OK, c'est la crise. C'est pas forcément une nouveauté, mais je l'ai constaté concrètement sur ce concert que j'ai co-organisé. Je ne vous parle pas de la crise financière hein, mais de la mort certaine de la scène screamo en France. J'y reviendrais plus tard sur cet article. La flamme qui brûlait si fort y'a 10 ans encore dans nos petites salles s'est éteinte, il n'en reste plus que des fumerolles, soigneusement entretenues par quelques kids qui y croient encore, et que je remercie chaleureusement de partager le même espoir que moi. Et ces kids étaient là, heureux et impatients d'assister à la prestation des trois bandes. Sur la petite et conviviale scène du Picolo (Saint-Ouen), perdue au milieu des revendeurs à la sauvette de téléphone volés quelques minutes plus tôt et du marché aux Puces, les américains de The Saddest Landscape se sont produits en cette soirée du 11 Octobre avec leurs compatriotes de Frameworks, les jeunots qui pourraient bien prendre leur relève à l'avenir, et les allemands de The Tidal Sleep. Je disais récemment sur un live report que j'ai rédigé pour AlternativNews sur le concert d'Hexis + Rainmaker + Another Five Minutes que j'avais assisté à l'un des concerts de l'année. Eh bien le show de ce Samedi entre également en lice. Retour sur une soirée riche en émotions fortes, pures, et communicatives...
La soirée a été ouverte par The Tidal Sleep, que certains kids attendaient plus encore que les américains ! Il faut dire que les garçons ont fait forte impression cette année avec leur nouvel LP Vorstellungkraft ("imagination" en français), qui font en gros ce que Pianos Become The Teeth ne feront plus à l'avenir, comme je le disais à l'un des guitaristes parfaitement francophone. C'est ce disque qu'ils ont représenté en majorité, devant un public acquis à leur cause. Entre arpèges flamboyants et screamo retentissant aux riffs très lourds, il était difficile de ne pas se laisser emporter dans cette musique aux thèmes personnels et introspectifs. Ce fût le premier concert de la formation en France, et ils étaient surpris de l'accueil qui leur était réservé, et à juste titre. Ils ont démontré que la puissance de feu de leur musique aussi aérienne qu'abrasive, sublimée sur disque par la production de Jack Shirley, pouvait frapper aussi fort sur scène. Le guitariste au français sans faute nous a particulièrement remercié d'être présents ce soir, et pour notre engouement envers eux, nous expliquant que The Tidal Sleep n'est que le fruit de la passion de chacun des membres pour leur musique, qu'ils ont tous un travail et qu'ils tournent pendant leurs vacances. Ils vendaient ce soir-là un PUTAIN DE MAGNET A COLLER SUR TON PUTAIN DE FRIGO. Sérieusement, tu peux pas faire plus 90's, ces mecs ont tout compris. En dehors de ça, je pense que les spectateurs qui ne connaissaient pas The Tidal Sleep ont dû avoir une belle surprise en les découvrant ce soir...
Et qui d'autre mieux que Frameworks pouvait mieux assurer la transition entre les allemands et la tête d'affiche ? En effet, l'un des groupes les plus prometteurs du roaster Topshelf Records distille un post-hardcore marqué par des complaintes brut de décoffrage, et un son saccadé et acerbe mais toujours teinté de mélodies poignantes. Entre l'époustouflante "Old Chokes" issue de Small Victories, le single "Loom" issu de l'album du même nom, et "True Wealth" et son intro dantesque, le groupe a su piocher dans le meilleur de sa discographie, dans un set court mais intense... Ponctué de leur cover survitaminée de "Fell In Love With A Girl" des White Stripes, présente sur un split avec The Saddest Landscape qui y ont eux repris "Burning Flight" de Inside Out, et qu'on pouvait se procurer au stand de merch. Quelques sing-alongs se sont improvisés, pour le plaisir des américains qui ne s'attendaient sûrement pas à un tel accueil. Il faut dire que même dans la scène qu'il représente, le groupe est vraiment très peu connu en France, j'ai moi-même été surpris. Pour ma part, j'ai trouvé que ce qui caractérise le son de Frameworks se dévoile beaucoup plus en live, un son qui symbolise au mieux la colère, une colère hurlée avec une conviction palpable. Les garçons n'avaient rien à envier aux headliners tant attendus depuis leur dernier passage en 2010 à Paris, et je parie qu'ils se risqueront à repasser nous voir à l'avenir...
