jeudi 4 septembre 2014

Chronique : This Will Destroy You - Another Language



"Dans un concert de This Will Destroy You ça se passe comment, les gens sont tous la à brandir leurs briquets ?" me demandait avec curiosité ma jeune collègue de travail étrangère à cette scène musicale en écoutant leurs morceaux. Je lui ai répondu que non, un concert de post-rock n'est sur aucun point égal à un concert de Francis Cabrel. Mais soit, j'ai bien rigolé. Voilà, c'était l'instant connerie, on peut passer au vif du sujet

"Aaaah, que la montaaagne est beeeelle" nous chantait Jean Ferrat. C'est entre autres ce qu'évoque le désormais culte EP Young Mountain de This Will Destroy You, qui compte désormais comme l'un des grands noms du post-rock, celui qui t'écrase sous des kilotonnes de delay/réverb, et qui écoute de l'emo et du black metal dans ses heures perdues. Lequel d'entre nous n'a encore jamais vécu sa part de frissons au soleil dans son jardin ou le bois de sa ville en écoutant "I Believe In Your Victory" ? Si ça n'est pas encore fait, surveille la météo et mets ça dans ton smartphone. Après être passé du côté sombre de la force en proposant dès l'EP Moving To The Edges Of Things une musique beaucoup plus influencée par le drone, le doom et le shoegaze, les américains ont perdu pas mal de fans sur leur route. Certains avaient trouvé le troisième album Tunnel Blanket carrément soporifique, quand d'autres le trouve très puissant et abouti. Moi au début il m'emmerdait, maintenant il me propulse dans des doux rêves sous weed avec du brouillard et de la neige. Avec leur nouvel album, nommé Another Language, il me semble que les avis seront également partagés. En effet, les garçons continuent à nous proposer ce qu'ils appellent de la "doomgaze", avec un peu plus de rythme il est vrai, comme le montre le single "Invitation". Cet album, si tant est que l'on aime la musique ambiante et mélancolique (j'invoque sur le terrain les fans de Hammock, de Caspian et de Jesu), c'est un superbe voyage. Aussi bouleversant que serein.


L'échappée commence avec "New Topia", un titre qui annonce bien la couleur du disque : une nouvelle utopie. Des nappes de synthé qui laisse se jouer quelques petites notes de xylophone, délivrant un bourdonnement continu, ambiant, hypnotisant, avant que n'éclate une cascade de frappes de batterie et un mur de riffs, frappant avec force pendant  deux bonnes minutes. Une montée vertigineuse, presque violente. Un abyme qui t'aspire sans que tu ne puisses rien faire. "Dustism" se charge de prendre le relais, se dessinant comme une suite du titre précédent, avec les mêmes types d'ambiances, et ces riffs impressionnants de grandeur aussi doomesques que chaleureux, qui se soulèvent comme une brise froide soulèverait la neige un soir. "Serpent Mound", "War Prayer" et "Memory Loss" ne dérogeront d'ailleurs pas à la règle. L'album n'est pas uniquement voué à se jouer dans un schéma calme/tempête comme il est coutume de l'entendre dans le post-insèretongenremusical game. Certaines pistes se veulent entièrement basés sur la tranquillité, le calme à lui tout seul, qui suffit à amener une ambiance aussi forte que des arpèges enlevés ("The Puritan", "Mother Opiate", "God's Teeth"). Les explosions rythmiques qui sonnent comme des éruptions soudaines, qui se jouent quand on les attends le moins, font la réelle force de cet opus. Un disque qui ne sombre pas dans une noirceur abyssale contrairement à son prédécesseur, il laisse ici entrevoir des lueurs, qui nous bercent doucement les yeux et le moral. On se surprend à écouter le disque jusqu'au bout sans se rendre compte qu'à un moment, on et arrivé à la fin. Cet opus a réellement un pouvoir d'hypnose. D'autant plus quand on le relance encore et encore, et qu'on se sent bien dans cette douce tristesse...

Le seul bémol que certains pourraient trouver à ce disque seraient émis par ceux qui suivent le groupe depuis leurs débuts : un schéma répétitif, essentiellement basé sur des boucles de rythmes, d'ambiances, qui pourraient assez facilement les lasser, lorsque eux sont habitués à une musique plus joviale, rythmée et lumineuse. Mais pour les autres, il sera beaucoup plus facile d'adhérer à l'album et à son univers. Le constat à établir à l'écoute de Another Language, c'est que This Will Destroy You grandit. Il se veut au final sans doute moins insouciant qu'au début, en jouant une musique plus aux couleurs du monde qui l'entoure plus que d'un monde imaginaire, plus en adéquation avec le vécu des musiciens qui composent la formation, à une époque ou l'on se doit absolument de garder les pieds sur Terre pour ne pas s'auto-détruire. Mais ils savent toujours nous tirer des frissons, des instants d'évasions forts, qui eux finiront à un moment à un autre par nous détruire, comme son nom l'indique si bien, et comme souvent dans leur carrière. Pour se reconstruire, toujours plus fort d'une expérience troublante, vivifiante.

1. New Topia
2. Dustism
3. Serpent Mound
4. War Prayer
5. The Puritan
6. Mother Opiate
7. Invitation
8. Memory Loss 
9. God's Teeth





Pas de streaming de l'album disponible à l'heure ou j'écris ces lignes, mais l'album y est à ce moment-là disponible de manière quelque peu "pirate" sur les Internets et les logiciels de peer-to-peer, et de manière bien plus glorieuse et légale par ici.

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