Ce 10 Mai à l'Espace B (Paris), il n'y avait nul besoin de se presser pour arriver à l'heure au concert du soir. En effet, fidèle à la tradition des concerts d'Old Town Bicyclette, c'est une heure plus tard que prévu qu'a commencé cette soirée (tant mieux pour les retardataires !), réunissant deux binomes chacun en tournée : The Prestige et Gazers, Häshcut et Mort Mort Mort (ex-Aussitôt Mort). C'était donc une belle réunion de vieux briscards de la scène post-hardcore caennaise et de jeunes loups parisiens issus d'une vague hardcore chaotique et sombre plus récente.
Contrairement à ce que laissait penser l'event FB, C'est Gazers et non Häshcut qui a démarré les hostilités. Revenant de leur tournée avec The Prestige, les cinq garçons étaient près à en découdre avec le public parisien, constitué entre autres par une dizaine de kids qui découvraient le hardcore ce soir-là. Avec le son teinté de crust et de screamo des gaziers, ces petits gars ont été servis ! Le groupe avait ici la présence scénique et la rage qui les caractérisent lorsque ils jouent sur une petite scène. Nous avons eu le droit à quelques titres tels que "Rotten To The Core" et "The Decline", issus de l'EP également nommé The Decline, et également quelques nouveaux titres. Le chanteur inflexible vociféraient ses textes avec force, les guitaristes étaient pris par leur jeu, descendant dans le public, au plus près des auditeurs. Le final aura été des plus chaotique, à l'appel du chanteur : "Si vous voulez bouger, c'est maintenant !" Nos kids en rite initiatique du HxC local dont je parlais plus haut se sont exécutés, lançant un pogo ou il était dangereux de s'aventurer... Tel un front, les guitaristes et le bassiste sont descendus devant la foule avant de se séparer, chacun jouant dans son coin. En conclusion, il fallait jouer à "évite la basse d'Adrien" qu'il faisait voltiger au péril de nos têtes. Un set assez impressionnant de tension et de rage, mais c'est ça Gazers, c'est comme ça qu'on aime les voir. Pour en avoir discuté avec l'un des membres du groupe plus tard dans la soirée, le groupe était content de leur concert, qu'ils ont voulu comme une conclusion mémorable et impitoyable de leur tournée qui fût pour eux un très beau moment de vie.
Pour The Prestige aussi, cette tournée était mémorable. Les garçons qui ont l'habitude de jouer dans des affiches très variées, allant du line-up metalcore aux affiches plus orientés screamo, étaient ce soir dans ce qui semble de plus en plus être leur élément. Ils présentaient des morceaux de leur prochain album à venir pour la rentrée, au milieu de trois autres titres issus de leur premier long-jeu, Black Mouths. C'est d'ailleurs avec le très efficace "The Truth" qu'ils ont démarré leur set. Sur leurs nouveaux morceaux, ils gardent l'élan chaotique de leur musique, mais avec plus d'ambiances (à l'image du titre "Pluie"), de contrastes, l'accent est davantage mis sur les émotions, une émotion qui était palpable dans cette musique plus aérienne et introspective, et dans le chant d'Alex, hurlant presque au milieu de la foule. Ils avaient eux aussi cette proximité plaisante avec leur public, qui semblait au début réagir plus timidement à leur son qu'avec Gazers, chose qui sera vite corrigée à la fin du set, ou sont venus hurler dans le micro deux membres de ces derniers sur le gigantesque et apocalyptique "Backward" (some rise by sin, some rise by virtue fall !), pendant que le pit se défoulait encore un peu tant qu'il y avait du chaos à se mettre sous la dent. Et eux aussi ont voulu finir leur tournée en beauté, en donnant tout ce qui leur restait de colère, d'énergie, de sueur, de larmes. Un petit "Burn Down Vegas" aurait été le bienvenue pour achever la foule, mais il ne viendra jamais, malheureusement (bon ça, c'est pour faire mon ronchon, j'avoue ^^.). Avec leurs nouvelles influences, le quartet amenait en subtilité (paradoxalement il faut dire) l'auditoire vers la suite de la soirée, quelque part entre douceur et détresse.
Cette suite, ce fût ma petite découverte personnelle du soir,.Hashcüt, c'est le groupe orienté doom metal de l'un des guitaristes de Sugartown Cabaret. Pour nous préparer à Mort Mort Mort, ce fut une bien bonne mise en bouche ! Ce qui a fait la différence dans la musique des caennais, c'est le cri déchirant, puissant, qui tranche avec l'univers hypnotique, vaseux, lent typique du doom. Car sinon, certes, c'est du déjà-entendu, mais c'est fort bien exécuté, peut-être plus intéressant en live que sur disque d'ailleurs. Plus concentrés et tranquilles que les deux premiers groupes, ce qui aurait pu paraître un peu perturbant au vu des rafles sonores précédentes, mais il faut dire que l'ambiance n'est pas la même.
Le grand final était réservé à l'un des groupes qui a forgé la légende de la "french way of emo". On les compare très souvent à Amanda Woodward, ce qui a le don les fâcher un petit peu. Il est vrai que le premier disque 6 Songs avait des similitudes assez marquantes, mais pour le reste de leur discographie, c'est sûrement les effets de guitares et les mélodies qui font penser à "la malade maquerelle". Après un petit hommage aux squats parisiens disparus récemment, dont la Miroiterie suite à l'effondrement d'un mur accidentel et à un incendie criminel, les imposants barbus nous ont délivré le meilleur de leur discographie, avec entre autres "Une Défaite à La Piaule", "Mort! Mort! Mort!" ou "La Ride Du Lion", et même un nouveau morceau, qui reste dans un esprit ambiant, spatial et gras. Du début à la fin, le groupe culte nous a envoûté, transpercé, fait frissonner, avec un son plus massif et planant encore qu'en studio. Pas grand chose à dire de plus quand l'essentiel est dit, ce fût un voyage, ou nous étions parfaitement bien guidés par le quartet qui se tenait fièrement devant nous. Impossible de rester de marbre, de ne pas se laisser emporter, d'hurler ne serait-ce que quelques paroles de leurs textes aussi engagées qu'introspectives.
Et on sort la tête abasourdie par cette soirée riches en émotions, aussi violentes que prenantes, un certain trouble dans l'esprit, aussi beau que frustrant, tant finalement on aurait voulu encore reprendre des baignes aussi lourdes que chacun des groupes nous ont mises ce soir-là, tant ils nous emmenés loin dans nos cœurs, nos esprits. Un grand merci à chacun des groupes, un grand merci également à tout ceux que je connais de près ou de loin qui étaient sur scène et à l'organisation (je suis un éternel gentil, voire même peut-être niais, mais j'trouve ça mieux que de jouer le faux distant trve dark), pour cette belle soirée. Je vous laisse plus bas les setlists que j'ai pu récupérer :
La setlist de The Prestige :
The Truth
Bete Noire
Enfants Terribles
Craneflies
Léger de main
Voir Dire
Forward /Backward
Et la setlist de Gazers :
Intro
Doggoned
Rotten To The Core
Rash
X
The Decline
Y
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