mardi 18 février 2020

RIJEKA, un exutoire à l'ennui et la violence de la vie.



Rijeka, c'est d'abord une ville croate, principale ville portuaire du pays, Rijeka étant d'ailleurs le mot croate pour parler d'une rivière. Ce que je connais de cette ville vient principalement de Wikipedia, je ne saurais pas vous renseigner en profondeur sur ce lieu ;) . Mais le groupe en question sur cet article a un rapport précis avec cette ville que je saurais mieux vous relayer. RIJEKA vient de Toulon, et est composé, entre autres, de 2 membres de BÖKANÖVSKY et CHILD MEADOW : Nicolas et Clément. Et il se trouve que BÖKANÖVSKY a joué à Rijeka en 2012, et que CHILD MEADOW y a également joué en 2011. À l'occasion de ces différentes tournées passant dans la ville, des liens se sont naturellement tissés avec des locaux•ales, et Clément me rapportait que Rijeka ressemble beaucoup à Toulon, "you love it or hate it". C'est ainsi que ce petit projet a trouvé son nom, actif depuis plusieurs années, avec cependant une seule répet'à leur actif jusque là, mais avec une démo qui sort seulement maintenant. D'ailleurs, c'est rigolo : encore une fois un groupe d'emo français avec un nom qui fait partie du registre maritime.

Ce groupe, c'est vraiment pour se faire plaisir, raconter des petites histoires et des frustrations, des colères entre potes, sûrement dans des caves d'un peu partout en Europe, histoire de partager cela avec les emokids (qu'iels soient jeunes ou moins jeunes héhé !) que ça attire encore d'aller dans des caves voir des petits groupes faire de l'emo à consonance crust qui racontent les galères, les ennuis et les menaces qu'on subit tou•te•s. Enfin, quand je parle de crust, faut pas s'attendre à quelque chose à la EKKAIA ou à la LAKMÉ. Mais y'a clairement des rappels aux sonorités vocales de BÖKANÖVSKY et à ses guitares grasses et graves.

RIJEKA, c'est donc sans trop de surprises situé entre CHILD MEADOW et BÖKANÖVSKY musicalement, et je trouve que cette démo est vraiment chouette. Y'a aussi un petit quelque chose qui donne son originalité à RIJEKA par rapport aux deux autres groupes, comme cette seconde partie de morceau très emo 90's avec ces phrases chantées sur "La Roya", ou le final quasi math-rock de "Ces murs blancs". La démo commence pourtant de manière assez sombre avec "À qui la rue ?", dans un style que je qualifierais de à-la Boka, qui en veut (naturellement) aux flics, particulièrement aux CRS vu ce qui est décrit dans les textes. 

- L'écho du silence se noie dans les poings lourds de ces bourreaux déguisé•e•s en armure. L'écho du silence se reflète dans les yeux sombres, ecchymosés par ces bavures autorisées, ces cortèges pacifiques, un terrain de jeu pour les sadiques.

Bon, en ce qui concerne le final de ce morceau, la potence pour les bourreaux je dis pas non, mais on placera un fils de rien pour remplacer le fils de p*** pendant le sing-along et ça réglera le problème ;) Sûrement un sale réflexe de langage qui n'illustre pas la considération de RIJEKA envers les travailleuses du sexe. Je souligne ceci car dans un milieu qui tend à se déconstruire davantage, cela peut en choquer (légitimement) certain•e•s.

"De la chair" synthétise brièvement nos vies à trimer au travail, à se faire étouffer par les patron•ne•s, par les machines, machines qu'on voudrait nous faire devenir d'ailleurs. "La Roya" est un brulôt se désolant de la misère humaine, de ces pauvres qu'on tue ou qu'on précarise encore davantage, de "ces processions dans la pénombre sur ces terrains désaffectés, ces corps humains comme des ombres (la misère te faire jouir), tu les isoles comme des déchets". "Comme un aimant" raconte l'ennui, la relation love-hate qu'on entretient souvent avec sa ville natale où le lieu où l'on vit depuis un certain temps, cette amertume d'y revenir ou d'y rester. "Cette ville est comme un aimant : impossible à fuir, impossible d'en partir, impossible à aimer. Pourtant on y est". Et "Les murs blancs" renvoie un peu aux propos de "De la chair", à ces heures passées à faire de son mieux au taff, tout en bas de l'échelle, à y être sympa et poli•e, mais continuer à se faire réprimander et se faire rappeler qu'on fait les choses pas assez bien, pas assez vite...

RIJEKA, c'est un emo punk bref, sincère, un exutoire simple et facile où l'on peu tou•te•s se retrouver. Encore une embarcation à la dérive sur les flots de la vie française en perpétuel tourment, qui n'aura aucun mal à trouver des passager•e•s. Une chouette surprise que ce premier essai, et j'espère les voir sur scène à l'occasion, car je pense que leurs morceaux prennent une autre dimension en live...

