lundi 2 décembre 2013

Chronique : Death Mercedes - Sans Éclat


On va pas tergiverser sur la scène française proche d'une manière ou d'une autre du screamo, on sait qu'elle fait presque la nique à la scène américaine, à quel point elle est cool, et à quel point elle nous a tous influencé. Alors à l'écoute de Sans Éclat, nouvel album de Death Mercedes, c'est normal qu'on retrouve des atmosphères, des riffs, des propos familiers à ceux que l'on pouvait entendre chez les papas, aujourd'hui tous retraités. Daïtro n'est plus que des cendres. Mihai Edrisch est passé au black metal (Céleste)... Carther Matha, The Third Memory, tout ça... C'était la belle époque ! Ah bah tiens, eux aussi ont splitté (pour donner naissance à Revok, soit-dit en passant)... Et puis Amanda Woodward est (ultra)morte. Fallait bien une relève, pardi ! Et il se trouve que Death Mercedes est bien parti pour la prendre... Avec un line-up aussi solide (gratteux d'Amanda, chanteurs de Sickbag et Ravi, batteur et bassiste de l'Homme Puma...), pourquoi en douter ?

A l'époque du split avec Burning Bright (avec la aussi un morceau de la malade maquerelle, derrière les fûts), Death Mercedes c'était un peu plus axé trashcore/rock'n'roll baston dopé à coups de moshparts, même si on retrouvait déjà des accents crust. Ça sonnait bien et y'avait une grosse idée, mais y'avait des petites faiblesses ça et là qui pouvait titiller le mélomane aguerri ou le blogueur casse-couilles qui a affûté ses armes sur le forum Emo France. Mais moi j'm'en foutais, c'était punk as fuck et ça mettait des bleus comme il faut, puis ça faisait suffisamment chier les gens dans le bus, gage de qualité pour du hardcore.. Aujourd'hui, il ne faut plus parler de faiblesse mais de suprématie. Oulah, comme je suis subjectif ! Et pourquoi donc ? Ben laissez-moi donc vous expliquer, impatients que vous êtes !

Cet album, bien au-delà d'un album screamo/crust magistralement orchestré, aussi violent et sinueux que mélodique et fragile, c'est avant tout une synthèse grave et lucide de notre société actuelle, une société décadente, qui respire la crasse, le malheur, la tristesse et le mépris, pour au final ne laisser entrevoir que la mort au bout du fil. Un fil conducteur tenu par une tension palpable, ou glisse du début à la fin un élan fort de mélancolie. Ça commence par les choix hasardeux et souvent regrettables de notre espèce sur "Les Choix Désarment". Un titre qui frappe d'emblée par sa capacité à faire s'entremêler des guitares incisives et en même temps hypnotiques et mélodiques, capable du noir comme du soleil (refroidi ?). À faire se dérouler un discours grinçant, aussi percutant que la rythmique implacable, impitoyable. Et lorsque Julien nous lance une dernière complainte toute en rime et en fatalité, c'est avec une envolée qui file la chocotte que l'on se met avec surprise à se laisser s'évader loin « du choix des armes, des larmes, des lames, la mort dans l'âme »... Mais il ne faut pas trop se laisser aller, car d'un rêve trop hâtif, on retombe vite sur Terre. Le morceau suivant, "Borgne Et Aussi Aveugle", nous propulse dans un nouveau constat amer, nous faisant tomber d'un piédestal sur lequel l'humain aime bien se caler maladroitement. A FOND DE CALE ! Pardon. « Prendre la vie de haut, la négliger, conneries, on est bien au-dessous de tout ça ! ». Des propos soutenus par une certaine grâce dans la noirceur, qui s'emballe petit à petit, pour laisser ensuite à une effusion de rage et de résignation. « plus rien y comprendre et s'en foutre, vivre moribond, s'oublier, s'en foutre, toujours ! ». J'imagine déjà le sing-along en live, et les excités nous cogner le crâne en headbangant comme des fifous en face de nous dès les premiers assauts de ce blast beat anti-cervicales ! De la résignation, on passe à l'insoumission. « Je suis un chien, sans dieux ni maîtres », nous hurle-t'on en pleine gueule sur le titre suivant, "Chien Infidèle", un titre crust jusqu'au bout des ongles, tant il transpire la crasse, l'anarchie et la violence. « Reptiles asphaltes, tout est carnage !!! »

Après la puissance par la haine, la puissance par les émotions. "L'Inconnue de la Seine" nous raconte avec une tristesse vive, presque vivifiante par ces abcès de mélodies transcendantes et puissantes, l'histoire de cette femme qui a préféré « les eaux crasses du fleuve Seine à la vie crasse pourrissienne ». Une histoire tragique, soutenue par une instru épique, un instant d'une espèce de crust mélodique entêtant et qui te donnera inévitablement envie de gesticuler comme une hôtesse de l'air en live. Prêts pour le décollage ? (juste, évitez l'hélicobite les mecs, être crust c'est bien mais sortir son chibre pas lavé depuis deux jours c'est moins cool)

