Quelque part au Nord de la France, dans un modeste village de 1700 habitants nommé Saint-Jans-Cappel, des garçons combattent l'ennui dans une jolie province proche de la Belgique, l'une des terres fertiles du hardcore en Europe, en plus d'être celle des frites et des djihadistes. Mais pour faire quelque chose de leur vie en ces lieux où les perspectives de carrière se résument souvent en des patates, ils se sont décidés à faire autre chose que de cuisiner dans un camtard ou manier la kalachnikov. Voici Fall Of Messiah, un groupe français de plus en plus populaire outre-Manche et même dans la scène screamo américaine, mais quasi-inconnu des français. Et c'est à se demander pourquoi.
Sont-ils arrivés trop tard ou trop tôt dans la scène hardcore française ? Enfin, hardcore, c'est un petit terme finalement pour catégoriser leur univers, même si c'est dans ce milieu que tu les verras jouer, traîner, et s'en foutre que la France ne les suive pas. Leurs morceaux sont globalement nourris de certains éléments de ce style, bien que concrètement, Fall Of Messiah va au-delà du noyau dur pour flirter allègrement avec le math-rock, entre autres. Ces messieurs sont notamment allé tricoter au Ieperfest 2015, la où est plutôt de rigueur de mouliner. CQFD. Mais mine de rien, ça fait déjà 8 ans que les mecs tissent leur toile sans faire dans la dentelle. Les premières piqûres du groupe remontent à 2008, avec l'EP How to Build a Chariot, qui montrait déjà un univers musical qui tricotait sec, un peu trop screamo pour être mathcore, un peu trop chaotique pour être du simple math-rock, et ça flirtait même avec un metalcore "meh". Ils ne savaient pas trop ou ils allaient, y'a quelques pains par-ci par-là, mais c'était la fougue et l'insouciance de la jeunesse, l'envie d'en découdre à toute berzingue, et de s'éclater entre potes. Le complètement débile « I lost my hammer between the whales and the elefant's cage, in manchester's zoo » résume à la perfection ce qui constitue le disque et le cerveau des gars à cette époque, et ce riff à 4:14 condamne pour l'éternité ce morceau à se faire catégoriser de Nintendocore, désolé les petits potes. Mais leur premier album, How to Conceive a Bridge Between Circles, sorti 3 ans plus tard, a violemment remis le fil dans le chas, et montre un groupe bien plus mature, maîtrisant beaucoup mieux ses influences et ses intentions. Ce disque est passé complètement inaperçu et le reste toujours depuis dans notre scène, alors que les groupes anglais et américains qui croisent le chemin des français se l'arrachent. Il faut dire que cette galette est fortement fournie, avec un contenu qui peut parfois nous filer une overdose tant il est conséquent sur l'ensemble des titres. Pour vous donner un ordre d'idées, il faut s'imaginer une fusion entre le math-rock anglais à la Meet Me in St. Louis (grande influence du quartet), Native, le chaotic hardcore et le early La Dispute. Et personnellement, ce fut à la première écoute, une claque. Étant fan de Somewhere At The Bottom Of The River Between Vega And Altair, l'incroyable premier album de la bande de Vancouver, j'avais trouvé son équivalent français, et j'ai eu une certaine fierté de savoir que chez nous, des mecs pouvaient interpréter avec autant de talent ce genre de musique aussi complexe et pointu que sensible et introverti. On n'y est plus autant bombardé de collages musicaux random rendant plus ou moins bien, mais face à quelque chose d'intelligemment déconstruit, un algorithme qui aux premiers abords peut être casse-tête à déchiffrer, surtout à cause de cette certaine linéarité dans le cri, mais adouci et résolu par des élans mélodiques et cathartiques qui donnent envie d'y rester, de comprendre ce qui se passe, puis finir par avoir des feels la-dessus. En revanche, l'histoire ne nous a pas dit si le quintet jouait toujours à Super Mario durant la composition de l'album.
