mardi 21 janvier 2014

Chronique : State Faults - Resonate/Desperate


Je suis en retard, c'est vrai. Mais il fallait que je vous parle de ce nouvel album de State Faults, clairement l'un de mes groupes screamo favoris, que ce soit musicalement ou pour leur culture Internet (le groupe est spécialisé dans le postage de statuts drôles et d'images "what the fuck"). Après l'EP Head In The Clouds très influencé post-rock à une époque ou le groupe se nommait encore Brother Bear, et le premier album Desolate Peaks ou les influences screamo se font bien plus présentes, les garçons de Santa Rosa, Californie, sont revenus mi-Novembre 2013 avec le très attendu Resonate/Desperate, sorti chez No Sleep Records. J'ai toujours pensé que le groupe était très sous-estimé par rapport au reste de la scène, et à ce qu'il délivre dans ses chansons et en live. Avec le soutien d'un label qui aura notamment vu passer La Dispute, Balance & Composure ou encore Now, Now, et avec ce que nous offre ce disque plus direct encore mais toujours aussi céleste, ceci devrait changer... 

La première chanson, "Meteor" porte très bien son nom : il nous tombe violemment sur la tête un hardcore mélodique énervé, saccadé, soutenu par une cascade de frappes impressionnantes de la part du batteur, et ce cri toujours aussi déchirant, perçant, intriguant. Il pourrait même s'avérer dérangeant pour les kids qui n'auraient pas (encore) écouté de skramz façon Raein. Au milieu du morceau, un brouillard shoegaze se fait sentir sur un pont plutôt aérien. Il nous plonge dans cet univers fantastique, aquatique même, qui ressort des paroles de l'album entre abstraction, tristesse et pessimisme d'un groupe fan de la saga Final Fantasy... Ceux qui suivent assidûment la saga verront notamment le rapprochement dans certains titres. Avant d'être des musiciens, chez State Faults ce sont avant tout de grands geeks ! Le titre suivant, "Wildfires", est le tube en puissance de cet album. Les mélodies sont aussi catchy que virulentes, s'impriment dans les oreilles et dans le cœur, et n'en ressortent plus. Une urgence aussi terrifiante que vivifiante. C'est un voyage quelque part entre les forêts, le ciel étoilé et l'aurore. Et au milieu de ça, une rengaine hurlée depuis les tréfonds d'une âme torturée : "Misery, do we fade into nothing ? / Misery, does this all mean nothing ? Misery, why do fireflies die ? Why wildfires wither away ?". Quelques phrases qui seront assurément reprises en cœur par leur public en live. Ce morceau est suivi de "Ultima", toujours aussi intrigante et prenante, un autre single potentiel, avec la petite rengaine qui va bien : "Stomp me on, cause I'm burning at both ends / Stomp me on, cause I'm burning on infinite"

Il est désormais impossible d'arrêter ce disque, l'univers sombre et hypnotique t'a désormais enveloppé, emprisonné. Ton cœur sera brisé, transpercé par les "Stalagmites". L'océan, un océan de tristesse dans lequel on semble se noyer, devient glace. Sur ce titre, on plonge encore un peu plus dans la détresse de Jonny (chant/guitare), qui veut à tout prix se faire entendre, et hurler la peine de ceux qui n'y parviennent pas. Briser la glace. "Cause you'll never ever know what it feels to resonate so desperately". Le nom de l'album prend ainsi tout son sens. Sur ce titre, un point culminant nous donne réellement envie de déposer une petite larme : lorsque Jonny s’époumone à hurler "I turn away, nothing is real, I close my eyes, and feel my body slip from me", avant un petit solo de guitare touchant et plutôt inattendu, avant que Jonny ne revienne une dernière fois répéter ses complaintes. De l'océan froid, nous sommes directement catapultés vers les montagnes avec "Diamond Dust". Un nouveau paysage glacial, qui devient apocalyptique quand l'avalanche déboule dans nos esprits. "I am an avalanche, swallow everything / I am an avalanche, burying myself alive". La poussière de diamant que l'on est, ces restes de matière lumineuse et fragile tel nos âmes tourmentées, se mêle au torrent de neige qui ensevelit notre être, nos espoirs impossibles. "Wishing impossible things", nous vocifère Jonny dans les ultimes secondes de cette rude escapade. L'avalanche avait déjà recouvert le paysage, il s'agit maintenant de le détruire. "Disintegration" se lance. Dans une ambiance grave et pesante autant que le cri de Michael (guitare) qui surgit sur quelques mots, ou les guitares se veulent incisives, percutantes, on assiste à la destruction de la matière. "I feel so empty, the universe inside of me has faded/ it just drifts away/ our bodies age and entropy / everything that is will disintegrate". Sous ces arpèges finaux, la poussière qui resterait ici et là se disperserait lentement. 

