vendredi 3 mai 2013

Chronique : Bien À Toi - La Faiblesse


Je me rappelle de Diriger, Séduire, Convaincre, premier effort des parisiens de Bien À Toi (que j'avais chroniqué avec un plaisir certain), de ce voyage math-rock sombre et instrumental, teinté d'un screamo lointain. J'avais tendance à penser que c'était une sorte d'emo muet. Je me rappelle bien de ce fascinant moment de réflexion et d'évasion,. Je l'écoute toujours fréquemment, cet opus. Il est désormais temps de passer à la suite. Viens cher(e) ami(e), assieds-toi. Pose-toi tranquillement. Essaie de faire redescendre un instant toute cette pression que t'impose la vie moderne, et pense un peu à toi. Relâche le poids de cette enclume, et laisse-toi t'envoler. Sois le nouvel exorcisé de tes faiblesses, puisque cet EP est l'illustration de celles qui nous blessent comme de celles qui nous soulagent. La Faiblesse. Comme pour se définir être l'outil onirique qui se voudrait la faiblesse de l'humain dans le combat qu'est la vie, et finalement sa réponse au quotidien assassin.

Le voyage commence en un mot : "Désolé". Ce titre en est une certaine définition. Courte et claire. Une lourdeur intense et violente croisée à une mélancolie pesante. L'expression sonore parfaite pour correspondre à ce terme, ce sentiment si dur à exprimer, et à faire comprendre. Une question me vient alors :. Être désolé, est-ce donc une faiblesse ? Tout dépend de la raison. Le titre suivant se nomme justement "La Faiblesse". De laquelle s'agit-il ? D'une faiblesse intérieure, que l'on retrouve doucement sous ces airs post-rock sombres et introspectifs, aussi graves que le ressenti que l'on peut avoir sur le monde qui nous entoure à l'écoute de ce titre, aussi grave que ce son de basse saturé, écrasant. L'enclume de la société qui viendrait poser son véto ? Profiter de la faiblesse absolue qu'est notre hypnose lors de cette montée d'adrénaline menant à ce cri perçant et torturé ? Ce même hurlement de douleur que sur le titre "Pour les autres" présent sur l'EP précédent. Un hurlement perceptible auquel on essaie toujours de répondre, en vain. Elle est sans doute la, LA faiblesse. Laisser parler la souffrance sans agir, sans chercher à aller plus loin. À l'image du débat sur le clip du titre "College Boy" d'Indochine, survenu au moment de la sortie de l'EP de Bien À Toi, qui montre une souffrance quotidienne passée sous silence, de la meilleure manière qu'il soit. Et si l'on se recentrait sur notre échappée musicale ? Car il reste un morceau à découvrir. Un morceau dont l'intitulé se présente en japonais (le point godwin pour toucher les vieux fans refoulés de culture japonaise comme moi) : "解体". Lorsque l'on traduit ce titre, cela donne "démontage". Un démontage cervical dès les premières notes lourdes et violentes, revenant à ce que l'on entendait sur le premier titre. Des assauts noirs, écrasants, grinçants, des bourdonnements, comme des coups de poings en plein cœur à chaque fois, et un étourdissant ressenti de mélancolie, de souvenirs... Bien À Toi se met au doom/drone ? Non, car il embellit ensuite son propos avec une douce envolée post-punk, mystérieuse mais apaisante, pour adoucir le parcours. Car finalement c'est ça l'esprit musical de cet EP. Un contraste saisissant entre violence et douceur. Un mélange sans barrière... Et sur cet ultime morceau, on se surprend à avoir une envie de bouger la tête, avec ces accords de basse entraînants, et ces guitares qui sonnent comme une douce brise d'une nuit de printemps. Parce que Bien À Toi, ce n'est pas seulement la noirceur hivernale, le blanc de la neige et la monochromie qui ressort de l'univers général du groupe. C'est également une note de réconfort. Une faiblesse ?

Encore une fois, Bien À Toi étonne, fascine et fait rêver. Après un premier EP troublant et prenant, le groupe parisien répète la recette en accentuant à la fois les passages violents et les passages plus doux. Quelque part entre une lourdeur étourdissante et mélancolique me rappelant Jesu, un post-punk enivrant, des envolées math-rock, et quelque part noyé dans tout ceci un cri de rage et de douleur évoquant le screamo comme on l'aime, cet EP est avant tout un nouveau morceau d'évasion, à écouter d'une traite après le précédent EP du groupe, Diriger, Séduire, Convaincre pour prolonger le voyage, la thérapie mentale. Un rêve tranquille, aux chemins usés et abîmés, mais lumineux.


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