Je me souviens de ce Mercredi 1er Juillet 2015, ce jour de chaleur moite, éprouvante pour nos carcasses con-scientes. J'étais descendu de Paris depuis la veille pour assister au concert de ce groupe qui n'y avait pas pu trouver de plan pour jouer. Tous les lieux de concerts étaient alors occupés, et y'en a pas beaucoup... Les lieux alternatifs se font trop rare maintenant dans une capitale vendue au capital. Mais tant mieux, je suis allé chercher la lumière en dehors d'une ville où elle ne brille plus depuis longtemps. Ah, il a bon dos Charlie...
Je me suis rendu à Bordeaux, pour assister au concert d'un groupe qui allait me raconter ce que je vis au quotidien dans ma banlieue et à Paris. Dans un lieu qui lie salle de concert et activisme punk, avec une librairie où il est possible de trouver moult ouvrages anarchistes, révolutionnaires, situationnistes. Ce lieu, c'est l'Athénée Libertaire, un bastion révolté étouffé dans un recoin sombre des rues lumineuses et spacieuses d'un Bordeaux qui enivre ses habitant.e.s d'une euphorie en trompe-l’œil. Moi-même je me fais avoir, je préfère cette ville à Paris. C'est plus chaleureux. Mais le public était le même. On vient voir les copains-copines, on reste pas jusqu'au bout. Mais qu'importe pour eux, Rouille a donné une leçon de vie, d'engagement, de conviction, à celles et ceux qui ont bien voulu les écouter. Ces gars sont là depuis longtemps, presque aussi longtemps que je suis né pour certains, et pourtant ils sont encore là, la rage intacte, mais avec une rouille qui elle ne vieillit pas : elle ne fait que grandir et grossir autour de nous, elle nous dévore, elle évoque le temps qui passe, son poids sur nous, l'usure qui se répand sur notre peau, dans nos os. Je vous renvoie à ce texte rédigé sur la page Bandcamp de leur premier album, On Tue Ici, tout est dit. Et c'est ce thème qui inspire les garçons de Zaragoza depuis leur premier disque, sorti avec une certaine discrétion en 2014. Dans sa production plus que moyenne, j'y trouvais une cohérence avec l'ambiance et le contexte des morceaux. Avec ce ton sec, cette prose résignée.
On aurait pu croire que ce disque aurait été un témoignage éphémère d'anciens du punk qui croiraient encore à des convictions de jeunesse que beaucoup de quadras ont déjà enterrée depuis trop longtemps (cette plaie de se résigner à oublier ses idéaux parce qu’à ce qui paraît, c'est ça vieillir… C'est tellement triste), enregistré par nostalgie, par chance d’avoir un peu de temps libre. Mais non, ces garçons-là n’ont rien perdu de leur envie, leurs convictions, leur passion : les voici de retour avec À la fin sera l’écrit, un disque à la production beaucoup plus travaillée que le précédent, qui était bien mocrave, comme me l’avait confié Gérome par mail, à l'époque. Mais le contexte reste tout aussi grave, inquiet, plombant. La recette qui faisait l’ambiance d’On Tue Ici est réutilisée, avec un peu plus de nuances musicales. Des reflets post-punk, surtout sur « Contrôleurs de Contrôleurs » (qui contient un magnifique passage déclamé en basque par Karlos du groupe Lisabö, un groupe de post-hardcore espagnol actif depuis 1998, où il chante exclusivement dans cette langue), une influence post-rock un peu plus présente encore, notamment sur « Un lieu dit perdu », qui inspire des émotions bien plus joyeuses et élévatrices via ces riffs lumineux. Un ensemble qui respire fort ces disques de post-hardcore moody des années 90, où l’on cherchait constamment comment exprimer la colère, l’émotion, le changement, qu’il soit musical, humain, animal. Un petit effet de guitare qui fait penser à un instrument à vent apporte quelque chose de mélancolique et de réconfortant, sur l'outro du titre éponyme, c'est ce genre de petits apports mélodiques qui donne une sensibilité et une profondeur supplémentaire à ce LP. Et puis, il y a ce gros instant sing-along qui réside en le refrain d’« Un air de pisse ». « Des bars ont une haleine fétide, un air de pisse qu’on s’empresse d’habiter, peut-être pour se dire qu’en sortant ce sera forcément un peu mieux ». Il me tarde de les revoir en live pour vivre l'instant pour de vrai.
Et toujours, ces tournures de mots, ces images, cette plume. Celle qui m’a tellement influencé lorsque j'ai découvert toute la scène punk, l’emo, tout ces milieux. Elle est encore là. Un peu plus simplifiée, mais toujours vive, piquante. « On est encore un peu tendre, entendre se faire le cuir, enduire la peau reste à enduire, à tout rompre, la rupture sert de futur ». Chantée d’une voix toujours aussi perçante et graveleuse, mais plus éraillée : on n’arrête pas la rouille. Mais on peut s’en servir. C'est ce que font ces messieurs avec habileté.
Je suis obligé de citer ces mots de "Radio Paris", clin d’œil cinglant à la (f)rance, qui en dit tellement long sur la situation actuelle du pays : « Radio Paris tend à revenir hanter les salons élégants, les salauds et les temps. Radio Paris tend, Radio Paris ment, Radio Paris est tellement prompt à servir le thé et la même chanson ».
Je suis obligé de citer ces mots de "Radio Paris", clin d’œil cinglant à la (f)rance, qui en dit tellement long sur la situation actuelle du pays : « Radio Paris tend à revenir hanter les salons élégants, les salauds et les temps. Radio Paris tend, Radio Paris ment, Radio Paris est tellement prompt à servir le thé et la même chanson ».
Bisous.
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