dimanche 5 octobre 2014

Rouille : La música calma y (ultra)muere.

 
 

Ca me saoule un peu de commencer par une rétrospective pour justifier l'écoute d'un nouveau projet musical, mais pour le coup, rien que pour l'ego et par une certaine dose de fanatisme sûrement liée à mon insouciance de babtou fragile, je suis obligé. Depuis quelques années, un groupe manque cruellement à la scène française, un groupe que je considère important bien au-delà de la simple scène screamo, bien au-delà de l'existence humaine, et des framboises : Amanda Woodward. Qui mieux qu'eux dénonçaient la connerie humaine en jouant des mots et des maux sans devenir chiant ou trop compliqué à suivre ? Qui avant eux avaient tenté l'audace dans leur scène de mélanger deux mondes qu'à priori tout oppose : le hardcore et le dub/reggae ?... Fugazi diront certains, mais c'est pas vrai, et eux c'est encore autre chose. Puis à leurs concerts, il y avait une ferveur démente, un feeling que tu ne trouves quasiment plus en France aujourd'hui quand un groupe screamo joue, c'est vraiment triste. Actuellement, la plupart des membres de cette formation mythique sont partis jouer dans diverses formations, plus ou moins vivantes à l'heure actuelle : Guns Of Brixton, Maussade, Death Mercedes, Burning Bright... Et fût un temps, Mort Mort Mort. Beaucoup sont ceux qui réclamaient et veulent encore une réapparition d'Amanda, qui s'est eclipsée au sommet de sa gloire en 2006. Moi-même, je rêve toujours aussi fort d'avoir un jour la chance de la voir en concert... Regarde un peu la groupiasse que je suis. Bon, jusque là, pour me consoler, je me suis contenté de voir plusieurs fois Death Mercedes en concert, qui se voulait à peu près être la relève directe des caennais, bien qu'en plus néo-crust. J'aime bien ce nom de genre, c'est rigolo, t'imagines des crusties en jogging Adidas avec un DJ à veste à patchs et un chanteur qui pose pour les sappes hors de prix de Porsche (Chester Bennington le fait), ou genre Ekkaia jouer au Zénith avec Korn et se faire remixer par Skrillex ? Moi non plus.
 
Il y a quelques jours, je traînais comme environ tout les soirs sur mon newsfeed FB, histoire d'oublier l'ennui, et puis voilà que je tombe sur une publication de Désordre Ordonné, un petit label québécois, qui nous conseillait d'écouter un groupe nommé Rouille, qui contient le batteur d'Interlude. Quoi, tu connais pas ? C'est juste l'un des groupes les plus underrated de sa scène, alors que l'album 10 000 Ans De Vengeance est une branlée interstellaire et semi-francophone, va écouter ça de suite si tu ne connais pas, ou meurs. Et donc, ils font donc maintenant équipe avec... LE CHANTEUR D'AMANDA WOODWARD.


 
 


Eh oui, il est encore actif, le monsieur ! Etant presque élevé au rang de mythe (parce que ce gars, c'est aussi du chant et/ou de la gratte chez AlcatrazCarther Matha, Peu Être, 2138 et Kiss The Bottle, rien que ça), tout les forums traitant de la scène emo et des mecs de la scène pensaient qu'il avait disparu, qu'il était parti de l'autre côté du Pacifique, y'en a même qui disent qu'ils l'ont vu voooleeeer, puis un commentaire un peu moins "hoax" laissé sur une page Facebook disait que ce monsieur était actuellement en Espagne et avait un projet sur les rails. Et le voilà concrétisé, ce projet, en ligne sur Bandcamp depuis le 15 Septembre. Rouille, c'est loin d'Interlude, loin d'Amanda Woodward, et loin d'être du metal... Ouais, trop facile, je sais. Et puis après tout, tant mieux non ? Je veux dire, si c'était une bête copie de La Décadence de la Décadence ou d'Ultramort, ça n'aurait plus d'intérêt ni d'authenticité, c'est pas cool de faire des rip-off de son passé pour satisfaire sa fan-base, ça fait même pas vraiment plaisir à sa propre caboche. Prends Ritual Mess par exemple. Si t'as loupé mon article sur les groupes à ne pas rater en ce moment; voilà un petit topo : c'est 3 mecs qui ont joué dans Orchid (sur 5), qui ont sorti cette année Vile Art qui ressemble à du Orchid, oui OK, mais en différent, en plus varié. Et ça c'est plus cool. 

