de mal à accrocher musicalement. Mais en termes de performance pure et de technicité, c'est assez impressionnant, surtout quand pour le morceau final tu passes à quelque chose de quasi-doom, qui prend bien le temps de se développer, d'exploser. LE CONTRASTE. Death Engine ont succédé au comité de la patate, et ça a été supplément de pomme de terres. Ou l'art de rendre la noise romantique et cathartique. Les mecs ont pas parlé du tout, mais leur musique à suffit à causer pour eux. C'était un mur de son massif, hypnotique, exécuté avec force et précision, plus impressionnant encore que sur disque. Ce fût leur première apparition parisienne, et je pense qu'un second passage est désiré par pas mal de monde désormais. De plus, le frontman fait preuve d'un charisme non négligeable, salut les filles. Du romantisme, on est passé à la baston avec Cowards. Eux, c'est le penchant encore plus bas que bas du front du hardcore jeu parisien, situé quelque part entre le black metal en sweat/basket et une réinterprétation label rouge du catalogue H8000 Records. Les gars ont bien tenu leur réputation ce soir, narguant le public et le regardant avec une haine quasi palpable (l'un des guitaristes nous aurait apparemment dit qu'on était tous laids, c'est pas très gentil vu comment je me suis fait chier à me coiffer au matin), déversant son quintal de hardcore sludgy et blackisant sur un public qui semblait les blaser. Julien (chant) râlait sur l'ingé son car sa voix ne ressortait pas bien, et il avait raison : j'ai l'impression que ce soir-là, l'ensemble des musiciens ont pâti de cette acoustique médiocre, ce qui a réduit la force d'impact de cette prestation qui aurait pu se solder par une victoire par K.O sur chacun des spectateurs, mais qui malgré la possibilité d'échec s’est tout de même soldé par pas mal de crochets du droit dans la tronche, mais sur un public décidément aussi communicatif qu'une porte de frigo.

En parlant de frigidaire, ça tombe bien, Plebeian Grandstand est arrivé après le combat pour délivrer son black metal glacial et dissonant, celui de l'impressionnant Lowgazers, très différent de How Hate Is Hard To Define, le précédent LP. Leur torrent de froideur acerbe délivré de manière assez simple mais très carrée a envoûté l'assemblée, au point que deux ou trois kids se sont laissés aller à des gesticulations compulsives, ce qui a déplu à un bras-croisé dont je parlais plus haut, qui s'est empressé de lui rappeler les règles supposées de bonne tenue et de courtoisie. Sérieusement, on devrait faire sponsoriser la scène parisienne par Swiffer, c'est impressionnant ce taux d'anus-balai, on dirait que les mecs cherchent à chaque fois à se rendre à un concert de Michel Sardou, se trompent de concerts et restent quand même parce qu'ils ont payé. Eh les mecs, sur l'event on avait dit « Pas de chiens, pas de selfies, pas de bolosses, QUE DU MOSH ». C'est pour ça que les spectateurs parisiens m'énervent au plus haut point, ils vont voir du hardcore comme si c'était une expo, quand tu vas voir un groupe du genre au premier rang, il ne faut pas s'attendre à un débat autour d'un thé. Mais hey, parce que je comprends que t'aimes pas la violence physique et que c'est normal, si tu veux kiffer ton concert sans qu'on te prenne la tête à te faire cogner, fais comme moi, arrête d'emmerder ceux qui ne font plus qu'un avec la violence sonore et va légèrement sur le côté de la scène, t'auras un point de vue parfait sur les zicos, leur matos (pour le cas "je suis musicien et je veux voir le pedalboard du guitariste"), et même le public si tu veux t'amuser à te foutre de la gueule de tes ennemis présents, j'te promets que tu peux passer un moment très drôle et vivre à fond ton concert du point de vue musical. Bref, revenons à la musique.

Le meilleur de la soirée restait encore à venir, déjà qu'on s'en est pris plein les esgourdes et les mirettes jusque là, et c'est Birds In Row qui aura imposé son règne le premier. Le trio hardcore français le plus en vogue actuellement un peu partout dans le monde, avec désormais ce cher Quentin Sauvé à la basse, a encore une fois réalisé une démonstration de hardcore émotionnel débordant de rage, de passion, de vivacité, d'urgence. Les petits gars en ont profité pour jouer plusieurs morceaux, plus longs et sinueux qu'à l'accoutumée, mais toujours aussi virulents et sensibles. Ils seront sur un EP à paraître bientôt, et ils se font déjà attendre avec impatience. Et c'est SEULEMENT lors de leur dernier morceau joué ce soir, « You, Me & Violence », que l'audience s'est décidée à briser la monotonie ambiante en devenant une espèce de marée humaine incontrôlable où tout se qui se trouvait autour était susceptible de devenir un dangereux projectile. Les sing-along se sont soudainement levés, les bras bougeaient frénétiquement au grand dam des paires de lunettes environnantes, et cela aura clôturé dignement le set des lavallois qui le méritaient amplement. Le grand final de cette boucherie en plusieurs chapitres s'est donc déroulé avec l’un des meilleurs groupes français toutes catégories : As We Draw. Le groupe principal de Quentin nous a tous scotché, jouant les meilleurs morceaux de leur second et magistral album Mirages nous offrant même un featuring avec Plume (Direwolves) sur « Fata Bromosa ». Les mecs ont imposé leur univers lunaire et massif avec une dextérité imbattable. Aucune fausse note, aucun besoin d'en faire trop, tout était spontané, joué avec la plus grande simplicité du monde, c'était BEAU. J'ai pas beaucoup de mots pour décrire ce set, et je pense qu'il en a été de même pour la plupart des personnes présentes. Je rajouterais juste un truc : je veux les revoir. VITE.

Avec un écrasant 8-0, Throatruiner Records a humilié ses adversaires, dont les plus statiques l'ont peut-être été par peur de la défaite, qui sait ? En gros, c'était impossible de pas ressortir comblé de ce fest qui aura 8 fois démit nos cervicales, et accessoirement de ne pas croiser de gens défoncés à la sortie. La soirée d'anniversaire a ainsi été un relatif succès, et on en vient à réclamer une seconde édition pour l'année prochaine. Mais pour cela, je pense qu'il faudrait que de nouveaux groupes entrent dans le roster, pour diversifier un peu la chose. Vivement le mercato ! Quoiqu'il en soit, on dit merci à Mathias pour cette soirée, merci à tous les groupes présents, et merci à la quadruple dose de café de m'avoir permis de tenir debout le lendemain.

PS : pour les non-vegans, évitez le kebab Oasis Géode, près de la sortie de métro Porte de la Villette, le mec te fait croire qu'il prend pas les tickets restos et met un temps fou à te servir.

Bisous.

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire