lundi 9 février 2015

"Hyperview" de Title Fight est d'abord hyperchiant, puis hyperbien.



Salut à toi, fan de melodic hardcore. Te souviens-tu des sing-alongs que tu pratiquais sur les titres "27" et "Symmetry" de Title Fight ? Te souviens-tu de ce sentiment trve pop-punk que tu avais en écoutant Shed ? Et bien ce temps est désormais révolu. Ne vous attendez plus à faire du stage-dive ou à manger des pizzas (même vegan) sur leur nouvel opus, Hyperview se veut un peu plus adulte, et beaucoup plus trouble et délicat, dans un univers musical qui nous ramène facilement 20 ans en arrière, et qui va déconcerter bien des kids...


Floral Green annonçait déjà la couleur, avec de grosses influences grunge et shoegaze injectées dans un emo punk qui s'était déjà débarrassé des influences hardcore mélodique du début à la Lifetime. Mais là, c'est vraiment un virage à 360 degrés qu'à marqué Title Fight. Les mecs ont sûrement ressorti leurs disques des Smiths avant d'enregistrer Hyperview, qui à la première écoute se révèle décevant... Par rapport à Floral Green. Pourquoi avoir choisi de vider leur musique du fuzz et de la chaleur qui la caractérisait si fort ? Pourquoi s'être autant éloigné d'une recette qui les a propulsé au devant de la scène ? Pourquoi ça pourrait plaire à ta mère ? Explications.

Ce changement, très personnellement, ne me surprend absolument pas, et au contraire je m'y attendais, mais il déstabilise vite. "Murder Your Memory", qui ouvre le disque, est un titre très calme... Trop calme : elle ennuie plus qu'elle ne détend, et nous sommes encore trop habitués à des morceaux d'ouverture pétaradants et euphoriques de la part des américains. N'est pas Seahaven qui veut, les enfants... Heureusement, le single "Chlorine" arrive juste derrière, et la magie opère dès les premières secondes. Des kilos de chorus soutenus par des guitares gavées en distorsion, et un chant posé mais catchy, comme sur "Head In The Ceiling Fan"... Même si le ton est ici plus sombre. À n'en point douter LE meilleur titre de Hyperview. Malgré tout, plus l'on avance dans l'album, plus l'on se rend compte que tout ce que l'on aimait de la bande, il n'en reste manifestement plus grand chose, si ce n'est les voix qui restent quand même fortement teintées d'émotions et de spontanéité... Même le chant crié de Ben Russin a quasiment disparu, audible seulement en backing vocals sur "Hypernight", un titre qui évoque fortement Balance & Composure, et également sur l'ensemble de "Rose Of Sharon". Fais écouter ce titre sans les voix à tes parents, ils te diront "mais je la connais pas cette chanson de The Cure, ils ont viré leur claviériste ?". Mais tout ça, c'est le jugement de la première écoute. Plus l'on écoute ce disque, plus sa véritable substance se révèle...

... Et révèle un disque épatant. Autant par sa production plus affinée et équilibrée, assurée par Will Yip (mettant quelquefois les voix en retrait, dans les règles du l'art du nouveau style musical de la bande), que par la simplicité d'un opus pourtant riche en mélodies acidulées mais pas mièvres, et ma foi délicieux. "Murder Your Memory" que l'on pensait passable au début devient ainsi la douce brise d'aurore qui t'accueille doucement dans cet univers doux/amer noyé sous l'océan d'effets "flanger" des guitares. Un petit fait qui n'est pas si anodin que ça : la seule piste qui garde des consonances punk dans l'aspect purement musical de la chose, c'est "MHRAC", un punk très consensuel mais efficace, toujours noyé sous le chorus, une chanson qui fera très sûrement un effet bœuf à écouter le matin sous l'aube dégagée quand tu as bien dormi. Cet album est un album de détente, un album nocturne, rêveur, encore une fois trouble. Il réserve également des surprises, à l'image du chant de Ned sur "Your Pain Is Mine Now", où dans sa délicatesse fait également surface une justesse assez nouvelle, laissant entendre quelques vibratos.

Il est impossible de juger cette galette et de l'apprécier réellement en une seule écoute, elle en demande plusieurs, devenant ainsi ce qu'on appelle en Amérique un "grower". C'est ainsi que ces nappes de guitares aquatiques, ce chant parfois un peu trop fluet jugeront certains, cette atmosphère très travaillée tantôt sereine tantôt quasi-dépressive, finiront finalement par nous envoûter, donnant une seconde chance à ces 10 titres, dévoilant leur charme et leur force. Chaque nouvelle écoute permet de découvrir des détails supplémentaires dans l'instrumentation et le chant. Il faut se l'avouer, beaucoup de lecteurs qui liront cette chronique, moi y compris, ont aimé les dernières productions de Nothing, Whirr, Seahaven, B&C... Alors ce disque ne pourra pas réellement vous laisser indifférent. Mais il y a également ce côté "trendy" (on pensera à ce revival 90's à la mode) qui agacera certainement ceux qui préféraient l'urgence juvénile des précédents opus... Parce que oui, finalement, les bonhommes de Kingston semblent simplement avoir grandi, pour jouer quelque chose qui leur correspond plus désormais. Jouer ce qu'ils ont envie, et pas ce que les fans attendent. Beaucoup disaient sur les réseaux sociaux que si un pote leur disait qu'un single de Title Fight avait été mis en streaming sur le site internet de Vogue (un magazine de mode américain) 5 ans plus tôt, ils auraient ri au nez de la personne. Et pourtant "Your Pain Is Mine Now" a été mise en ligne sur ce site, faisant (peut-être pas tant que ça) par hasard écho à leur univers musical aujourd'hui en vogue... N'oublions pas que le titre "July The Fourth" titre de Nothing avait également été posté en streaming sur ce site l'an dernier, et que les shoegazers sont un peu plus branchés mode que les hardcore kids, il faut bien savoir cibler un public que leur album semble désormais viser...

Et alors, concrètement, Hyperview : bon ou mauvais album ? Bon album, mais c'est tout simplement pas du tout ce que la plupart des gens attendaient de Title Fight, et pour ceux qui savaient que le groupe allait jouer quelque chose de différent et de bien plus ambiant, un sentiment de linéarité et de facilité peut facilement venir à l'esprit. Cependant, si un groupe de shoegaze ou d'indie rock aurait sorti le même album, on l'aurait probablement adoré dans une toute autre mesure ! Même si on râle, on appréciera quand même beaucoup ce disque, avec pas mal d'efforts, pour son côté hypnotique, ces guitares épurées et éthérées, parfois noisy mais pas lourdingues, sa facilité d'écoute, et le fait que les garçons n'ont aucune gêne à assumer ce changement de fond en comble. Les deux vrais véritables problèmes de ce disque, c'est que le groupe a perdu toute sa personnalité, ce qui aurait pu faire de ce nouvel album un chef-d'oeuvre : garder leur insouciance habituelle, garder ces guitares éternellement mélodiques mais crunchy as fuck, tout en y ajoutant leur nouvelle recette plus délicate. Et c'est également le fait que le disque soit assez répétitif, ce qui risque d'altérer sa durée de vie dans le cœur des kids, si bien que le bug qu'à connu le site NPR sur son stream exclusif de l'album n'a pas choqué grand monde, alors qu'il proposait deux fois la même chanson... Au finl, seul le temps décidera définitivement de la qualité de ce disque : sera-t'il oublié au profit d'autres disques du genre plus atypiques cette année ? Ont-il été des outsiders qui nous surprendront parce que ce disque tournera finalement en repeat sur nos platines ?... Quelques jours après avoir découvert ce disque, c'est la seconde option qui semble se dessiner.

Bisous.


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