lundi 15 décembre 2014

Avec Corbeaux, attends-toi à un vol en rase-mottes qui raclerait les montagnes.


J'ai découvert Corbeaux y'a pas si longtemps que ça avec Terrain Blanc. Ça sonnait bien, ça oscillait entre post-rock tranquille, math-rock coolos, relents metalliques qui alourdissait l'ensemble, et des quelques envolées de rigueur dans le post-rock jeu. Mais c'était leur premier disque : ça manquait de puissance, ça aurait pu être plus captivant encore, ça se sentait du travail devait être apporté sur la composition en règle générale. Un travail qui a commencé à porter ses fruits sur leur split avec Volte Face, que m'avais sur-vendu un pote. Là, leur son avait commencé à prendre de la bouteille, à gagner en force et en singularité, et d'ailleurs, ils y ont fait une bien belle interprétation du "28 jours plus tard"... Et puis il y a Hit The Head, ce nouveau disque sorti trois ans plus tard. BADABOUM, les jeux sont faits, changement total de la donne ! Corbeaux porte désormais mieux son nom que jamais... Explications.

Corbeaux est désormais devenu ce qu'il a toujours été dans son état naturel, en dehors d'un nom propre : un oiseau de mort, mystérieux, troublant, de mauvaise augure. Un animal sauvage, intrépide, ténébreux. Il nous survole de son aura sombre tout le long de ces échappées tumultueuses, le long de ces vallées périlleuses, instables, brinquebalantes. Tout ce qu'évoque Hit The Head, c'est les gravas. 6 amoncellements de roche coupante, 6 chemins graveleux, que racle l'oiseau furieux en rase-mottes, au péril de sa vie. Chaque titre sonne comme une avalanche, chaque larsen sonne comme le gravier qui se soulève quand tu trébuches sur ces chemins abruptes. Alors que le post-rock a souvent tendance à t'emmener sur les neiges éternelles avec grâce et sérénité, il s'agit ici de les rejoindre avec violence, et une certaine bravoure.

Des terres rocailleuses ouvertes par un "Cran D'Arrêt". tu te figes devant ce paysage fracassé qui semble éclairé d'un soleil blafard, te demandant ou te mènera cette escalade. Et tu fonces, tu te lances dans cette ascension qui te brûle les mains sur cette roche lourde, alors que petit à petit le ciel s'assombrit. Puis la roche s'érode violemment, t'entraînant dans une chute vertigineuse. Tu te cognes, tu trébuches. Tu te relèves, tu retombes à nouveau, la roche se fait plus coupante et friable encore. Mais en tout bon aventurier, tu es protégé, harponné, et tu veux continuer malgré tout. Mais fais attention, l'oiseau mortuaire guette tes pas, espérant pouvoir te voir sombrer au fond d'un ravin et se délecter de ta carcasse. Ton périple ne fait après tout que commencer... Plus tu avances, plus l'ascension est douloureuse. L'aventure devient "La Bagarre". Une bagarre pour tenir la cadence et la souffrance. Des éclairs explosent dans ce ciel devenu chaotique, ceux qui finiront paradoxalement par éclairer ton chemin, et te donner une force supplémentaire pour gagner la bataille. Et tu finis par cavaler, emporté par une énergie foudroyante.

Sans trop que tu saches pourquoi, te voilà désormais sur la "7th Avenue". Une allée bien plus douce, à l'atmosphère bien plus sereine. Comme si c'était une pause dans cette épopée que tu t'es lancée. Une echappée plus calme, ou la roche devient neige, ou le noir devient bleu orangé. L'aurore tombe alors que le noir poisseux des cieux orageux se meurent. La nature est reconnaissante de tes efforts pour ta survie, ton courage, te voilà désormais contemplateur d'un paysage lointain, qui te redonne encore un peu plus foi pour avancer, pour ne jamais renoncer. Les dernières érosions sismiques se font ici introspectives, faisant plus vibrer le coeur que le sol... Mais tu dois te rappeler que tout cela ne fait qu'annoncer la nuit, qui tombe petit à petit sur cette avenue...

Une obscurité qui te renverra à ta réalité, que plus que jamais, ton équilibre et ta détermination tiennent "Sur Un Fil". Un fil décousu par les frottements de la pierre au rythme de tes pas sur ces liens fragiles, que la tranquillité fourbe de la nuit semble consolider malgré tout. Malgré tout, tu sembles trouver l'équilibre, une certaine forme de sérénité, dans ce qui semble ne plus être aussi sombre, malgré les quelques bourrasques qui surgissent. Les cassures sont toujours douloureuses, mais n'empêchent pas la légèreté de s'imposer, de t'enivrer, sur quelques petites escapades ou surgissent quelques étoiles filantes dans le ciel. En regardant ces étoiles, te voilà perdu, ton esprit disparaît, transporté vers ce paysage spatial... "Where Is Dave?"

Il est dans l'espace, là ou le temps n'a plus d'emprise, la ou le poids n'est rien, ou la vie n'en est pas beaucoup plus, ou tout s'oublie, ou tout se rêve. Finalement, derrière tout cet abyme se cachait la renaissance, l'évasion. Tu sais quoi ? Tu es arrivé au sommet. Tu as gagné la bataille contre ces massifs. "Ezimpurkor" est le point final de cette quête, de cet acharnement. Au bout de laquelle tu cries toute ta rage, pour te libérer, aussi fort que l'est la montagne, histoire que l'écho de tes maux arrivent jusqu'aux astres que tu contemples une dernière fois dans cette sérénité de bout de nuit, avant d'hurler...

Ouais, je vous ai raconté ce disque d'une manière bien particulière, quelque peu abstraite, mais ce disque ne s'écoute pas, il se vit. Je ne pensais pas ressentir quelque chose d'aussi fort à l'écoute de cet album, et pourtant... La production assurée par un Amaury Sauvé dont le talent n'est plus à prouver, ainsi que le mastering assuré par la valeur sure Magnus Lindberg (Culf Of Luna), mettent tout deux en relief un disque vertigineux, jouant avec nos nerfs et notre cœur. Vous l'aurez compris, c'est le disque le sombre et le plus abouti des garçons, délivrant un post-rock torturé et sinueux au possible, aux influences hardcore punk et progressives sensibles. Cet album semble malheureusement assez court, mais est-ce qu'il aurait eu le même impact si il était plus long ? Pas sûr. Un voyage bien mouvementé, que tu aimeras sûrement si tu aimes Bien À Toi mais que tu trouves que ça manque d'explosions soniques, ou que tu aurais été curieux de savoir ce qu'aurait donné Home Alone de Totorro si il aurait été plus sombre. Il ne te reste plus désormais qu'à te lancer, à partir à la découverte de cette soundscape tumultueuse et imprévisible, mais pas moins belle. Belle dans l'audace, et belle dans sa dureté.

Bisous.


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