Mais désormais, fini les mathématiques. Fall Of Messiah est devenu une entité plus contemplative, moins torturée. L'éther a pris le dessus sur l'algèbre. How To See Beyond Fields, sorti en Mars 2014, dévoile un visage nouveau, plus grave, plus rêveur. Le post-rock a quasi-complètement englouti leur math-rock entre défouloir et déconne, précisément inspiré par la vie qui les entoure dans leur petite province sage. On s'imagine alors propulsé dans ces contrées, et prendre une bouffée d'un air meilleur dans les coins de campagne qu'offre le canton de Bailleul, sur les arpèges qui se soulèvent au milieu de « La Résonance des Hangars », un titre qui ainsi évoque, en faisant le rapprochement avec le titre de l'EP, le vide des entrepôts à l'abandon que l'on trouve quelquefois dans le Nord de la France (et pour mon cas, dans ma banlieue ça marche aussi), témoin des fastes passés d'une industrie fertile, là ou un canton entier peut dépendre d'une simple usine, et où sa fermeture peut signer l'arrêt de mort de centaines de familles. Et l'on s'y imagine la vie qu'il y a eu, la sueur versée, les efforts délivrés quotidiennement, la terre cultivée, à flux tendu. Tout ceci se dessine dans la tête, la vie des gens qui vivent dans ces vieux pavillons, des grands-parents du village, de ce petit vieux qui erre dans la rue en allant chercher sa baguette et son journal. De ce silence tantôt paisible, tantôt pesant qui règne sur la ville. Et de ces rares jeunes qui se demandent quoi faire de ce restant de vie. Fall Of Messiah a trouvé la réponse : en faisant rêver, et en vivant ses rêves.
Their hands are speaking for them, forged by working the lands, tired of digging their own grave. "Chez eux, la misère de la vie leur a inculqué l'art du silence." - "Raynaud"
Mélanger screamo, post-rock et petit solo de trompette, y'a que les américains pour le faire proprement, mais avec "Raynaud", ils réussissent sans que ça tombe dans le saugrenu ou dans le registre « fête du village ». C'est le disque le plus chargé en émotions qu'a sorti le groupe jusque là, malgré le silence qui règne sur les compositions, hormis quelques rares mots hurlés comme le déchirant couplet de « Raynaud ». Il montre également la facette la plus dépouillée de l'univers musical des garçons, avec « Als ik mijn grond niet kan voeren, wie zal mijn kinderen voeden », un titre tout en délicatesse, accompagné par un piano joué sur un ton plutôt triste, et qui continue de nous accompagner sur « Att lägga sitt liv i träda », nous menant vers un contraste entre riffs saccadés et enjoués, et d'autres soundscapes plus dramatiques. l'EP se termine entre acoustique, harmonica et mélodies légères avec "A farmer's son", dans la douceur et la chaleur, comme pour finir le voyage au coin d'un feu dans une forêt locale un soir d'été. How To See Beyond Fields est ainsi bien différent de son prédécesseur, et a posé les bases du style vers lequel Fall Of Messiah s'épanouit désormais, et peaufine tranquillement. Et encore une fois dans la discrétion la plus totale, mais cette fois-ci épaulés par Holy Roar Records, I.Corrupt Records et Voice Of The Unheard, ils reviennent en ce début 2016 avec un nouvel EP 7 titres, Empty Colors, Et non, le niveau n'a toujours pas baissé, désolé pour toi si tu comptais également faire bouger les choses dans la scène post-rock inexistante de ton village paumé.
Le ton se durcit légèrement au milieu des riffs math-rock mélodieux, et même que ça blaste. Fall Of Messiah goes METOL ? Aucune raison, et c'est très bien comme ça. Les petits gars se font simplement plaisir, comme ils l'ont toujours fait. J'espère simplement que cette fois-ci, ce disque leur permettra de sortir du triste anonymat auquel ils font face en France, Empty Colors sort le 26 Février, il me tarde déjà de l'écouter, et le groupe jouera le 23 Janvier (à priori devant une quinzaine de personnes) à Montreuil, tout près de Paris ou ils joueront également le 26 Mars. Ils passeront également à Nancy le 22 Janvier, le 24 à Arras, le 29 Février à Lille, et le 14 Mai à Bordeaux.
Bisous.
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