... The Saddest Landscape. LE groupe screamo à l'heure actuelle. Celui qui synthétise au mieux ce que ce style musical représente. 4 ans qu'on les attend en France, et les voilà, fiers et heureux de partager leurs morceaux avec un public parisien pas aussi nombreux que prévu sur l'event Facebook, mais qui aura vécu l'osmose, qui l'aura incarné, une passion et une joie qui s'est transmis dans toute la salle, sur les mines des musiciens. Andy Maddoxx, le frontman, nous a confié qu'il aime particulièrement les concerts ou les sing-alongs pleuvent, ou il peut hurler en communion avec la foule, se mêler à eux, ou la chaleur humaine est à son paroxysme. Il aura pu vivre un moment intense ce soir, les corps se mouvaient, s'entrechoquait, et les larmes coulaient... De sueur, de joie ou de tristesse, ou ne savait plus. Nous n'étions plus sur Terre. The Saddest Landscape nous a fait voir la plus belle des soundscapes, en jouant aussi fort que possible, d'un aspect autant musical que sur le plan mental. Andy chantait au plus près des spectateurs, leur laissant le champ libre pour venir hurler avec lui. Les musiciens débitaient leurs mélodies et cassures rythmiques avec précision et bravoure, ce qui a fini d'achever un auditoire qui aura vite été à bout de force face à ce flot déchaîné d'éther. Evidemment, nous avons eu la chance de pouvoir voir le groupe nous jouer "Eternity Is Lost On The Dying", ou une bonne dizaine de personnes sont grimpés sur scène pour chanter ce fameux "we are desperate kids doing extraordinary things and we are just like you", avant que Andy ne se jette dans la foule, dans une apothéose quelque peu cathartique. Ce qui était censé être leur dernier morceau ne l'a heureusement pas été... Les américains visiblement à bout eux aussi n'ont pas pu résister à l'appel du public, qui voulait au moins juste un titre en plus, histoire de vivre l'évasion jusqu'au bout (un mot qui revient souvent, décidément...). Et ce fût "The Sixth Golden Ticket" qui a clôturé la cérémonie. Tout aussi poignant et émouvant que le morceau précédant, les emokids se tenaient le bras, chantant ensemble, ou savourant tout simplement l'instant présent, ces émotions qui pouvaient presque se toucher du doigt. Un moment de partage rare et intense qui restera gravé dans les mémoires des musiciens comme du public. Ce fût peut-être le dernier passage de The Saddest Landscape en France, et le groupe a reçu l'accueil et les remerciements qu'il méritait, surtout après une prestation aussi solide et passionnée.
Maintenant, venons-en à mon incompréhension personnelle, qui va plus loin qu'un simple coup de gueule... Pourquoi avoir eu si peu de monde avec un plateau pareil, avec un tarif aussi réduit ? Pourquoi ce mouvement est-il autant en perte de vitesse en France alors que vous êtes beaucoup à vous en plaindre ? Car il n'y a pas qu'à ce concert-là que j'ai remarqué que le public était de moins en moins présent, mais je l'ai constaté de plein fouet étant passé de l'autre côté du comptoir. Certes, dans notre minorité nous sommes un public parfois plus fun et réactif que nos voisins allemands, italiens, anglais... Et ça c'est bien, c'est entre autres pour ça qu'on a encore des affiches cools comme celle-ci qui peuvent encore se produire chez nous. Mais en ce moment, et depuis quelques mois, jamais un concert ne dépasse 100 entrées (c'est pas rare de voir des concerts à Paris avec difficilement plus de 10 entrées). Pour le concert de ce Samedi, plus de 110 personnes ont répondu présent sur l'event FB, et 70 ont réellement été présentes. Et c'est de pire en pire à chaque concert. Non messieurs dames, vous n'avez pas tout vu de cette scène, vous loupez tellement de jeunes talents ! Si vous commencez même à ignorer des pointures telles que The Saddest Landscape, c'est que quelque chose ne tourne vraiment pas rond... Je me souviens d'un concert de The Wonder Years il y a quelques