1) LA question: L'emo est-il un mode de pensée, un style vestimentaire, une philosophie ?
Aucun des trois. L'emo est simplement un genre musical où se retrouve en lui-même beaucoup de genres musicaux dérivés du rock alternatif et du punk, voire du metal dans son évolution la plus récente, en englobant avec lui les idéaux politiques et philosophiques du punk hardcore, sans plus ! Le seul attribut vestimentaire qu'on peut plus ou moins rapprocher à l'emo, c'est les origines punk du genre, Ian McKaye (chanteur du groupe MINOR THREAT et l'un des pères fondateurs du mouvement) dit lui-même dans le livre "American Hardcore : A Tribal History" de Steven Blush qu'il portait des chaînes, des bandanas et s'habillait en noir comme la plupart des hardcore kids et des punks à cette époque. Mais cela n'est en rien un signe identitaire de l'emo, car il n'en existe pas ! À savoir que le terme "emo" en tant que style musical est lui-même rejeté par ses créateurs... Rien n'oblige un passionné de musique emo à être triste, se maquiller, ou à se déguiser en punk ou en gothique, ce sont des préjugés esthètes et discriminants venus de l'évolution mainstream du genre, on peut très bien n'avoir absolument aucun look en particulier, des cheveux à ras, être la personne la plus heureuse du monde, et être un-e mordu-e d'emo !
Même si l'emo et le screamo traitent de sujets philosophiques et politiques qui reviennent assez souvent en soi et sont quasi-majoritairement orientés vers l'extrême-gauche, ce n'est pas pour autant que ces styles musicaux deviennent sectaires et que ces scènes sont vouées à devenir un clan, il s'agit plutôt de proposer l'alternative, pour la mettre en pratique. Les groupes d'emo ne parlent pas toujours de politique, mais l'écrasante majorité se retrouvent dans cette orientation politique, la revendique au travers des lieux où ils jouent, des causes qu'ils soutiennent... Et oui, naturellement, les racistes, sexistes, transphobes, homophobes... N'y sont pas les bienvenu-e-s ;) !
2) Emo, emocore, skramz, screamo, post-hardcore, metalcore, deathcore... J'y comprends rien, ça fait mal au crâne !
Eh bien tu comprendras bien vite : Du hardcore est né l'emo, de l'emo est né le screamo, du hardcore et du metal est né le metalcore. Au fur et à mesure, le metalcore s'est divisé en deux : La première moitié restant dans les bases absolues du style, que représentent par exemple EARTH CRISIS, UNBROKEN ou CONVERGE, la seconde moitié s'étant émancipée vers des contrées death metal voire nu-metal, également nourrie de la définition absolument erronée du post-hardcore que les grands médias donnent en citant des groupes comme ATTACK! ATTACK! ou ASKING ALEXANDRIA. Par contre, dans chacune des deux dérivations, on y retrouve pas mal de formations s'essayant au jazz et au prog. Le deathcore est une branche qui exacerbe et rend beaucoup plus sombre, violent voire malsain le metalcore "deuxième division", en faisant davantage ressortir les influences death metal, le tout dans un univers souvent chaotique et écrasant, nourrie de technicité dans les riffs de guitare.
Le post-hardcore est frère de l'emo : le groupe RITES OF SPRING est par exemple une origine commune aux deux. Les deux genres se rejoignent très souvent musicalement parlant, bien que le post-hardcore soit dans son ensemble plus lourd et/ou plus saccadé, mais les deux cherchent tout aussi loin musicalement, avec les mêmes racines, les mêmes courants de pensées, globalement les mêmes idéaux. Tout ces amas de genres musicaux sont facilement liés l'un à l'autres car ils sont à peu près tous des origines identiques. Quand à l'emocore et le skramz, il s'agit juste de deux termes parmi tant d'autres nés dans la fanbase punk pour qualifier de nos jours l'emo ou le screamo ;)
3) Existe-t'il des groupes emo, screamo, et post-hardcore en France ?
Bien sûr, et il faut savoir que la scène screamo hexagonale a beaucoup compté pour la genèse et l'évolution du style à travers le monde. La fameuse "French way of screamo" !
▶ 100% emo / screamo : Amanda Woodward, Carther Matha, Daïtro, Mihai Edrisch, Belle Epoque, Baron Noir, Sed Non Satiata, Anomie, Weep, Undone, Peu Etre, Alcatraz, Ananda, 2138, Jasemine, Rachel, Finger Print, Ivich, Shatter The Myth, Petit Printemps, L'Invention de Morel, Hebb, Whatswrong, La Crève, Jarod, Après La Chute, Aleska, The Flying Worker, Short Supply, Erevan, Waiting For Better Days, Vanilla, Last Tango Theatre, Castle Ruins, Madame De Montespan, Bâton Rouge, 12XU, Laïka, Gantz, Gameness, L'Homme Puma, The Third Memory, Bökanövsky, Rijeka, A.S.T.R.O, The Solexine Chapter, Cathedraal, Tobaïas, ATELO/phobia, EUX, Ravin, Virasay, Furrowed, Noyade, Alta Marea, Potence, Monte Ida, The Famous NTM, Farewell, Jeanne, Krokodil, À La Dérive, Another Five Minutes, I Was A Cosmonaut Hero, Solitone, Les 2 Minutes De La Haine, More Dangerous Than A Thousand Rioters, Sugartown Cabaret, Mort! Mort! Mort! / Aussitôt Mort, Dead Sailors, Souvenirs, Rejoice, R.A.V.I, Child Meadow, Les Mauvais Jours, Discorde, Burning Bright, Death Mercedes, Who Needs Maps?, Geraniüm, Le Dead Projet, Rotten Tofu Adventures, Woodson, Birdie Steptoe, IRE, Chaviré, Kiss The Bottle, Myra Lee, Sport, Cycle To, Slice Of Life, Like Wires, Cold Heart Days, Circles, Uwaga, Mannequin, The Apollo Program, Hyacinth, Aghast, Farewell, Taciturn, Mothra, Canine, Grand Terminal, Chasing Paperboy, Birds In Row, PAST, Brume Retina, Un Automne De Plus, Yarostan, Entzauberung, Gros Enfant Mort, Constante, Contre-Feux...
