Il y a des choses qui ne s'expliquent pas. La création de l'univers, le fonctionnement complet du cerveau, le post-grunge... Tant de mystères qu'il est toujours impossible de résoudre aujourd'hui. À tout ceci se joint également un grand mystère national : La capacité qu'ont les groupes de screamo français à sortir des sentiers battus, et nous livrer des productions de haute volée, et ce avec presque 100% des groupes du genre. C'est le cas de Burning Bright. Originaire de Caen, le jeune groupe a (eu) la chance de profiter de la grande solidarité de la scène alternative locale pour évoluer musicalement et se faire connaître. Ce n'est donc pas anodin si l'on retrouve aux fûts MONSIEUR Antoine, batteur de feu Amanda Woodward, et aujourd'hui de Aussitôt Mort. Ah, rien que l'évocation du nom de ce groupe, Amanda Woodward, me donne des frissons et m'excite sexuellement... Passons. Le groupe nous propose donc son premier essai, un album nommé "Domesday". Bon, sans artwork ça à l'air un peu amateur, voire carrément manouche si l'on se fie aux flyers avec des fautes d'orthographe sur le nom du groupe (oh qu'il est taquin le monsieur), mais il n'en est rien.
C'est sur un terrain musical assez inédit que nous emmène le groupe, dans le sens ou il mélange du crust punk avec du hardcore mélodique et du screamo "french way" (ce terme parlera aux connaisseurs). Aurélien, le chanteur, me disait y a quelques temps que son groupe essayait de faire du Tragedy sans y arriver. Bon, ils ont pas tort, ou alors Tragedy aurait mangé Underoath en cours de route. Mais ça sonne au moins un peu comme les collègues de Bökanövsky, vous savez, ce screamo sensible teinté de crust viril ? Vous voilà mis en situation. Dès le premier morceau, "Sleepless Me", on a le droit à un riff crasseux, suivi par une mélodie frissonnante typique du hardcore mélodique, qui explosera ensuite dans une furie hardcore. Et on est tout de suite sensible aux capacités vocales d'Aurélien qui m'ont surpris, qui oscille entre un chant growlé caverneux typique du crust et un chant plus éraillé, éthéré, sensible, lorgnant vers le post-hardcore. Mais déjà, il est clair que instrumentalement, ça bastonne et ça dissonne. Si vous n'êtes pas convaincu, les premières secondes de "Dissolve" finiront de vous marteler le crâne avec un hardcore rapide, explosif et vindicatif (qui a dit Dead Swans ?), qui se mêlera à des influences plus posées, plus mélodiques, toujours ce feeling post-hardcore, avec ces envolées vocales, et ces quelques accords crasseux. On croit que c'est fini, eh bien non, ça repart une dernière fois, toujours plus fort. Ensuite, c'est "Bonfire" qui déboule, un peu plus HxC mélo à la Comeback Kid, avec les grattes qui virevoltent, les petits solos, et ce côté direct et accrocheur qui vont bien. Changement total d'ambiance sur "Lights", ou l'on passe carrément sur du post-metal épique, que la bande aurait piqué à Cult Of Luna. La bande se débrouille également terriblement bien sur le terrain des atmosphères planantes, utilisant la lourdeur de son hardcore crasseux et dissonant pour ajouter du relief à ce morceau qui m'a fait frissonner, va. Et hop, on passe carrément sur du screamo à la française sur "Mayfly" ! Comment ne pas griller les inspirations Amanda Woodward sur le riff du début ! C'est juste après qu'on se reprend une gifle crust lourde et entraînante, entrecoupée de quelques sons de grattes screamoïsants (Amanda Woodward on vous dit !) Typiquement français, jusqu'aux hurlements de fin à fleur de peau. Le reste de l'album sera dans la même lancée, entre crust lourd et écrasant, hardcore mélodique prenant et puissant, et influences screamo et post-metal. On notera les participations de Simon de Nine Eleven sur "Doomsday", et de Bart de Birds In Row sur la virulente "Nightsins", ou monsieur nous sort un cri encore plus aigu et violent que sur l'album des Lavallois, autrement dit 20 secondes de bonheur pour le fan que je suis. Je suis également fan du morceau "Vitriol", un condensé de chaque influence du groupe, avec un espèce de riff dub planant sur la fin, un passage obligatoire si on se prétend venir de Caen. Citons aussi "Kalopsia", un morceau assez minimaliste revenant sur les terres du post-metal, introduit par de douces mélodies, ou le chant en retrait, appelant presque à l'aide, renforce le côté émotionnel et atmosphérique du morceau, avant l'explosion traditionnelle qui constituera l'intense seconde partie du morceau. L'album se termine de manière intense par "Dreamcatchers", un morceau résolument post-hardcore, oscillant entre cavalcades hardcore, montées d'adrénaline et légers instants mathy succulents, et a eu le bon goût d'ajouter un trombone sur les 30 dernières secondes. Le groupe se cherchant une étiquette pour se repérer sur la scène, je pourrais peut-être créer spécialement pour eux le jazz crust ? ;)
Conclusion : Ce premier coup d'essai est bluffant de professionnalisme, de justesse et de force. Sans doute parce que chaque personne du groupe a déjà eu et ont toujours de l'expérience dans d'autres groupes. C'est varié, c'est efficace, c'est passionné et surtout, c'est un peu plus long que la moyenne, on a le droit à un album riche, qui défonce les barrières des clichés classant certaines de leurs influences comme Underoath next gen ou Cult Of Luna dans la case mainstream, clichés érigés bien trop souvent par une élite avide d'intellectualité pensant avoir la mainmise sur la culture alternative moderne et la psychologie de la scène. Ce "Domesday" est une réelle bonne surprise, un beau coup de cœur, ou chaque instrument est parfaitement audible et maîtrisé (j'ai été bluffé de retrouver Antoine à un tel niveau, si tu tombes sur cette chronique, sache que tu m'as ému, mec). J'espère que le groupe sera apprécié à sa juste valeur, et il est fort à parier qu'il fera partie du haut du panier de la scène française en 2013, pour une année qui s'annonce pourtant riche en révélations sur cette scène...
Tracklist :
01. Sleepless Me
02. Dissolve
03. Bonfire
04. Lights
05. Mayfly
06. Doomsday
07. Vitriol
08. Kalopsia
09. Nightsins
10. Dreamcatchers
L'album sera disponible en physique courant 2013. En attendant, la version digitale est téléchargeable à prix libre sur leur page Bandcamp.
Guillaume.
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