Ce fût un line-up très alléchant qui fût proposé ce Lundi 14 Avril au Glaz'Art. Pouvant prétendre au record du nom de line-up le plus long du monde, il réunissait les emos de The World Is A Beautiful Place & I Am No Longer Afraid To Die, et de Empire! Empire! (I Was A Lonely Estate), tous les deux en tournée européenne. Et pour ouvrir la soirée, deux groupes totalement différents les uns des autres étaient également présents : les anglais de We Came Out Like Tigers qui venaient présenter leur nouveau LP Ever-Crushed At Pecket's Well, et les presque français de Hyperstation, qui eux venaient présenter leur second EP.
C'est Hyperstation qui a ouvert les festivités, dans une salle alors à peine occupée par une vingtaine de personnes, dont certains copains du groupe. Il semblait logique que ce groupe ouvre la soirée, tant leur musique se veut apte à faire danser et bouger les têtes. Mais leur prestation scénique manquait de rythme, et de l'énergie qui caractérise leur univers, ce qui est dommage, tant ceci aurait pu mettre en valeur leur son original, qui oscille entre électro-pop et post-punk. Mais musicalement, rien à dire, c'était carré, et le son était de leur côté. Le petit bout de public alors présent a plutôt bien adhéré à l'univers des frenchies, qui viennent de sortir leur deuxième disque. L'un des organisateurs de la soirée (également bassiste dans le groupe hardcore parisien Gazers, NDLR) est même monté sur scène pour chanter sur le dernier morceau. Avec pas mal de timidité apparente, mais il a semblé que ce fût à cause d'un problème de micro qui le genaît. Ce fût une bonne démonstration de ce que leurs EP réservent, mais un peu plus de fun dans ce set aurait été bienvenu histoire de réveler leur personnalité musicale au grand jour, et de réveiller la foule, surtout que le groupe suivant n'a pas, mais alors pas du tout fait dans la dentelle et la lumière, au contraire...
Pendant que We Came Out Like Tigers s'installait sur scène, la salle commençait tout juste à se "remplir", tandis que ceux déjà présents allaient voir le merch, fumer une cigarette, ou se payer une verre au bar, sans vraiment s'attendre à ce qui allait se passer avec ce quartet anglais que 95% de l'assemblée de ne connaissait pas, ou très peu. Et soudain lors des balances, un blast-beat furieux est venu frapper aux oreilles du public. Eh oui, c'est bien du black metal qui allait sévir ! Le t-shirt Céleste de l'un des guitaristes était d'ailleurs la pour le rappeler. Un style musical qu'il était totalement étonnant de voir ajouté sur un line-up essentiellement tourné vers l'indie rock et l'emo (mais qu'il l'est moins venant de l'asso qui organisait le concert ce soir : Old Town Bicyclette). Mais finalement, la cohérence de la venue de l'un des vétérans de chez Dog Knights Productions, LE label montant de la scène emo/screamo du moment, aura vite été justifiée lorsque les garçons ont (re)lâché leur musique sur scène avec une puissance et une rage folle, tout autant que les paroles très engagées, qui traite de la politique, de la société en général, de l'être humain... C'est finalement un complexe mais savant mélange de screamo old-school façon Orchid ou Raein et de cascadian black metal qui caractérise leur son, mêlant tremolo-pickings aussi acerbes que prenants, cris ténébreux et écorchés, growls caverneux et brutaux, et partitions de violons inattendues, voire même un chant clair, grave et désabusé, assuré par le second guitariste, noir de peau. De quoi rappeler le frontman de Yaphet Kotto, un groupe screamo américain séparé maintenant depuis une bonne dizaine d'années, très influent pour la scène actuelle dont fait partie We Came Out Like Tigers. En parlant de frontman, celui de WCOLT était totalement pris par ses textes, les vociférant avec une passion et une colère presque palpable. Mais il était pour certaines personnes compliqué de saisir la portée de son cri brut de décoffrage, qui jugaient paradoxalement qu'il manquait de puissance. Le groupe souffrait également d'un son assez médiocre, ce qui rendait parfois inaudible les parties les plus acharnées, et qui noyait parfois le violon, voire par instant le cri. Les quelques rares personnes qui connaissaient le groupe ont été ravies de le découvrir en live, sous une telle forme et une telle implication dans leur art. Tandis que ceux qui ne les connaissaient pas étaient plus partagés, les avis étaient très différents les uns des autres. En tout cas, cette prestation n'aura laissé personne indifférent, et les garçons ont sûrement gagnés quelques auditeurs ce soir. On espère les revoir chez nous avec la même envie d'en découdre, dans une salle qui fera mieux ressortir leur déluge rythmique et leurs cascades de guitares !
