Que ce soit au niveau du respect des Droits de l'Homme, de sociologie ou des trends musicales, c'est bien connu que la France a toujours une bonne dizaine d'années de retard en moyenne. Essaie par exemple de deviner ce que ça donnerait dans l'opinion générale si demain, Christiane Taubira ou Danièle Obono annonçaient leur candidature pour les présidentielles de 2022 ? Sinon, bah observez le cas Aya Nakamura hein, ça fait des dizaines d'années que des rappeurs sortent des disques avec du verlan et mille et une manières de ré-inventer la langue, et aujourd'hui quand une personne noire sort un disque avec le même procédé : scandale médiatique, alors que quand c'est une personne blanche qui le fait : silence radio. Je vous invite à regarder cette excellente analyse de Linguisticæ à ce propos, sur les notions de "culture légitime" notamment, un principe très franco-français qui existe depuis très longtemps, mais que la re-banalisation actuelle des opinions d'extrême-droite tend à raviver.
Pour une fois, un groupe français, PÆRISH, basé à Paris, sort un disque bien après la hype de leur scène et qui s'avère attachant, ancré dans son époque et, je pense, indémodable tant sur le fond que la forme. Un album composé par ce que les boomers appellent encore des geeks, des millenials auxquels beaucoup de personnes peuvent s'identifier en France dans leur scène mais pas que, qui ont manifestement composé le disque fort de leur vie. Ca s'entend, ça se ressent, c'est super beau. Par contre, j'ai quasi-aucune culture ciné, alors je leur laisserais le loisir de vous parler de leurs films préférés (ca a déjà été fait en 2017 par ici).
Pour une fois, un groupe français, PÆRISH, basé à Paris, sort un disque bien après la hype de leur scène et qui s'avère attachant, ancré dans son époque et, je pense, indémodable tant sur le fond que la forme. Un album composé par ce que les boomers appellent encore des geeks, des millenials auxquels beaucoup de personnes peuvent s'identifier en France dans leur scène mais pas que, qui ont manifestement composé le disque fort de leur vie. Ca s'entend, ça se ressent, c'est super beau. Par contre, j'ai quasi-aucune culture ciné, alors je leur laisserais le loisir de vous parler de leurs films préférés (ca a déjà été fait en 2017 par ici).
Sans transition, mais avec un certain rapport avec le sujet principal de cet article et le fait que l'individu·e français·e fait les choses à la bourre, quand j'ouvre mon Tumblr aujourd'hui je suis assez nostalgique de ces lyric quotes sur fond "landscape" de tel groupe emo qui sonne un peu grunge ou de ces obscurs mais esthétiquement irréprochables groupes de screamo signés chez Topshelf Records, qui se faisait beaucoup il y a 10 ans (déjà), et apportait beaucoup à l'esthétique générale de la scène. Parce que ce genre de repost n'existe tout simplement plus, que l'esthétique même de ce microcosme semble avoir laissé sa place au retour du jean bootcut (sérieusement les kids, pourquoi ?), mais que la scène que j'appelle affectueusement "tumblrcore" (ma playlist Spotify disponible par ici) n'a heureusement jamais disparu, malgré des biais de communication aujourd'hui totalement différents pour parler d'eux (à l'époque où TikTok s'impose pour diffuser les nouvelles tendances). Certes, la plupart des acteurs•trices de cette scène se sont mis à faire de l'emo rap, du post-punk ou de la britpop et TITLE FIGHT (a.k.a le meilleur groupe du monde) a splitté à demi-mots mais hey, TIGERS JAW sont encore là à sortir des pépites d'emo/indie rock, et l'héritage de cette scène vit encore aujourd'hui en NARROW HEAD, GLEEMER, FIDDLEHEAD ou MOVEMENTS entre autres...
Et à Paris, on a peut-être plus de comptes Tumblr (où alors on le garde pour le souvenir car c'est globalement moins honteux que nos skyblogs et on y retourne une fois par an pour vérifier que son thème est pas parti en vrille) mais on a jamais arrêté d'écouter Magnolia ou Colourmeinkindness entre le moment où c'est sorti et maintenant, et le nouvel album de PÆRISH semble bien le confirmer. Je ne sais pas si ce groupe est calé sur la question du décolonialisme ou si il apprécie les chansons d'Aya, mais il se fiche de sortir en 2021 un disque qui aurait pu sortir il y a 10 ans chez Run For Cover, et pour ça je les aime fort. Après un premier album, Semi-Finalists, plein de belles choses, avec 2 ou 3 tubes mais sur lequel j'avais du mal à accrocher dans son ensemble, peut-être à cause des influences FOALS / BLOC PARTY que je trouvais un peu superflues, les voilà de retour après de longues années de préparation avec ni plus ni moins qu'un mastodonte. Oui, j'ose le terme. Je ne m'attendais vraiment pas à avoir un tel coup de cœur, et les singles sortis jusque là ont été suffisants pour me faire réclamer l'album à l'un d'eux avant sa sortie pour pouvoir vous en parler aujourd'hui tant que c'est tout frais. Et aussi pour me faire plaisir personnellement, j'avoue. Après avoir dépensé 40 balles en frais de port pour me faire importer le pressage trop cool de leur label américain. Je suis un•e pigeon•ne ? Certainement.
