Il est des groupes qui feront toujours débat tout au long de leur carrière pour leur évolution, les émotions qu'ils ont suscités à leurs auditeurs, leur message... Indubitablement, La Dispute en fait partie. Les garçons de Grand Rapids ont chamboulé leur scène avec leur premier album Somewhere At The Bottom Of The River Between Vega And Altair, un disque poétique, urgent, cathartique. Après le second album Wildlife, beaucoup plus posé et narratif, qui a divisé nombre de fans de la première heure, le groupe revient avec un disque très attendu : Rooms Of The House. Beaucoup rêvaient d'un retour aux sources avec ce disque. Mais La Dispute a grandi, mûri, s'émancipe toujours autant de son passé, sans pour autant l'ignorer. Et ce disque le prouve...
Avec Rooms Of The House, La Dispute a trouvé un juste équilibre entre l'extrême sensibilité des débuts, et leur évolution vers un son plus épuré. Wildlife manquait de ce punch, de cette puissance qui caractérisait jusque là le groupe, et perdait vite de sa substance au fil des écoutes. Or, sur Rooms Of The House, il y a de continuels remous, un ton généralement plus grave, qui nous captive sur chaque morceau. Le story-telling de Jordan Dreyer se veut ici encore plus passionnant qu'à l'accoutumée, essayant de faire voguer, vaciller, trembler son spoken word, ce qui rendent encore plus poignantes ses histoires. Sur ce disque, chaque récit se déroule dans une pièce différente d'une maison, chaque objet à un sens, chaque lieu, chaque geste a son importance. "There are bridges over rivers, there are moments of collapse, there are drivers with their feet on the glass. You can kick but you can’t get out, There is history in the rooms of the house". Sur quelques instants d'envolées vocales, on croirait même entendre le chant piqué à vif de Kyle Durfey de Pianos Become The Teeth...
Pourquoi donc ce disque devrait-il plaire aux puristes ? Parce que l'on y retrouve des réminiscences de la série des EP Here, Hear dans les morceaux les plus posés (on pensera notamment au final "Objects In Space"), et même des explosions sonores chargées en émotions, et des riffs parfois bluesy, parfois agressifs, qui rappellent la force de frappe du premier et déjà mythique LP. Fidèle à l'ouverture d'esprit musicale, le groupe semble même lorgner vers l'indie rock 90's pur et simple avec "For Mayor In Splitsville", un single aussi catchy que simple dans la structure, différent de A à Z des compositions classiques des américains, qui a beaucoup déçu et étonné lors de sa sortie sur l'Internet. Même si il est en effet étonnant d'entendre ce genre de son de leur part, il est intéressant d'entendre les vocaux torturés de Jordan sur une instru qu'aurait pu composer Dinosaur Jr., un peu comme "Extraordinary Dinner Party" d'ailleurs. Les déclarations du blondinet sont ici toujours soutenues avec énergie, mais avec plus de lourdeur, sur une instru qui prend le temps de se dérouler, de se dévoiler. En fait, elle s'apparente à un bon vieux canapé douillet et confortable qu'on a (presque) tous dans son salon. Bien qu'un peu trop mou il est vrai, mais on reprend toujours un malin plaisir à se vautrer dedans.
Comment ne pas se laisser embarquer par ces récits poignants, émouvants, soutenus par cette atmosphère intimiste, introspective, comme si justement, le groupe tentait de te faire sentir chez toi, de te rappeler de certaines situations que tu aurais pu vivre dans ta vie de tous les jours, avec ta moitié, ta famille. Comment ne pas se laisser transporter par cette musique certes plus simple dans l'immédiat, mais toujours aussi vibrante, et qui du coup vous reste en tête. Oui bien sûr, on est loin des formidables entremêlements de guitares, du catharsis vocal, du métronome musical exceptionnel que représentait Somewhere At The Bottom [...], mais il ne faut pas chercher en lui un disque qui doit être rangé dans l'ordre logique dans lequel on voudrait le classer, cela gâchera votre découverte du disque et votre jugement dessus. Il faut le voir comme un nouveau recueil, à savourer au coin du feu, au coin de sa platine vinyle, au coin d'un arbre sous le soleil (couchant). Comme un bon bouquin, en fait. Car c'est finalement là un disque plus sombre, plus réfléchi peut-être. Plus adulte.
Il semble que La Dispute ait préféré miser sur la puissance des mots plus que sur la puissance sonore. L'essai a été difficilement exécuté avec Wildlife, mais bien transformé avec Rooms Of The House, qui mêle cet impact lyrical important, à un son toujours imprégné d'une grande force, tranquille mais palpable, et d'un ton, d'une dissonance hérités tout deux de leurs origines post-hardcore qu'il leur sera impossible à mettre de côté, et fort heureusement. Chaque morceau se différencie par un petit quelque chose dans les riffs, les couplets, les voix. L'alchimie est réussie, même si il est vrai que Rooms Of The House souffre encore de quelques longueurs. On aurait pu également espérer un dernier coup d'éclat de Kevin Witthemore, le guitariste qui signe ici son dernier album avec la bande. On aurait aimé entendre une dernière fois ces instants de grâce et de folie de sa part qu'on a tant aimé sur Vancouver, et le fameux LP qui a suivi. Mais d'un autre côté, cela nous laisse définitivement à penser qu'ainsi, chaque disque de La Dispute sera unique.
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