Nous ne sommes désormais plus rien. "You cant save me / Don't cry for me / I'm already dead", disait Jonny sur "Faultlines". Nous ne sommes plus rien d'autre qu'un rêve oublié, cristallisé, perdu dans l'océan astral. Un rêve qui explose une nouvelle fois en mille morceaux, en une explosion soudaine. Une cascade rythmique redoutable, contrastant avec les mélodies shoegaze du début. Rien ne semble arrêter les éléments dans cette fatalité pourtant si belle, au travers de ces eaux troubles, de ces glaces , de ces étoiles filantes. Une cascade qui coule sans discontinuer sur "Incantations". Une sorte de synthèse brutale et réaliste de tout ce fléau affronté depuis le début du voyage, depuis le début du disque. Un constat amer et résigné de la personne que l'on est. "I’m painting mountains across timeless passions / I climbed the tops of trees but all I saw in me / Were just cloud mouthed storm fronts clouding crystal visions / A ruined painting disintegrating.". Une incantation faite pour exorciser nos maux. 

Une lumière blafarde semble apparaître sur les premières notes cristallines de "Luminaria". Mais ce n'est qu'une illusion. "My heart is a desolate peak / Life is a lonely disease / Embedding splinters in me / Life is a lonely disease" hurle avec toute la douleur du monde Jonny, sur un son toujours plus cathartique et atmosphérique. "Amalgation" se veut plus terre à terre, moins aérienne. Elle nous rappelle au bon souvenir d'une forêt maintenant disparue. "Now the forest is gone / The ashes fall like snow / When winter sank in the soil / The garden just wouldn't grow". Et maintenant, que reste-t-il en définitive ? Le néant ? Un dernier brûlot vient nous le rappeler. "Old Wounds". De vieilles blessures qui ressurgissent. Les blessures de notre Terre, les blessures de nos cœurs. Sous d'ultimes arpèges, d'ultimes chœurs, un ultime voyage dans l'aurore, Jonny nous crie ces derniers mots : "We pulled the earth from the bone and emptied the vein / When the dust settled, an ocean remained and in its waves / old wounds reopened / Our hopes drowned in the ocean". Et tout se meurt dans quelques notes de piano funestes. Puis le silence. Tout est fini. Tout est probablement emprisonné sous des glaciers éternels. 

Éternels tel la beauté de ce disque poignant, lunaire, impressionnant. Une histoire tragique, un voyage unique. Rien que musicalement, l'alchimie entre screamo, shoegaze et quelques accents post-rock est justement distillée, rendant le disque varié, captivant du début à la fin, parfois catchy, parfois violent. On arriverait presque à un point culminant d'émotions proche de Pianos Become The Teeth. Une beauté cristallisée dans les glaces piquantes des ténèbres, doucement éclairée par les lueurs de l'aurore. Il vous faut vous plonger dans ce disque. "For your health", comme le dit l'une des quelques répliques cultes du groupe.

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