Les lecteurs qui viennent souvent me lire le savent, j'ai souvent parlé de disques issus du label Throatruiner Records, une petite affaire rennaise tenue par Matthias Jungbluth, un passionné de hardcore, et surtout de hardcore sombre. Ce qu'il sort sur son label, c'est tout ce qui le fait vibrer, tout simplement, que ce soit des copains ou des découvertes personnelles. Preuve que monsieur a bon goût, la plupart de ses sorties sont particulièrement bien reçues par la communauté du hardcore tout noir, à commencer par Birds In Row. Oui, Throatruiner est leur maison française ! Je dois notamment à Matthias des heures et des heures de castagne et de frissons avec ces derniers, ainsi qu'avec son groupe Calvaiire, et No Omega, Direwolves, As We Draw, Plebeian Grandstand, The Phantom Carriage, Death Mercedes... Mais je dois avouer que ces derniers temps, j'ai un peu beaucoup loupé l'actualité du label, alors que j'avais écrit à son maître pour lui dire que j'allais parler du nouveau As We Draw... C'est pourquoi je rédige aujourd'hui cet article, en forme d'excuses mais aussi d'hommage à ce dude, et à tout ces groupes : pour synthétiser ce qui s'est fait de bon chez Matthias ces dernières semaines, et parce que ça m'a manqué de me prendre des tartes dans la gueule.
COWARDS // Rise To Infamy
On commence avec Cowards, un quartet assez discret mais qui a pas vraiment envie qu'on soit trop cools avec eux, ni de l'être avec toi. Quand tu les vois en concert, la gentillesse devient hérésie, la froideur devient plus perçante que dehors en hiver, et une fois le concert fini, tes aux revoirs, tu peux te torcher le cul avec, les mecs ont autre chose à faire. Sur disque, c'est tout aussi douloureux, c'est lourd, c'est cradingue, et ce depuis leur premier disque. Au chant, on retrouve Julien, chanteur de Sickbag, et de Death Mercedes, les rejetons directs de Amanda Woodward. Sur leur nouveau disque nommé Rise To Infamy, les parisiens ont tenu à pousser à l'extrême leur son déjà pas bien réconfortant, le faisant devenir presque gênant à écouter, mais jouissif à pousser à blinde dans les couloirs du métro. À titre d'exemple et sans trop vous teaser pourquoi, "The Birth Of The Sadistic Son" peut déclencher à elle seule la 3ème Guerre Mondiale à mains nues (sinon c'est moins rigolo). Une barbarie sonore, quelque part entre sludge, hardcore et black metal (la version rance et boueuse du style), humant la crame, la haine et la gadoue, ouverte par un "Shame Along Shame" illustrant particulièrement bien cette sauterie meurtrière, ou le frontman s'égosille d'une voix écorchée probablement au cutter imbibé d'acétone, qui lui est parfois hors de contrôle, rappelant parfois les vociférations violentes de chez Kickback (on les a souvent rapprochés à eux avec cet album, et c'est pas moi qui vais briser la chaîne, désolé !), une influence qui ressort aussi dans ces quelques cassures hardcore saccadées qui feront débarquer au galot dans le pit les mecs qui auront passé une sale journée. 10 patates au poing américain rouillé, qui prennent parfois un tournant chaotique ("Never To Shine", ou la véloce "Frustration Is My Girl"), une violence urbaine aromatisée au vitriol, distillée avec une application macabre à la tâche dans un cocktail Molotov que te jette les messieurs en pleine gueule. Un disque qui te met dans un sentiment d'inconfort, le même que quand tu déambules dans les rues de banlieue parisienne à 2h du matin quand t'es seul. Cowards n'évoque pas grand chose de plus, avec eux tu peux oublier les aurores et les mélodies, leur ciel est frelaté et leur univers sonique est putride, asphyxiant, lancinant, du gaz lacrymogène puant qui rentrerait dans tes oreilles pour que ton esprit te fasse entendre des voix disant "va te faire foutre, ton monde est aussi pourri que toi". C'est un album violent, bas du front, crée dans l'unique but d'extérioriser et d'exorciser toute la saleté et la pourriture qui grandit chaque jour en chacun d'entre nous. Le seul truc qui inspire quelque chose de positif chez eux, c'est que dans le line-up, t'as un mec au caractère complètement METOL sur scène, de quoi réconcilier les chevelus à clous avec les hipsters en noir. En gros, si tu as trouvé le I Am King de Code Orange trop gay et que t'en peux plus d'attendre le prochain Xibalba mais que tu trouves les growls un peu too much, ce disque est fait pour toi.
