Fidèle à moi-même, je découvre le terroir français quasi-tout le temps à la bourre. Et encore une fois, le retard est regrettable. En effet, j'ai mis du temps à rédiger cette chronique du premier effort des Poitevins de Zapruder, qui plus est produit par Amaury Sauvé, et pourtant, je l'ai ré-écouté plusieurs fois, ayant été agréablement surpris. Sur le papier, les musiciens nous parlent de mathcore/post-hardcore. Eh bien la musique du groupe va beaucoup, beaucoup plus loin.
Du mathcore, on en retrouve sur le premier titre "Guns, Speech And Madness" dès la première minute, accompagné d'un cri déchirant et déchiré, éraillé jusqu'à la moelle, frissonnant de puissance. On pense vite à Jacob Bannon ou Josh Scogin. Le morceau continue avec un gros élan de rage, que l'on ressent avec ces choeurs qui donnent envie de gueuler à notre tour. Et là, boum ! Une mosh part monstrueuse qui sort de nulle part, lancée par un growl caverneux à souhait. Un rouleau-compresseur de crasse et de violence, rejoint par un riff hypnotique en plein milieu, de quoi faire tourner les têtes, avant que celles-ci ne se brisent en un blast beat destructeur. Et voilà, retour à du hardcore chaotique puissant et lourd pour achever le morceau. L'intro ténébreuse de "Falling Like Dead Snakes" laisse peu de répit, nous entraînant dans un délire assez psychédélique et chaotique, qui (allez savoir pourquoi) me rappelle les instants de démence de Uroboros, de Dir En Grey, mais le côté sludge en plus, un quelque chose de Cult Of Luna évident. Un morceau qui prend son temps d'embarquer l'auditeur dans l'univers sombre et poisseux qu'il développe, de plus en plus chaotique et obscur au fur et à mesure que celui-ci avance. Sur la fin du morceau, on a même le droit à une belle progression post-hardcore. Une place pour la lumière ? En quelque sorte.
Une sorte de prélude à "Mt. Fuji In Red", un long morceau délivrant à nouveau du post-hardcore, mais version cathartique et atmosphérique, à des années-lumières du chaos malade du premier morceau de l'EP. Une belle plage instrumentale nous emmenant tranquillement vers une explosion des guitares, rejointe par le chant caractéristique de Régis. Des accords post-rock, et même blues, viennent délicatement se joindre à cette enivrante échappée. Une échappée qui brusquement devient brise, une douce brise accompagnée d'un chant clair surprenant et reposant, rempli de clarté et de sérénité, proche d'un Sigur Rós. J'ai même pensé à Thom Yorke... Le changement de style est troublant, mais donne quelque chose de très beau. Surtout avec de telles envolées vocales. Le morceau se transforme alors en un magnifique voyage post-rock, pour le plus grand plaisir des oreilles et de la pensée. Ce final ressemble pas mal à ce que sait faire les Parisiens du groupe Hier, à mon goût. Un très beau voyage...
Un voyage qui brutalement s'achève avec le retour sur terre violent et sans compromis que nous inflige "Lost In Vegas". Régis entre en pleine folie furieuse, en harmonie avec une instru complètement déstructurée. "I feel I'm going to lose my mind here !". Comme si il narrait l'histoire d'un homme perdu dans le vice, le mal, le regret. Comme en témoigne cette lancée ou l'homme se bat pour essayer de chercher un sens à son questionnement, mais s'abandonne à la dure réalité. "My faith is gone / No attorney / This beast is unleashed / And will eat your brain". Arrive alors une phase instrumentale troublante, rappelant les instants jazzy de The Dillinger Escape Plan, avant qu'une étourdissante explosion mathcore psychédélique nous achève dans notre perdition mentale, avant que la grâce de cette instru jazzy ne reprenne le dessus, recouvert de notes de saxophones mélancoliques et prenantes, accentuant davantage l'univers mystérieux et torturé que développe ce plan. Les voix ténébreuses, et l'ambiance aussi posée que chaotique qui s'en suit me rappellent toujours TDEP. Le morceau s'achève sur un percutant "I've cleared my sights" hurlé du fond des tripes, qui se répète sans cesse, jusqu'à des dernières secondes explosives. Un morceau perturbant, ou chacun peut facilement s'y perdre. L'EP qui se veut décidément très introspectif et troublant s'achève sur le non moins psychédélique et déstructuré "We Carry Just Enough To Play". Le morceau laisse peu de répit malgré quelques arpèges trompeurs, et ce jusqu'à une nouvelle progression typée post-hardcore, ou des choeurs font à nouveau leur apparition, hurlant "We rage on while searching, We take it out our stain of life", pour ensuite laisser une dernière fois la parole à régis dans un final explosif, presque screamo.
Plein de surprises, jamais répétitif, varié, cet EP nous surprend par la solidité de l'ensemble, alors qu'il tape dans beaucoup de genres musicaux, un gloubiboulga(core) pouvant parfois choquer les oreilles les moins habituées au mathcore. Parce qu'en fait, oui, Zapruder c'est surtout du mathcore, et du mathcore bien fait. Une musique complexe, exigeante. C'est de l'art. L'art de rejeter le conventionnel, de donner une beauté à l'extrême, d'explorer les tréfonds de l'âme humaine et d'en extérioriser la pire noirceur, la plus belle étincelle d'espoir, le doute, la perte, le vice, tout ça. Notons au passage l'excellent travail de production d'Amaury Sauvé, aidé par Timothée Grivès. J'attends avec impatience la suite...
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