lundi 14 octobre 2013

Chronique : Balance & Composure - The Things We Think We're Missing



Nous allons commencer par un constat : on nous rabâche sans arrêt sur Internet et Wikipédia que le post-grunge c'est Soundgarden, Nickelback, Three Days Grace, les trucs hard FM de lycéen rebelle tellement "metal viril" que mon ex en mouillait son pantalon treillis... 


NON quoi. Déjà, y'a rien de grunge là-dedans, elle est ou la folie décadente et la pop rebelle, anti-conformiste de Nirvana, de Mudhoney ? La lourdeur et les expérimentations des Melvins ? Nulle part. Même leurs cheveux sont trop propres d'abord. Pour moi, le post-grunge, déjà c'est les Foo Fighters (un truc plus couillu, passionné, moins beauf et moins looké, m'voyez), et c'est ce qui est arrivé bien après, quand toute la contre-culture punk en général a été tuée par les médias grand public, et que des petits groupes ont redécouvert le grunge, qu'ils ont aussi redécouvert comment pouvaient sonner leurs grattes et leurs pédales d'effets, ce que c'était qu'un vinyle, et que dans les années 90 on savait quand même vachement mieux vivre, aimer et rêver. Balance & Composure en font partie. Ces petits gars de Doylestown, PA, USA, qui aiment l'emo 90's, le rock lourd, dissonant et percutant, et qui dégagent un univers, une ambiance, qui deviennent hypnose. Pas étonnant que l'on retrouve sur Separation, leur premier album, des influences grunge. Un disque que je me passe relativement souvent en boucle, d'ailleurs. Aujourd'hui, les garçons reviennent avec The Things We Think We're Missing, qui se veut encore plus ancré dans les 90's, qui pioche même dans le shoegaze. Récit...

L'album commence sur les chapeaux de roue avec "Parachutes", un titre aussi explosif que planant, qui annonce ce qui attend l'auditeur sur cette galette. Entre les atmosphères planantes héritées du shoegaze, et leur rock alternatif surpuissant, il vient clairement annoncer que le groupe ne rigole pas. En témoigne la performance vocale épatante de Joe Simmons, qui va comme toujours puiser tout au fond de ses cordes vocales pour nous sortir un chant éraillé, bluffant de force, chantant aussi fort que les guitares ne résonnent, que la batterie ne nous assomme. "Lost Your Name" finira de vous convaincre de mes propos (alors que l'on est seulement à la deuxième piste du disque), pour un résultat simplement étourdissant, au moins tout autant que son prédécesseur. Le refrain vous donnera des frissons tant il est blindé d'énergie et d'émotions. En dehors de toute caractéristique musicale, c'est un voyage fort et intense que nous fait vivre ces moments de rage, de sincérité, de laisser-aller, et les paroles ne peuvent que nous parler, nous rappeler des instants de vécu passés ou actuels.

"I lost my head, lost my heart. 
Cast in iron it will heat. 
I lost your name, lost the shape 
of our bodies tangling.
And when I cry, do you cry? 
I listen so ever quietly for a sign that my time is over and out of reach."

Sur cet album, le groupe se sert d'une musique simple mais puissante et passionnée pour nous faire voyager, non sans turbulences. Celle qui fera plaisir aux trentenaires de notre scène nostalgiques de leur adolescence, de la grande époque de Sub Pop... Le côté rêveur de titres comme "Back Of Your Head", "Tiny Raindrop", "Reflections" ou "When I Come Undone" vous bercera et vous étourdira (un adjectif qui revient souvent mais qui ne peux pas mieux décrire ces morceaux), tandis que d'autres plus agressifs comme "Notice Me" et sa furieuse intro, ou "Cut Me Open" et ses accents planants sèmeront le trouble dans votre tête. Nos musiciens savent également calmer le jeu avec la sublime ballade acoustique brumeuse et grave, "Dirty Head", qui évoque fortement celles de Thrice. D'ailleurs sur ce titre, la voix Joe fait beaucoup penser à celle de Dustin Kensrue. Intimiste et bouleversant. Et alors qu'à l'issue de ce morceau, on est à bout de souffle, éberlué par tant de rugosité, de lourdeur, de puissance céleste et solaire, un titre vient nous redonner une bouffée d'air frais : "Keepsafe". Un petit bout de bonheur soutenu par Anthony Green (Circa Survive), qui sur le refrain pose quelques lignes de chant timides mais reconnaissables entre mille de par sa voix claire qui n'appartient qu'à lui. Un morceau qui évoque d'ailleurs un peu l'univers du groupe de sir Anthony.

On pourrait penser à la première écoute de cet opus que le groupe se veut plus sage que sur Separation, mais en fait, pas du tout. Il laisse juste le temps aux guitares de laisser s'exprimer la mélancolie, la rage, puis la lumière. Laissant également de la place à Joe pour s'exprimer, pour se vider, pour nous parler, nous guider, nous consoler. Un véritable kaléidoscope musical, un psychotrope sonore, à écouter à l'aube, sous la nuit étoilée, ou quand tu subis un coup dur. Dans cet univers, on retrouve comme sur Separation un torrent d'émotions héritées des racines musicales du groupe, l'emo comme on l'aime, déchirant, simple et rugueux. A l'image de la musique de B&C, définitivement. Il faut également souligner la performance vocale irréprochable du chanteur, naviguant avec une aise assez bluffante entre chant clair, braillé et hurlé. Balance & Composure a ici composé un disque qui aurait pu devenir culte à l'époque qui les a inspiré. Comme moi, ils doivent se dire que la musique d'aujourd'hui est bien fade et vide de passion, et qu'il est encore temps de prouver que définitivement le rock, c'était mieux avant...


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