Le titre suivant, "Encore et Encore", est une suite presque logique au précédent. Un homme racontant son total mépris de soi-même, se souhaitant le pire pour sa mort. Faire pareil que L'Inconnue pour trouver la paix, et que l'on punisse éternellement ses erreurs, que l'on piétine quotidiennement les cendres de ses « os inutiles ». Un texte complètement cathartique et nihiliste, qui est en fait extrait d'un recueil de poème de Dan Fante, nommé "De l'alcool pur et du génie"'. Il faut dire que cet intitulé est plutôt bien affilié à l'univers général de Death Mercedes... Bon, cet album n'est pas uniquement un ramassis d'écrits so emo écrits à la lumière de la bougie odorante de maman en écoutant "Boys don't cry" (j'ai été trop gentil jusque la avec l'album, fallait bien jouer le chroniqueur chiant pour donner un peu de street cred' à ma review, non ?), il y a aussi des lyrics plus optimistes... Mais pas trop. C'est exactement ce type de contraste que l'on retrouve dans "L’Éternel Gagnant Du Sans Éclat". L'histoire d'un autre mec pas forcément chanceux dans la vie, mais qui tient bon, qui vivote, "porté par l'énergie du désespoir". Un bon gars qui survit malgré les coups durs. « Brillant mais pas trop, terne mais ça va encore, on en est là, et puis ça va, après tout la vie c'est comme ça  ! »... On s'y retrouvera tous un peu dans cette chanson à la portée universelle, secondée par une instru ou le jeu de guitare est toujours phénoménal, les guitaristes se répondant avec brio dans leur folle cavalcade. Le morceau suivant, "Du Soleil Vert On En A Tous Bouffé", est un pamphlet contre une société décadente ("La décadence de la décadence !"... Bon promis j'arrête de citer Amanda haha !) qui se résume à une « bouillie informe »... C'est peut-être vu et revu ce genre de discours, mais on est déjà tombé tellement bas dans la résignation, le désespoir et la révolte à ce niveau du disque que putain, ce texte te donne envie d'hurler à la face du monde que tu vaux mieux que cette société et ses larves qui se traînent chaque jour sans autre but que de vivre une vie qui ne leur appartient même plus. « Masse humaine robotique ! »

Toi tu sais que ta vie t'appartient, que t'es quelqu'un qui s'assume et qui (sur)vit de toutes ses forces. C'est ce que te raconte "Ta Fin Du Monde" : ta propre histoire. Celle d'un type « décadent mais drôle »« à  part, en marge, mais malgré tout plus humain » que ses confrères, qui voit plus loin que le bout de la conformité vaseuse dans laquelle l'humanité se confond. Un type à la recherche du bonheur, qui l'aura laissé partir, en s'en rendant compte trop tard. Tel est ce que raconte l'avant-dernier morceau de l'album sobrement intitulé "Trop Tard". Un morceau ou le ton général est beaucoup plus posé, ou la mélancolie est accentuée par ces mélodies pesantes de tristesse. Et dans un dernier élan de rage, dans un chaos lourd et grisant, le disque arrive à son paroxysme avec "Cafards De Bar". Un dernier coup de gueule, qui synthétise à lui seul le message de tout l'opus. Encore et encore, l'être humain est critiqué, fustigé. Lui qui ne sait que « s'amuser des ombres, s'entourer des cons, sans rien à dire », se rincer les yeux devant ces « putes de bar soit-disant sans histoire ». Rien d'autre que « des cafards invisibles à la lumière, sauf à celle des chiottes »

« Le ridicule ne tue pas ? Non, c'est dommage ! »

Voilà, l'album est terminé. Et en toute logique, t'es terminé avec. Les mecs de Death Mercedes viennent de faire la synthèse de la vie d'un parisien moyen, livré face à lui-même et ses vices. Le mec qui représente la majeure partie des lecteurs de ce blog. Que tu sois un connard ou un battant, un provincial ou un parigot, tu seras visé de plein fouet par ces compositions éthérées, jouées comme si les gars étaient au bord du gouffre, au bord de la crise de nerfs. C'est une oeuvre intense et désabusée que nous a livré ce groupe, de manière totalement inattendue. Une vraie gifle dans la gueule, qui te fera retomber les pieds six pieds sous terre à chaque fois que tu écouteras ce disque.... Encore et encore. Un vrai moment de vidage de crâne, de remise en question, aussi troublant que beau par le réalisme qui ressort des textes, et par sa force de frappe. Allez, en l'honneur du Sans Éclat, j'ai maintenant le privilège de décerner à Death Mercedes le rang suprême de la classification culturelle moderne : #swag. Ben quoi, c'est pas swag de se trimballer en Mercedes ?


2 commentaires :

  1. Une blondasse à bonnet2 décembre 2013 à 18:29

    Ça va être la grosse biffle vendredi soir!

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