Semi-Finalists avait déjà été masterisé par Will Yip, ce producteur qui a participé à TELLEMENT de disques de cette fameuse scène "tumblrcore" avec laquelle eux et moi, on a fini nos adolescences et entamé nos jeunes vies d'adultes dans un monde vachement plus compliqué à vivre que prévu (à croire qu'on a réellement atterri dans "Terre", le reality show créé par des extra-terrestres dans South Park). Eh bien sur Fixed It All, Il a tout simplement produit le disque du début à la fin. Et c'est un petit évènement : c'est juste le premier groupe européen avec qui Will a travaillé sur un album. C'est à classer à la même échelle que BIRDS IN ROW et leur signature chez Deathwish Inc. en termes de reconnaissance et d'opportunités, et j'espère qu'ils auront autant de succès qu'eux à l'avenir. Les parisiens sortent d'ailleurs ce deuxième LP chez SideOneDummy, un label qui a vu éclore ni plus ni moins que TITLE FIGHT, PUP, ou encore GOGOL BORDELLO. Oklm, comme dirait l'autre.
Bon alors, je ne vous parle ici clairement pas de quelque chose qui sonne "trve emo", même si on a des connaisseurs en la matière chez PÆRISH. Ici, c'est plutôt passion rock 90's avant tout. WEEZER, SMASHING PUMPKINS, HUM ou encore SILVERSUN PICKUPS avec qui ils ont eu l'honneur de tourner en 2016, répondent présents pour ce qui est de la "FFO list" de Fixed It All, un disque résolument plus sombre que le précédent, franc et puissant dans tout les sens du terme, dont le mood se développe doucement et brillamment. Mais ce n'est pas pour autant une copie de ces groupes, il y a une touche plus "moderne" et personnelle dans leur musique.
Les novices du shoegaze vont vite se croire dans un morceau de MY BLOODY VALENTINE en entendant l'intro de "Fixed It All", un morceau qui pose joliment le thème général de cet album. "412" sonne à peu de choses près comme les meilleures chansons de Colourmeinkindness de BASEMENT, et c'est pas du tout pour me déplaire, c'est un potentiel tube. "Archives" m'évoque aussi la musique des Anglais sur certains couplets. Le riff d'intro de "Violet" aurait pu figurer dans un morceau de BLINK-182 mais ça bascule direct dans un morceau bien typé space rock/post-hardcore. Un couplet de la sombre et assez CITIZEN-esque "You & I" est sublimé par Patrick Miranda de MOVEMENTS, un joli flex de la part du groupe qui apporte du punch au morceau, mais moins étonnant quand l'on sait que PÆRISH a également tourné avec eux en 2018 et que des liens se sont crées entre les 2 groupes. Il y a également l'excellente et très aérienne "Albert Suffers", mon morceau préféré du disque et sûrement inspiré par le film français du même nom sorti en 1992 et dont les PIXIES assuraient la B.O, que les fans de NOTHING apprécieront sûrement. La douce "Mike + Susan" au refrain génial devrait également parler aux personnes qui suivent Desperate Housewives j'imagine ? Et on relèvera "Journey Of The Prairie King", qui évoquera d'agréables ou de pénibles souvenirs aux gamers qui passeront par ici ;) . Un peu de contexte : le nom de ce morceau est également un mini-jeu qui peut se jouer dans le "Stardrop Saloon", une salle d'arcades qui se trouve dans la map de Stardew Valley, un RPG sorti en 2016 sur la plupart des consoles et disponible également sur smartphone. C'est un jeu qui invite au chill, au farming, au graphisme pixel très doux qui appelle à la nostalgie, qui nous suit au quotidien, dans la lignée d'Animal Crossing.
Les parisiens sont toujours fidèles à leur amour pour l'univers du cinéma, des séries, des jeux vidéos... Des univers qui sont un infini puits d'inspiration, et qui ajoutent une vraie plus-value à cet album, qui nourrissent les paysages et les histoires qui nous viennent en tête quand les morceaux défilent, et qui fera également découvrir de nouvelles choses à regarder ou jouer en bonus (je réclame un morceau avec un hommage à Super Mario World ou Yoshi's Island). J'aime également le fait qu'on est pas uniquement sur quelque chose de fondamentalement heavy et sombre. C'est un disque très accessible au final, axé sur les mélodies, qu'elles soient douces ou blindées d'overdrive.
C'est simple : plus j'écoute ce disque, plus je l'aime. Les morceaux restent en tête, y'a quelques punchlines qui se retiennent même si le disque aborde des thèmes personnels, et j'adore les compos. Avec Fixed It All, PÆRISH arrive à nous faire nous évader un peu de cette partie de Jumanji infernale qu'est la vie sur Terre en racontant des choses assez universelles en termes émotionnels, mais avec un thème sonore qui me rappelle ce que j'adore avec NOTHING : cette nonchalance qui traduit une fureur de vivre tout autant que de vouloir parfois directement arriver au game over. J'aurais pour toujours le gros seum de ne jamais avoir pu voir SUPERHEAVEN en live, eh bah je pense que je pourrais me consoler avec PÆRISH quand les concerts seront à nouveau possible, c'est très clairement leur équivalent français désormais.
Alors que la scène française voit éclore de plus en plus de chouettes groupes niveau shoegaze / rock alternatif 90's comme JESSICA 93, WATERTANK, MASCARA, PENCEY SLOE (dont la chanteuse assure des backing vocals sur "You And I"), COLISION, HALLOWED GROUND, ELLAH A.THAUN, WONDERFLU ou encore APPLETOP, PÆRISH vient poser sa pierre à l'édifice, avec un background particulier et surtout une production aux petits oignons made in USA, chose finalement assez rare en France. Aucun groupe français n'avait bossé avec Will Yip auparavant, et j'espère que cette opportunité se présentera pour d'autres groupes locaux, tant cette personne sait mettre en relief les meilleures caractéristiques de la musique du groupe qui bosse avec lui.
Allez tiens, vous savez quoi ? Une belle lyric quote 100% Tumblr illustrée ci-dessous, cadeau :