jeudi 27 juin 2013

Chronique : Gatherer - Caught Between A Rock And A Sad Place



La grande mode du moment sur la scène hardcore, c'est le hardcore mélodique. Après avoir connu les Have Heart, les Modern Life Is War, les Killing The Dream et compagnie, on a eu une sorte de "revival" avec Touché Amoré et Defeater qui nous ont tous mis une branlée (et non, La Dispute n'est pas dans le lot car ça n'est pas du hardcore mélo, na), et qui ont été en quelque sorte les pères du renouveau du style. Ensuite, on a eu les inévitables suites de mouvement donnant naissance à d'innombrables copies des principaux acteurs du style, et à un effet de mode relayé via Tumblr et Facebook, regroupant musicalement comme philosophiquement le meilleur comme le pire. Aujourd'hui, il n'est pas évident de déceler le vrai du faux, dans cet océan de bons sentiments proclamés. Eh bien je pense que si l'on compare par exemple un Being As An Ocean avec le groupe dont je vais vous parler aujourd'hui, Gatherer, vous ferez vite la séparation.

Ce groupe, jusque là, c'était l'EP Postcards. C'était beau, c'était éthéré, mais c'est encore un peu trop marqué par les influences Touché Amoré, entre autres. On avait donc vite fait le tour, bien que la passion du groupe y est indéniable et aide vachement à l'appréciation de l'opus. J'attendais de pied ferme la suite pour ces petits gars très prometteurs. Et les voilà revenus avec un album nommé Caught Between A Rock And A Sad Place m'a vraiment cloué le bec dès la première écoute. Ce qui m'a marqué, c'est la prise de maturité folle qu'a pris le groupe. Leur musique est beaucoup plus personnelle. En témoigne ces passages au chant clair tremblotant qui nous rappellera celui de Kyle Durfey de Pianos Become The Teeth sur le titre "Hiding" C'est d'ailleurs quelques atmosphères et décharges rythmiques inspirées de ces derniers que l'on peut retrouver sur l'album des garçons du New Jersey. J'ai également beaucoup, mais alors beaucoup apprécié les influences emo disséminés par-ci par-là dans le disque. Cela renforce davantage le côté "sensible" de leur hardcore mélo, et le fait se différencier de la masse. Mais vraiment, avec ce nouvel effort, je n'ai pas l'impression de m'enfermer dans un éternel rip-off ennuyeux de Have Heart ou Defeater à spoken words "so deep and meaningful". Et d'ailleurs, le groupe n'a pas cette fâcheuse manie de s'afficher avec de belles photos retouchées avec de la nature en fond et du merch des potes trop cools de la vie lolz. Le côté "so deep", on le laisse à Capsize, vous voulez bien ? Ici on parle de vrais sentiments. Ça se ressent dès la première piste, un bon gros brûlot saupoudré de mélodies entêtantes. Les influences emo, on les ressent dans ces quelques accords chaleureux qui agrémentes les mélodies, et un petit couplet chanté nous disant "It's so sad to see the one you love when all you're doing is struggling". Je me vois tout de suite en concert reprendre cette petite phrase, ainsi que les deux dernières du morceau qui inexplicablement me sont restées en tête : "Now we all sing the blues / Fuck you, I sing the blues too". Peut être parce que le blues c'est cool ? Anyway, passons à la suite. Le second titre, "I Have Seen Mountains", montre un visage plus brutal encore du combo, assez proche du screamo (je pense à ce contraste entre blast beats, cris virulents, et montées d'adrénalines). Avec toujours ces quelques parties de chant clair ou plus éraillé irrésistibles. Son successeur, "108", sera sans doute le petit tube de l'album que les gens chanteront sûrement en sing-along en live. Un départ totalement emo, chanté à l'unisson, avant que n'explose le morceau dans une rage gracieuse et inébranlable, et qu'il ne se calme tranquillement, en laissant place à un final très doux, au milieu d'arpèges dissonants mais envoûtants. Du grand art. "What If I Can't", avec ses petits chœurs pour relever la sauce, sera aussi un carton en live. Il nous renvoie encore une fois (et en beauté) à ce chant clair troublant et plein de tourments. Instrumentalement, c'est d'abord très posé, très reposant. Avant que le hardcore mélo ne reprenne ses droits, mais toujours en suivant la mélodie du morceau. Le titre suivant, "Brittle Bones", me rappelle fortement Touché Amoré. Une influence que l'on entendait déjà sur Postcards, et ça se ressent dans ce hardcore aussi aérien que frontal et rapide. Un petit coup de tatane avant de revenir sur un terrain plus mélodique avec "Ocean Floor" qui d'emblée nous propose un riff étourdissant. Je suis décidément fan de cette alchimie réussie entre emo, post-hardcore étourdissant et hardcore mélodique qui nous est proposée une fois de plus ici, et plus loin sur le disque avec "Campfires", qui reprend un peu le même schéma que "108".

Conclusion : Une belle surprise que ce premier album de Gatherer, aussi poignant que virulent. Les garçons ont su s'épanouir, en proposant une musique plus riche que sur Postcards, tout en conservant la même force de frappe. L'apport des influences emo leur permettra de toucher un public plus large, et leur permet donc de se diversifier, dans cet océan de groupes hardcore mélodique qui ne cesse de se remplir. Un très bon premier album, qui sera pour sûr une grosse base pour la suite !

Tracklist :

1. And Now Everyone Sings The Blues
2. I Have Seen Mountains
3. 108
4. What If I Can't
5. Brittle Bones
6. Ocean Floor
7. Segovia
8. Campfires
9. Death Bed
10. He Went Down There To Die

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