Aujourd’hui, j’ai l’honneur de vous
proposer une petite interview de Xavier et Diego de When Icarus Falls, un groupe qui m'as surpris avec leur premier album, "Aegean", sobre, planant, lourd et
puissant à la fois. Il fait suite à l’EP « Over The Frozen Seas »,
qui avait révélé le groupe sur la scène post-hardcore, bien que plus lumineux. Après avoir chroniqué ce très beau premier
effort, j'avais envie d'en savoir plus sur leur univers, sur le concept que
suit l'album, et simplement sur le groupe lui-même.
- Bonjour les gars ! Alors,
comment allez-vous ? Les retours sur l’album ont été positifs ?
Xavier : Oui, les retours ont été assez positifs,
spécialement au niveau de la production. Après, une certaine partie de la
presse nous reproche notre côté trop « post-hardcore classique », et
auraient souhaité quelque chose de plus original. D’autres regrettent la
chaleur et le calme de l’EP, et notamment les passages chantés. Au contraire,
certains sont agréablement surpris par le tournant artistique que le groupe a
pris avec Aegean. Cela traduit la diversité de notre audience, et c’est
finalement très bien comme ça. Néanmoins, j’attends avec
impatience la chronique de ces bâtards de NextClues qui n’avaient pas
hésité à nous chier dessus avec Over the Frozen Seas. Trois ans après
cette chronique mémorable, on se fait encore
des private jokes entre nous là-dessus. Nous les mettons
donc au défi de faire encore plus absurde et gratuit que la dernière
fois !
- C’est vrai que cette chronique
était super crue, je la trouve personnellement consternante, et pas très
respectueuse de votre boulot, ce n’est même pas de la critique constructive mais du lynchage gratuit… Enfin, passons.
- Je voudrais d’abord me pencher sur le
thème de l’album. Pour rappel, vous avez été inspiré par les travaux de
Elisabeth Kübler-Ross, psychiatre renommée qui avait décrit les « cinq
phases du mourir » : Le déni, la colère, le marchandage, la
dépression et l’acceptation. Est-ce que chaque morceau, si l’on excepte les
interludes, représentent une de ces phases ? Est-ce que, personnellement,
vous adhérez à cette idée des « cinq phases du mourir » ?
Y-a-t-il d’autres personnes qui vous ont influencés, pour cet album ?
Diego : Tout le concept lié autour de l'album est venu à un stade où le
processus de composition était déjà bien avancé. En ce sens que cela
n'a pas été une contrainte artistique mais plutôt une direction à
prendre. Les observations rapportées par Elisabeth Kübler-Ross
ont permis de mettre des mots sur des stades émotionnels intéressants et
je crois que cela se perçoit assez bien sur l'album. Adhérer, je sais
pas mais l'idée qu'il existe un certain schéma de réaction face à des
situations difficiles m'amuse assez je dois dire.
- Était-ce une volonté que de
donner un ton plus sombre, plus agressif à votre musique, ou est-ce venu
spontanément ? Peut-être pour correspondre au thème donné ? Ou pour
correspondre, peut-être, à l’évolution de la vie de chacun d’entre vous, de vos
vécus… Je me dis que peut-être, cela se retranscrit dans ce
changement ?
-
Xavier : Je crois que le groupe a simplement évolué vers ce
côté sombre de façon naturelle. On s’en est rendu compte au fil du temps, alors
que nos compositions et nos live se trouvaient de plus en plus en décalage par
rapport à notre premier EP. Le concept de l’album est la conséquence de ce
changement et non la cause. Pour ce
qui est de nos vies respectives, elles sont nettement moins tourmentées que nos
compositions, je te rassure…
- Haha, c'est cool alors ! En plus de ce changement
d’univers, depuis l’EP, dans la voix, je sens personnellement une certaine
influence que je qualifierais de « black metal », cette façon
d’hurler très aiguë lointaine, et crasseuse… Je constate également qu’en même
temps, pas mal de récents groupes s’amusent à mélanger black metal et
influences shoegaze, hardcore et/ou post-rock, comme Bosse-De-Nage, Alcest,
deafheaven, Wolves In The Throne Room, Hierophant… Et certains de ces groupes
se rapprochent finalement, sous certains plans, de votre musique. Y-a-t-il des
groupes de ce genre qui vous ont inspiré ?
Xavier : Tu vois Diego, je t’avais bien dit de nettoyer ton ipod de tout ce
black norvégien… Avec le temps, ça finit par te bouffer le cerveau !
Diego : Wolves In
A Throne Room, Altar Of Plagues sont des groupes
que j'apprécie, en effet. Après, je n'irais pas jusqu'à prétendre que je
suis un féru de la scène black et qu'elle m'influence dans la manière que
j'ai d'appréhender l'univers de When Icarus Falls. Quand je pose
des voix, je ne me dis jamais "faut que je chante gras ou faut que cela
sonne black", je chante c'est tout.