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AS WE DRAW // Mirages
Allons désormais vers des contrées encore plus abruptes, toujours noires, mais pas forcément aussi haineuses et poissardes. As We Draw t'invitera à observer d'innombrables Mirages, le long de 11 titres sinueux, expérimentaux (comme à leur habitude), mais captivants autant par ces mélodies salvatrices que ces cassures rocailleuses. Le disque commence d'emblée avec "The Window", une épique épopée de 10 minutes tout en contrastes, en reliefs, en dissonances et en arpèges, avec même quelques notes d'un synthé Moog qui paraît surprenant voire même incongru à la première écoute, mais qui finalement se mêle bien à cet univers massif, progressif, et qui nourrit les atmosphères mystérieuses et aériennes de "Fata Bromosa" et "Panic". Les Lavallois se sont amusés à construire des soundscapes tout simplement... Lunaires. Oui c'est ça en fait, lunaires. Comme ce que la pochette de l'album illustre à merveille. Mirages, c'est la représentation musicale de la Lune: des cratères, de la roche, de l'apesanteur, de la nuit, du froid, des étoiles. Beaucoup de contrastes, mais seulement du noir et du blanc. Du noir vif ("Denial") tout comme du blanc éclatant. Des montagnes russes façonnées méticuleusement, particulièrement vertigineuses. Au milieu de ces paysages musicaux abruptes, se cachent également un groove sec et saccadé qui plaque l'auditeur au mur, croisant des incursions chaotiques, déstructurées, oscillant également avec des instants de calme introspectif menant vite au trouble ("Blackmail"). Cet album est complexe, n'est pas évident à cerner à la première écoute, fera décrocher plus d'un néophyte. Mais au bout de l'effort de tout ces mirages nauséeux, inquiétants, lancinants, sa beauté sournoise souterraine surgit soudain des roches coupantes couvertes de suie, pour laisser s'échapper des vapeurs de magma, une aura chaleureuse qui vient te lécher la peau comme des larmes qui couleraient sur elle ("Fata Morgana"), parce que finalement, ce disque n'inspire pas seulement la froideur piquante. Un grand bravo aux frères Sauvé et leurs acolytes pour ce disque d'une richesse rare que j'ai d'ailleurs calé dans mon top 2014, et que je dois réellement me chopper un de ces quatre...
EDIT : c'est fait, je l'ai, et je suis JOIE.
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PLEBEIAN GRANDSTAND // Lowgazers
Avec ce nouvel album, les toulousains de chez Plebeian Grandstand nous sert un perpétuel maelström, un oppressant rituel black metal dissonant, bien loin du hardcore chaotique originel de la bande (celui de leur premier album How Hate Is Hard To Define), une masse noire inconfortable, aussi froide et malade que les neiges de banlieue (celle qui pourrait tomber la où traînent les Cowards). Les seules bouffées d'air que nous offre le disque sont frelatées. Tu ressors de ce disque lessivé, ébêté. La violence ne s'exprime plus par des cassures et des déstructurations, mais par des dissonances assassines, des notes parfois cristallines certes, mais d'un cristal coupant, te tranchant la gorge à vif. Un paradoxe vicieux qui se répète sans discontinuer, dans un climat constant de panique, de démence... Ce qui se rapproche finalement de leur premier opus, mais dans un contexte différent. Quelques excursions mathcore viennent toutefois se glisser dans cette mare opaque et glaçante ("Lowlifer"). Je reprocherais simplement à cette oeuvre une trop grande homogénéité qui est quelque peu fatale à la pratique de ce style de musique, mais qui paraît un peu plus forte lorsque l'on se rappelle du passé musical du quintet. Ce n'est absolument pas un disque à écouter lorsque que tu es dans un état de sérénité, ou si tu veux te détendre. C'est plutôt un exutoire à écouter lorsque que tu te sens mal, lorsque tu as envie que le monde brûle sous un feu follet, que les damnés crament la gueule de chaque humain à l'acide préalablement ébouillanté.
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DEATH ENGINE // Mud
Le premier album de Death Engine, originaire de Lorient, est un mur de son bien difficile à gravir, tant par sa densité que sa matière râpeuse. Un grain permanent se disperse dans cet univers grinçant et pesant, comme de petits bouts de soufre qui viendraient t'étouffer. Au milieu de ça, l'éther qui se voudrait soleil devient acide qui se force à être pluie. La musique du groupe fait écho au nom de celui-ci: un amas mécanique rouillé, usé, faisant crisser ses rouages comme un humain hurlerait du fond de ses tripes. En des termes plus concrets, il est difficile de décrire le climat sonore de ce disque. Un post-metal teinté de noise, et de couleurs shoegaze noyées sous ces édifices sonores épais ? Si vous vous êtes un jour imaginé une version moins noire mais tout aussi massive de Cortez, alors vous avez ici trouvé votre muse. Quelques émulsions mélodiques semblent surgir de ces terres érodées tout
au long de ces 7 titres, comme si c'était la lumière blafarde d'un phare noyé, mais réussissent à tenir le cap avec grâce. Le tout forme un ensemble compact, indissociable, pour un disque intriguant, exigeant, sans barrières, et surtout pas celle des décibels.
au long de ces 7 titres, comme si c'était la lumière blafarde d'un phare noyé, mais réussissent à tenir le cap avec grâce. Le tout forme un ensemble compact, indissociable, pour un disque intriguant, exigeant, sans barrières, et surtout pas celle des décibels.
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DIREWOLVES // Aegri Somnia
Après avoir sorti l'EP Me From Myself, To Banish qu'on rapprochait facilement à Birds In Row et qui a quelque peu fait sensation sur la scène hardcore française, les punks de Lorient (eux aussi) se sont décidés à sortir un full-length ou leur formule entre crust et hardcore sombre mais pas froid a pris du galon. Aegri Somnia va plus vite, tape plus fort, cherchant l'efficacité, le sing-along et les gobelets qui volent dans le pit, que ce soit d'eau ou d'alcool. Parce que oui, même si c'est sombre, y'a des parties mélodiques et des couplets carrément catchy ("Insights") que ne renierait pas un groupe de hardcore mélodique. Mais sinon, c'est la grosse bagarre en slim noir ("The Blindness That Keeps You Warm"). Y'a pas grand chose à reprocher à ce disque, qui va droit au but, qui est spontané, et qui se veut même presque fun au final, dans sa noirceur certaine. Si vous aimez Burning Bright, No Omega et All Pigs Must Die, balancez ce disque à fond chez vous, invitez des potes, et détruisez tout !
Perfect buddy !
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