De ces deux groupes dont sont issus les musiciens de Rouille, ne subsistent que les effets d'écho sur les guitares, et le chant rauque et viscéral de Gérôme. Mais la musique se veut plus simple, voire même plus douce, mais pas moins pesante. Pas d'artifices, pas de sur-expérimentations, juste de la colère brute, et des constats intéressants à entendre histoire de cogiter un peu. C'est du punk, tout simplement, même si il est sensiblement teinté du background emo de chacun des membres. Lyricalement, les jeux de mots se font moins présents, c'est désormais des uppercuts francs du collier envers la société qui pourrit, qui va en se laissant mourrir de sa vieillesse prématurée. Ces 7 morceaux sont chacun nourris d'une force incontestable, malheureusement peu valorisée par une production assez hasardeuse : en effet, les guitares semblent bien trop en retrait, alors qu'à l'inverse, le jeu de basse se fait super bien entendre. Ca n'empêchera toutefois pas de prendre plaisir à écouter ces coups de gueule, mais je déconseille de l'écouter après s'être mis la race avec un disque produit par Kurt Ballou, quoi. Je sais pas si c'est la magie d'entendre à nouveau Gérôme chanter ou si c'est juste que c'est cool, mais en soi c'est bien moins saccadé et audacieux que les deux formations dont sont issus le batteur et sir Woodward, et pourtant ça tient bien la route, c'est raw, désabusé, ça sent la hargne, ça prend aux tripes, les instants de montées et de chutes instrumentales des chansons te lancent des piques au coeur, au final c'est juste bien.
 
"On prospère sur nos ruines en tas, le peu d'importance qu'ont les choses les rendent gentiment arables.
À force de se salir les yeux, à moins d'un travail sur l'usure.
On avait failli être bien, pas longtemps et on était déjà loin.
On avait failli être mieux, pas longtemps, on est déjà vieux."
 
Ce groupe, il porte un nom qui fait bizarrement écho aux paroles et aux compositions en elle-même. Des mecs rouillés, qui ont vécu des tonnes de choses dans leur vie usée, mais qui tiennent bon, comme ces braves gens qui tiennent la barre d'un métro beaucoup trop banal chaque matin, comme ces ouvriers qui partent incessamment à la tâche quitte à devenir tâche eux-mêmes, comme ces vieux poteaux des gares éternelles, qui voient passer tout ces trains la nuit, ces choses improbables... Laisse-moi tranquille, j'ai calé ma référence et j'en suis bien content, na. Je pense sincèrement que cet album se vit surtout en live, et que le disque n'est qu'un aspect de l'énergie que réserve le quartet. Si vous voulez écouter du punk de "vieux" briscards qui savent de quoi ils parlent, et non pas de jeunes loups aux dents longues froqués en slim dernier cri qui n'ont pas grand chose de rebelle à raconter, et pas beaucoup plus de convictions personnelles, ne loupe pas le premier LP On Tue Ici. C'est vrai que c'est pas évident d'accrocher au premier abord, vous trouverez peut-être ça déjà entendu, mais j'ai le sentiment qu'ils s'en foutent, qu'ils veulent juste se faire plaisir, dire ce qu'il ne va pas, et point. Au final, ne cherche pas à l'écouter parce que c'est le groupe de X ou Y... Enfin, essaie de mettre ce paramètre de côté.   À force d'écouter, de se concentrer sur les paroles, on se sent concerné, puis touché par ce LP. Le seras-tu autant que moi ? Je l'espère. Bonne écoute les copains.

"A force d'être chiens et chiennes, bientôt nous irons morts. Nos corps grippés longtemps, bientôt crieront à tort, trop morts pour résister, trop morts pour exister."
 
 

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