mardi 14 mai 2013

Chronique : Cortez - Phoebus


Dans la mythologie grecque, Phoebus est le roi du soleil personnifié. C'est sans doute ce soleil qui éclate dans cette noirceur oppressante qui recouvre l'artwork de cet album, un artwork qui reflète bien la couleur de la teneur de cet opus interprété par Cortez. Il m'a fallu du temps avant d'apprivoiser ce disque. A l'image des artistes qui m'ont le plus marqué à ce jour. Concrètement, j'avais d'abord trouvé que ce fut un océan de bruit linéaire sans grande forme. Oui oui, c'est comme ça que je jugeais entres autres Converge, Envy, et Orchid avant d'en tomber amoureux... Mais comme avec les artistes susnommés, quelque chose me forçait à ré-écouter encore et encore le disque, cette éruption de puissance sonore et émotionnelle m'a passionné et fasciné, j'ai vraiment voulu persévérer, et j'ai bien fait. 8 ans après la bombe nucléaire que fut Initial, cet album sans concessions aux teintes apocalyptiques bourré de spontanéité et de rage qui fut grand bruit dans la scène hardcore chaotique, le trio suisse nous revient donc avec ce nouvel album qu'il aura donc pris le temps de construire. Et cette fois-ci, après un changement de guitariste en cours de route, il a décidé d'interpréter le chaos d'une autre manière...

Et cela commence de manière assourdissante, avec un long larsen introduisant le titre "Temps-mort". Un titre contradictoire, tant le titre monte crescendo pour ne plus s'arrêter. Une explosion de rage, de fureur, de puissance et de tension. Un mur de guitare qui vrombit sous les coups incessants d'une batterie métronomique, et un ensemble qui martèle en boucle notre pauvre esprit impuissant face à ce flot déchaîné de lave en fusion, la même fusion qui jaillit du Soleil. Et la, un larsen. Le même qui a lancé le morceau finira ici ce premier titre, aussi fort émotionnellement qu'instrumentalement. Nous voilà ainsi lancé vers "Transhumance", un titre clairement orienté hardcore/noise. On retrouve la dose de furie présente sur l'album Initial, mais en misant plus sur la lourdeur et les atmosphères que la rapidité. Ici, il est encore moins question de lumière quand la batterie toujours aussi frénétique frappe incessamment les recoins de nos oreilles et notre esprit, et fait écho à cet édifice de dissonances convergiennes dévastatrices, et à ce cri grave, hanté, écorché, hurlant du tréfonds des abysses. La déferlante sonore se poursuit ensuite sur "Au-delà des flots". La lourdeur et la tension étouffante qui caractérise l'album se retrouve ici de manière plus directe, plus brutale encore, quelque part dans ces nouvelles dissonances, et cette boucle répétitive achevant le morceau, aussi hypnotisante que troublante. D'un bourdonnement lointain, le titre "Arrogants que nous sommes" pointe le bout de son nez, avant que les guitares incisives et mélancoliques ne se mettent à gronder, jusqu'à une nouvelle déferlante de noirceur et de plaquages au sol que l'on relie facilement au genre "noise", mais qui reste cependant très personnel. Certainement lié à ce contraste entre atmosphères planantes et déchirements sonores. Un contraste plus que jamais présente sur la piste suivante, nommée "Un lendemain sans chaîne". Un enchaînement entre riffs saccadés et percutants, et atmosphères post-hardcore étourdissantes, enivrantes,  pleines de grâce et de douleur, une douleur qui se ressent dans la tension intarissable qui règne sur ce disque, et dans ce chant qui jamais ne s'effondre, un hurlement profond qui jamais ne faiblit, pour toujours mieux nous interpeller et nous donner envie de faire quelque chose pour répondre à son message, à ses révoltes et ses peines. Continuons avec "L'autre estime"... Là, le groupe me fait plaisir et fait appel à ma nostalgie des riffs hardcore 90's ! Ceux qui caractérisent le screamo, et d'autres qu'on avait l'habitude d'entendre sur le fameux "frenchcore"  (marrant sachant qu'on parle d'un groupe suisse) qui a dicté l'adolescence de beaucoup d'entre nous. Bon, loin de la l'idée de rapprocher Cortez de Eths, haha ! Un titre surprenant de par sa durée, mais c'est ce qui le rend plus extrême et urgent encore que le reste de cet album. Son successeur, nommé "Sulfure", porte très bien son nom. Une éruption de soufre, un flot de rage en fusion, ne faisant plus qu'un avec ces atmosphères tendues et toujours plus sombres, qui explosent après ces fameuses boucles étourdissantes. De cette nouvelle explosion en résulte des ravages que semblent mettre en chanson "Nos souvenirs errants". Tu te prends à t'imaginer des souvenirs plus ou moins sombres sur cet océan hypnotique de guitares vrombissantes, et tu laisses les frissons t'envahir quand les guitares s'envolent sur la fin du morceau. Un nouveau voyage mental qui laisse place à une "Idylle" représentant encore une fois le désordre, la décadence et la crasse. à travers ces riffs tranchants et toujours aussi planants que lancinants, ce cri imperturbable et la frénésie d'un impressionnant batteur qui jamais ne s'arrête depuis le début de l'album, dans un jeu massif et varié qui reflète et complète à merveille l'univers musical du trio suisse. L'album se termine la ou il avait commencé, dans une montée crescendo écrasante et fascinante, laissant s'exprimer une dernière fois un batteur qui martèle encore et toujours son instrument, au jusqu'au boutisme qui en devient réellement touchant, à l'image de ces ultimes explosions noisecore dévastatrices, et de cette ultime boucle aussi perturbante qu'entêtante, relevée par le batteur qui nous assène une frappe éternellement métronomique et explosive... Et dans une lente saturation de la bande sonore, le morceau se meurt. Un ultime son aigu, et le silence. Un silence de mort, comme si les suisses nous avaient achevé sans que l'on ne s'en rende compte. C'est con, mais après mon écoute de cet opus, je suis resté quelques minutes devant mon ordinateur à me demander ce qu'il venait de se passer, avec un étourdissement certain.

Conclusion : Un disque étonnant, éblouissant de rage et de beauté obscure, pour un groupe que beaucoup de fans de hardcore attendaient de pied ferme, eux-même pris de court par ce changement stylistique entrepris par Cortez. Distillant un chaos sonore finalement aussi intense que sur "Initial", mais avec une certaine sagesse, le groupe a ici trouvé son parfait équilibre. Quelque part entre post-hardcore, noise, sludge et hardcore pur et dur, "Phoebus" nous prend de haut pour nous enfoncer plus bas que terre. Cela faisait longtemps que je n'ai pas eu une telle révélation après une première écoute difficile. Mais c'est ça, la magie des grands disques. C'est de se révéler après plusieurs écoutes, c'est de dévoiler sa beauté enfouie à celui qui voudrait bien s'obstiner à la découvrir. Un retour réussi pour un album qui restera surement dans les annales du genres. Y SONT LA, AIE AIE AIE DLLLLLLLLAAAAAA, 91 LES PYRAMIIIIDES  ! Cortex, Cortez... Pardon, j'ai pas pu m'en empêcher.

Tracklist :

1. Temps-mort
2. Transhumance
3. Au delà des flots
4. Arrogants que nous sommes
5. Un lendemain sans chaîne...
6. L'autre estime
7. Sulfure
8. Nos souvenirs errants
9. Idylle
10. Borrelia



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