mois à Paris, qui n'a réuni que 10 personnes... On m'a souvent raconté que les parisiens étaient habitués aux concerts, qu'il y en avait tellement dans leur ville qu'ils choisissent délibérément d'en zapper au profit des gros noms. Quitte à tuer les petites assos qui se démerdent à faire venir des groupes pas tous aussi talentueux que peut le prétendre sa fanbase certes, mais qui méritent le coup d’œil pour certains si ce n'est plus, que ces assos vont venir de loin à perte. ce "support your scene" que la scène punk scandait il y a 10 ans là aussi. Un certain laisser-aller s'installe, au grand dam des groupes qui sont pourtant quasi-tous très excités à l'idée de jouer devant nous. Une fois avoir vécu l’atmosphère d'un concert parisien tel qu'on les connais aujourd'hui, cela les décourage de venir se représenter chez nous. Dépenser du temps, de l'argent et de l'énergie devant 20 gus aux bras croisés qui parlent à leurs potes pendant les chansons (quand ils ne consultent pas leur smartphone), c'est pas forcément motivant t'as vu. Et quand ce n'est pas un problème de monde, c'est un problème d'humeur. J'ai fait pas mal de concerts depuis 2 ans ou la plupart des spectateurs tiraient la tronche, blasés par ce qui se jouait devant eux, parfois carrément blasés par ceux qui persuadés d'avoir déjà tout vu. C'est quand même dramatique. A partir du moment ou le groupe a un message fort, qu'il joue une musique avec passion, on peut pas leur réserver un accueil aussi morose... Ou alors OK, tu découvres le soir-même et t'accroches pas, ça arrive. Mais par respect (sauf si le groupe est ouvertement raciste, sexiste, homophobe ou partisan des tongues), tu vas pas leur tirer la gueule quoi, c'est pas très posi. Heureusement qu'il reste quelques personnes passionnées par ce qu'ils écoutent, qu'ils soutiennent leur scène en se rendant aux concerts, en achetant des disques. Et puis, je parle de Paris, mais en province, c'est pas forcément mieux. Beaucoup de monde ici pleure la perdition du mouvement emo en France, le fait que beaucoup de tournées évitent soigneusement l'Hexagone, etc... Mais on le cherche un peu, vous croyez pas ? Les groupes n'ont sûrement pas envie de risquer des sous (ou d'en faire perdre aux tourneurs) et du temps en venant jouer devant une vingtaine de personnes dont la moitié n'accrocherait pas à leur musique. Si on était un peu plus nombreux (ou moins flemmards), on aura déjà plus de chance de voir nos groupes favoris passer par nos petits bars miteux ou petites salles de banlieue ou il y fait bon vivre quand on est tous ensemble, que ce soit autour d'une pinte ou d'un verre d'eau. Bon sang, faites vivre votre scène, ne soyez pas persuadé d'avoir tout vu, venez aux concerts, venez faire de belles découvertes, puis on s'amuse bien au final dans ces petits shows...
yo je suis complétement d'accord avec toi sur le manque d'engouement de la part des gens pour la musique emo qui n'a presque aucune visibilité,à part sur ton blog et Alternative News(plus généralisé mais bon),les seuls que je connais en France.Y'a peu de personne qui se déplacent pour les concerts à tarif très accessible pas plus de 10 euros fo pas déconner,moi perso j'écoute ce courant depuis peu de temps,j'ai découvert pas mal de groupes via AN et que récemment connu ton blog(dsl)je pense que le pb viens d'un manque d'ouverture de la part du public en général et même ce qui est fréquent de personne de la communauté rock,métal,punk qui ne s'intéresse qu'au "pointures qu'on leur désigne".Y'a tellement de bons groupes qui méritent d'être découvert c vraiment dommage qu'ils reçoivent pas le retour qu'il faudrait.
RépondreSupprimerPS:Dégouté de ne pas pas avoir pu au concert de The Tidal Sleep,j'ai pas vu l'info(comme trop souvent) mais merci à ton blog de m'avoir fait découvrir ce groupe(et tant d'autres mai si je continue je pourrais écrire un commentaires de 5 pages) si talentueux.