Une petite interview de RIJEKA sur Idioteq: https://idioteq.com/introducing-rijeka-new-screamy-emo-hardcore-band-from-toulon/


jeudi 6 février 2020

LUXOR BEAM - S/T



Le 15 Décembre dernier, littéralement collé•e à la scène de La Maroquinerie pour profiter pleinement du retour d'ENVY à Paris (et de SVALBARD en première partie !) après 8 ans d'attente et ainsi une occasion d'exorciser le souvenir amer de la fois précédente ou je les ai vus (en bref : le groupe était grandiose, mais les personnes m'accompagnant l'étaient moins). Entre deux groupes, une amie qui fait partie de ces personnes qui me narguent en me racontant les fois ou elles ont vu AMANDA WOODWARD et YAGE en live, m'a parlé d'un nouveau groupe qui allait sortir son premier disque dans les jours à venir. Le teasing : Un groupe d'emo / screamo lorgnant vers les 90's composé d'un membre de ENOCH ARDON, rien que ça. Sauf que ce que je ne savais pas encore, c'est que le line up est encore plus balaise que ça ! Fidèle à moi-même, j'avais absolument oublié le nom du groupe jusqu'à ce qu'une personne poste la page Bandcamp de l'album dès que celui-ci a été mis en ligne le 10 Janvier... Et grâce à cette personne, j'ai retrouvé la mémoire : voici pour vous le premier gros banger emo de 2019 pour moi : l'EP de LUXOR BEAM. Et ce line-up balaise, il comprend donc un membre de ENOCH ARDON, mais également deux autres de WHAT PRICE, WONDERLAND?, ARKLESS, ou BIRD CALLS, entre autres... En lisant ça, j'ai instantanément compris que j'allais passer un bon moment en écoutant ce disque. Mon amie me le promettait avant qu'il sorte...

Et elle a eu raison ! L'EP a été composé assez rapidement, après quelques séances de répètes. Et pourtant, le son du groupe semble déjà avoir sa propre signature, et leur musique est solide. LUXOR BEAM est fondamentalement influencé par la scène emo des années 90, le label Ebullition Records en tête, mais il en ressort des influences plus "actuelles". Leur post-hardcore énergique et rageur me rappelle les tonalités sombres, raw et ma foi relativement directes des premiers EP de BIRDS IN ROW (J'entends des riffs qui pourraient figurer sur Cottbus une pelletée de fois sur le disque, c'est un vrai bonheur, "Unnecessary Input" aurait d'ailleurs un riff explicitement volé aux Lavallois ahah !), ou même du premier EP de CHAVIRÉ... Référence obscure pour des personnes vivant en Angleterre je suppose, mais la scène est petite :) . En termes de références obscures, je peux d'ailleurs encore m'illustrer : l’énergie presque agressive qui se dégage de ce disque, et tout le background musical évidemment, m'a rappelé DANIEL SHAYS, ce très obscur groupe de post-hardcore oublié de tou•te•s... Que vous pouvez découvrir par ici.

"Unreal", premier titre du disque, nous place très rapidement dans le vif du sujet, avec cette tension et cette rage palpable, ces répétitions lyricales et rythmiques qui résonnent fort dans la tête, et y restent longtemps. D'ailleurs, cette idée de répétition est (hasard ou coïncidence ?) remise en question dans le titre suivant, "Missed Detail". "Will we find sense in repetition / or just spin until we're lost? / Is this what we meant to be / or simply all we've got?". Est-ce également un écho à "Dust" et sa petite phrase fataliste mais véridique, répétée frénétiquement ? "Remember, you are dust"...

"A Reminder" nous renvoie fortement à la sève profonde du groupe, cet emo 90's noisy, tendu, qui lorgne subtilement vers un hardcore plus sombre issu du même millésime (et toujours avec le label Ebullition dans la playlist)... Et si l'on tend bien l'oreille, il en est finalement ainsi tout le long d'un disque passionnant, riche de sa spontanéité, de sa fougue et de ce côté "rêche" qui lui donne toute sa force. Mais ce qui est intéressant, c'est qu'on est jamais dans le chaos, dans quelque chose de compliqué à écouter. Ça reste malgré tout relativement facile à écouter, à retenir et à scander.

Il me tarde déjà d'entendre la suite, qui n'est pas à espérer avant fin 2020 si mes souvenirs sont bons. Mais ces 6 titres feront aisément attendre jusque là, on ne s'en lasse pas...

Une chouette interview de LUXOR BEAM à lire sur Idioteq : https://idioteq.com/introducing-luxor-beam-new-emotive-hardcore-screamo-trio-from-london/