C'est maintenant un registre musical totalement différent qui nous attendait avec Empire! Empire! (I Was A Lonely Estate). Ce qui fût à l'origine un projet solo lancé par Keith Latinen, qui fût ensuite rejoint par sa femme Cathy, était ce soir un vrai groupe, au line-up alléchant : Keith au chant et à la guitare, accompagné de 3 membres de The World Is A Beautiful Place & I Am No Longer Afraid To Die. C'est comme ça avec Empire! Empire!, les musiciens live ne sont jamais les mêmes ! Première constatation : le public est largement plus présent que lors de leur dernier passage en 2011 à Paris avec Marionnette ID, qui n'avait réuni que... 12 personnes. Communication catastrophique, paraissait-il. Passons. Ce soir, Keith, vêtu d'un très honorable t-shirt à l'effigie du jeu vidéo Secret Of Mana, et sa formation d'un soir, nous ont joué 8 titres d'un répertoire riche en textes intimistes et de sons emo midwestern et indie rock à la Death Cab For Cutie, dont deux titres phares issus de l'unique album d'Empire! Empire! paru à ce jour, What It Takes To Move Forward : "How To Make Love Stay", et "Rally The Troops! [...]". Ce fût tout aussi introspectif que sur disque, et tout aussi sincère dans le chant du frontman, qui continuait inlassablement de chanter malgré les fausses notes, avec cette douceur qui caractérise sa voix. Certains fans (et surtout une jolie demoiselle, pour tout avouer haha :) !) attendaient "It Happened Because You Left", mais c'est malheureusement une chanson que les musiciens de TWIABP venaient tout juste d'apprendre, l'ensemble des musiciens ne voulaient pas prendre le risque de gâcher le morceau. Ce sera sans doute pour la prochaine fois ! Beaucoup de baume au coeur lors de ce concert tout en douceur et en belles histoires, de quoi nois préparer chaleureusement au décollage que nous promet The World Is, bien-nommé sur l'Internet : WR... Un patronyme mystère qui reste une énigme encore aujourd'hui.
Un final grandiose nous était réservé avec cette formation qui fait partie d'un des grands noms de ce qu'il est coutume d'appeler depuis quelques temps le "emo revival", depuis la sortie de leur splendide premier album Whenever, If Ever. D'entrée le jeu, le groupe a noyé l'auditoire dans un océan d'arpèges, de riffs lourds à faire trembler le sol (durant quelques secondes, on se serait presque cru à un concert de doom metal), de chants en choeur et de trompettes chaleureuses. C'est là toute la magie de TWIABP : raconter des histoires humaines, des constats de la vie de tout les jours, le tout dans un véritable orchestre ou tout se croise : des guitares, des claviers, des trompettes, des violons... La plupart des titres joués ce soir étaient issus du dernier LP du groupe. De "Picture Of A Tree That Doesn't Look OK", à une version encore plus ennivrante et pesante de "Heartbeat In The Brain", à "You Will Never Go To Space" et "The Layers Of Skin We Drag Around" reprises toutes les deux en choeur par les fans présents dans le public, dont certains se sont même amusé à pogoter gentiment... Tout les meilleurs titres de la bande ont été interprétés ! Le groupe nous a même joué d'anciens titres comme "Victim Kin Seek Suit", issu de leur tout premier EP Formlessness. Du coup on entendait certaines personnes réclamer "Gordon Paul", issu du même EP, mais en vain. Le concert s'est terminé avec "Getting Sodas", titre final de l'album, la meilleure manière possible de conclure un show qui a fait tourner et planer les têtes, notamment grâce au dernier couplet de la chanson, qui sonne comme une morale, qui définit à lui tout seul le nom du groupe et son sens, le final d'une poésie musicale enchanteresse et ensoleillée : "The world is a beautiful place but we have to make it that way !". Un set très réjouissant, à la durée presque parfaite. On ne s'est pas senti frustré d'avoir loupé une chanson, ou d'en avoir trop entendu. Bravo à eux !
Une soirée pleine de contrastes pour une myriade d'émotions ressenties, et de coeurs brisés, puis réchauffés. C'est un peu la synthèse que l'on peut faire de cette soirée ou l'ambiance générale était également au beau fixe, ce qui a visiblement plu aux musiciens, tous souriants et ravis d'être présents dans la capitale. Il est vrai que l'on revoit facilement les mêmes visages dans ce genre de concerts, surtout ceux organisés avec Old Town Bicyclette, mais on a quand même pu constater que de nouvelles têtes ont pointé leur bout de leur nez, ce qui a fait plaisir à voir.
Un chaleureux merci à Adrien de Old Town Bicyclette !