J'ai connu cette douce personne qu'est Gabriel grâce à un groupe dont j'avais fait l'éloge il y a quelques années en le découvrant, qui m'avait fait beaucoup de bien au coeur : Lonely Animals. La balance screamo / post-rock comme je l'adorais à l'époque, et comme j'aime toujours me remémorer aujourd'hui. Depuis, il continue de se dévouer au DIY et au screamo : Il construit de magnifiques cassettes, en série souvent très limitée, chez LE BLAST Records, et il était batteur chez Commuovere, l'une des grosses sensations screamo québécoises qui malheureusement s'est éteinte un peu trop vite... Bah, comme un trve skramz band hein ?
Après (et même pendant je pense) Commuovere, Gabriel s'est également consacré à deux projets solo : La Nausée, dont je vous ai déjà parlé sur Facebook, un superbe duo batterie/guitare avec Shaun de Thisismenotthinkingofyou et Adorno Records, interprétant un screamo assez atypique, plein d'ambiances et même d'influences jazz, et puis Au bout de mes lèvres. Oui, il s'agit bien d'un hommage à la chanson de Daïtro, le premier titre de leur split avec Raein.
"Les rues redeviennent simples et silencieuses, si facilement, que nous pataugeons dans leur crasse et leur poussière. Les bras ballants, les yeux coulants, un trop peu d'air qui t'enferme lentement. Lentement car maintenant, tu es au bout de mes lèvres, un mégot qui s'embrase à peu près et qui me blesse lentement."
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La cover de l'EP est une peinture de l’expressionniste autrichien Egon Schiele :
Die kleine Stadt III - Krumau, République Tchèque, 1913.
Die kleine Stadt III - Krumau, République Tchèque, 1913.
Et Daïtro a effectivement beaucoup influencé ce projet, autant dans le bruit que la plume. J'entends des riffs, des atmosphères, une voix, qui me rappellent beaucoup ce qu'ont fait les lyonnais sur Laissez Vivre Les Squelettes. Mais ici, la production est plus brute, le tempo plus lent. Elle laisse vraiment deviner le fonctionnement DIY du duo. Il y a presque de l'urgence, paradoxalement, dans ces compositions lancinantes, calmes mais en même temps tumultueuses. Du 1er EP à celui-ci, les morceaux sont enregistrés live, en un court laps de temps, parfois en une demi-heure. Comme en témoignent les samples utilisées, l’atmosphère de leur musique est très cinématographique, beaucoup de romance, et de solitude. En une dizaine de minutes les québécois arrivent à nous faire voyager, à nous toucher vivement, au travers de complaintes poétiques, composées avec amour, dans un souci du détail musical et textuel qui ne fait qu'accentuer les ressentis que l'on a à l'écoute des deux morceaux, et qui peuvent aussi bien nous bercer que nous donner la larme à l’œil, cela dépendra de ton mood, du moment où tu écouteras cet EP.
"Ces tours qui ne chantent plus" est un poignant contraste entre la poésie et l'urbain, un romantisme délicat narrant les décors mornes, massifs et ennuyeux qui entourent et emprisonnent nos quotidiens et nos horizons. Ce texte me parle beaucoup, en tant que banlieusard et en tant qu'emokid.
Je suis tombé par terre,
Sitôt réveillé par le sourd bruit de la plaie;
D'absentes plaines infinies.
« - As-tu remarqué que les tours ne chantent plus ?
- Je ne sais pas, j'ai cessé de compter les heures. »
Gabriel m'a donné quelques précisions, à propos des morceaux : "C'est un EP assez froid pour ce qui est de la première chanson. Puis on sent partir vers quelque chose de possiblement plus beau (au dehors des villes bruyantes et assourdissantes), mais on y retourne très vite (et on le ressent bien, je crois, avec la fin assez singulière de la seconde chanson). Et pour précision, c'est un band formé de deux personnes, moi (drums, voix, paroles et recording) et Oli (qui n'a pas eu d'autres bands, mais qui a fait un super travail pour les deux tracks de guitares). Le EP a été masterisé par Antoine Boily-Duguay (il a été super chouette avec nous, et a vraiment essayé de comprendre le son peu commun qu'on voulait avoir)."
Il m'a confié qu'il a toujours eu des difficultés avec ses mix de chansons, et se demandait alors si le fait que "le niveau du son de cet EP soit moins fort que ce que l'on retrouve en général sur l'album des autres bands" soit gênant... Eh bien pour moi, pas du tout : certes, comme
je le disais plus haut, on sent bien cette patte DIY, mais hey, c'est ce qu'on
cherche dans le screamo, right ? Et puis, sans le faire exprès (?), ça colle
tellement bien à l'atmosphère si particulière du disque... Ce petit quelque
chose de bedroom-esque, ce son chaud, fin, qui résonne entre quatre murs
resserrés, au milieu desquels on se sent safe malgré le fait qu'on passe du
temps dans cette chambres, à s'y enfermer pour se protéger de l'extérieur, là
où le temps ne semble pas avoir d'emprise, là où il est si facile de se
confier, de se vider... C'est tout ça que je ressens, sur ces deux morceaux
profondément émouvants et à fleur de peau. Dans l'idée, ça me fait un peu
penser à ce chouette -mais extrêmement confidentiel- groupe suédois, some
things went wrong, qui sonne comme si Henning de Suis La Lune avait décidé
d'apporter du chant à son projet ambiant/shoegaze, Years Passing. Je sais pas
si ce que je viens de dire était nécessaire, mais 1) Il faut écouter some things went wrong et 2) beh mine de rien, Au bout de mes lèvres n'a pas
énormément d'équivalents musicaux.
Au bout de mes lèvres va bientôt être à la recherche d'un groupe avec qui partager un split record, préférablement avec un groupe qui chante français et qui partage un peu le même son et les même valeurs. N'hésitez pas à leur écrire sur leur page FB, ou à Gabriel directement. En attendant, vous pouvez commander l'EP en format cassette, toujours fabriquée dans le pur esprit DIY, toujours via Gabriel, où sur la page FB de LE BLAST Records.
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