- Bonne réponse ;) ! Je remarque actuellement que la
scène suisse est en train d’exploser. D’abord révélée par Nostromo et Le Pré Ou
Je Suis Mort, plein de petits nouveaux suivent en ce moment. Je pense notamment
à vous, Prométhée, Abraham, Life As War, et Elizabeth. Y’a-t-il d’autres groupes de la
sphère hardcore et metal qu’il nous reste à découvrir, nous, petits
franchouillards jamais contents ? Le plus drôle, c’est que chacun de ces
groupes envoient de sévères parpaings…
Diego : Exploser,
pas vraiment. Ecce Lex a déjà 10 ans, certes mais avant cela il y avait une flopée de petits
groupes que personne ne connaissait comme Celtic Frost par
exemple ou Coroner... Plus sérieusement, il n’y a jamais eu d'explosion à
mon sens mais plutôt une évolution des outils de communication et une
démocratisation des home studio qui aujourd'hui permettent à n'importe
quel groupe de balancer 3 micros dans une pièce et d'enregistrer un son qu'on
peut ensuite balancer dans le monde merveilleux d'internet. Je ne crache pas
dessus car je sais qu'il y a 10 ans on aurait jamais pu avoir la visibilité, si
minime soit-elle, que l'on a aujourd'hui
avec When Icarus Falls et cela grâce au web et aux micros
pas chers. Sinon, c'est marrant mais tu me cites une majorité de groupes issus
de la scène genevoise alors que si tu te diriges un peu plus du côté de
Lausanne ou de La Chaux-De-Fonds, tu découvriras monts et merveilles.
- Oh mon Dieu, j'ai totalement oublié que Celtic Frost, c'était Suisse, haha ! J'ai également fait de gros oublis en rédigeant l'interview, honte à moi, je me rattrape ici en citant Knut (sludge/hardcore), Iscariote (hardcore chaotique aux relents post), Impure Wilhelmina (post-hardcore), Each Day Starts Anew (emo/indie 90's VS post-hardcore façon Thursday et Quicksand), Mr.Willis Of Ohio (emo/screamo signé chez Ape Must Not Kill Ape Records), Equus (post-rock), Coilguns (hardcore rock'n'rollesque), Abraham (post-hardcore), et Eluveitie (folk metal).
En tant que « dictionnaire
de l’emo », je me suis automatiquement demandé si l’un d’entre vous suit
la scène « emo », de près ou de loin… D’autant plus que j’ai pu
remarquer que vous avez déjà partagé une date avec le groupe « La
Dispute », que j’affectionne particulièrement, et qui fait partie du
renouveau de cette scène. Y-a-t-il des groupes du genre qui ont marqué, ou même
peut-être influencé l’un ou l’autre ?
Xavier : Notre live avec La Dispute est bel et bien le seul lien que nous
ayons avec la scène emo, je pense. Cela dit, ce sont vraiment des types
formidables et qui envoient comme il faut ! « Emo-nous » les uns
les autres malgré nos différences…
Diego :
Le seul lien que j'ai pu avoir avec la scène émo c'est quand j'avais
encore la possibilité de mettre du gel coiffant. Maintenant que j'ai plus de
cheveux, je me pose plus la question.
- Tout à fait d'accord pour La Dispute ! Et puis d'abord, je suis un féru d'emo et j'ai pas de rideau capillaire devant les yeux... Du moins, moins souvent qu'à mes 16 ans haha ! Ça écoute quoi en ce moment, un
coreux suisse ?
Xavier : Lausanne FM, n’ayant pas réussi à pirater la radio de
la boîte où je bosse.
Diego: Humores I - IV de Arafúra, c'est
joliment introspectif et magnifiquement exécuté.
- Dernière question : Votre
album colle parfaitement au zouk, je vous renvoie à ma chronique. Et je vous sais grand fan de ce genre
musical, ça se ressent à l’écoute, au chant. C’est d’une chaleur, d’une
sensualité exotique plus excitante que le porno de 22H30 de RTL9... Une
première partie de Colonel Reyel en prévision ? Une ré-édition de
« Aegean » en zouk ? Ou alors mieux, une chorégraphie en mode « zumba »
pour un éventuel clip ?
Xavier : Oui, alors sur ce point, tu ne crois pas si bien dire. Il faut savoir
que notre local est situé juste en-dessous d’une boîte de nuit africaine, donc
chaque fin de semaine nous avons droit au coupé-décalé. A force, je pense que
nous avons été influencés par le pouvoir subliminal du zouk. D’ailleurs, je
pense que notre label sera d’accord pour que l’on te révèle le concept du
prochain album : 10 reprises de Converge en version zouk. Accrochez-vous,
ça va chier !
- Haha, excellent ! Je l’offrirais
à mes colocs africains !
Allez, je vous laisse le mot de la
fin ! Une annonce, une dédicace, une blague, une menace terroriste contre
les pays utilisant l’euro et dévalorisant le franc suisse ?
Xavier : Achetez nos albums ! C’est un excellent placement à ne pas
manquer, avant que l’euro ne disparaisse.
Diego : de la fin? mais de quelle fin? la vôtre? la mienne? la
nôtre? méditons là-dessus.
« Aegean », le premier album de nos joyeux lurons, est disponible en digital et en streaming complet
ici, ainsi qu'en
physique
ici.
P.S : Merci beaucoup à Jérémy de Blue Wave Productions, à Diego et Xavier !
Ne
vous fiez pas à la descente gratuite et peu constructive de certains webzines
élitistes et hipsters sur les bords, pour vous faire une idée de ce que vous
écouterez à l’avenir, mieux vaut consulter d'autres webzines plus passionnés et respectueux, ou vous forgez un avis vous-même ;).