▶ Influencé par le screamo - emo / proche de la scène : Fall Of Messiah (leur deuxième disque sonne comme un mélange entre du La Dispute et Meet Me In St. Louis), Metronome Charisma, Year Of No Light (avant Nord, c'était du post-hardcore / post-metal), Revok (avec des membres de Belle Epoque et Gameness, quelque part entre sludge, noise post-hardcore et screamo), As We Draw, Céleste (la suite black metal de Mihai Edrisch, le premier album était très concrètement un blackened Mihai Edrisch), I Am A Curse, The Rodeo Idiot Engine, Avion, I Pilot Daemon, Time To Burn, Gazers, The Prestige, General Lee, Drawbacks, Nine Eleven, Ghost Trap, Ingrina...
4) C'est disponible en quelle langue, tout ça ?
Personnellement, j'en connais en russe, coréen, anglais, français, japonais, italien, suédois, tchèque, allemand, polonais, espagnol, turc... Du screamo, il y en a partout dans le monde ! Pas mal de groupes s'essaient d'ailleurs à plusieurs langues dans leur discographie.
5) Existe-t'il des festivals où jouent des groupes interprétant ces genres musicaux ?
Oui, un peu partout dans le monde. Le plus réputé est le Fluff Fest, en République Tchèque, qui est le plus gros rassemblement européen hardcore, emo et crust. Je peux également citer le Cry Me A River Fest, le Miss The Stars Festival et le New Noise Festival, tous trois allemands. Après, il y a une multitude de festivals plus ou moins grands du genre, à vous de chercher lesquels ensuite, c'est pas comme si il n'y en avait que deux... En France, pas mal de petites salles, de petits bars, de squats, accueillent ces styles musicaux, mais pas de salles connues. Paris, Lyon, Metz, Laval et Caen sont les villes qui reviennent le plus souvent lorsque l'on tente de trouver un centre nerveux à la scène en France.
6) Je suis un-e mordu-e de l'emo véritable, je déteste la scène "emo mainstream", mais il me semble que je m'habille façon "emo mainstream" : slims, Vans Era, coupes caractéristiques, ou autres ressemblances... Je risque de me faire rire au nez par les puristes...
La, deux choix s'offrent à vous. Soit on est réaliste et on se rend compte que les trois-quarts des fans de n'importe laquelle des dérivations de l'emo (autant les fans que les artistes) se rejoignent sur au moins un point vestimentaire, donc on assume sa personnalité et on explique (ou pas, les gens n'ont pas besoin de juger tes choix vestimentaires au final) qu'on aime simplement ce look pour telles ou telles raisons qui vous regarde, soit on est borné et on en fout plein sur la gueule de ceux qui aiment simplement se fringuer ainsi sans en abuser comme ceux que les Internets appellent "kikoolols" le font si bien, donc on juge sans connaître la personne, donc on est con-ne.
Il est fatalement évident qu'à partir du moment ou l'on arbore volontairement ne serait-ce qu'un élément de style vestimentaire qui revient souvent dans la scène emo (vêtements sombres et près du corps en règle générale, manches et jeans retroussés... Vous avez qu'à regarder sur scène et autour de vous dans le public au prochain concert, vous verrez la même chose que moi), c'est un peu une "preuve" de la sympathie de chacun pour le mouvement "emo". Une personne qui se fringuera en s'inspirant de ce qu'elle voit dans les concerts emo se sapera ainsi parce qu'elle aime ça, parce que ça la marque, parce que c'est son mouvement, qu'elle se sent bien dedans, point. C'est peut être un peu du communautarisme en soi, mais je vous défie de citer un seul mouvement qui n'a pas de marques d'identification vestimentaire.
7) C'est quoi le positionnement de l'emo par rapport aux différences de chacun ?
L'emo, c'est du punk. Et en principe, le punk, c'est : aucune discrimination tolérable, peu importe la couleur de peau, l'origine, le niveau de vie, l'orientation/l'identité sexuelle. Nous sommes tou-te-s égaux en droit, nous nous devons le respect, l'entraide, la sympathie, l'honnêteté. C'est également l'intolérance absolue du sexisme : l'emo est un mouvement où les femmes sont au même rang que les hommes (c'est incroyable de devoir écrire ce genre de choses au 21ème siècle), où leur liberté d'action et d'expression est absolue, et où le sujet de la défense du droit des femmes revient régulièrement. Autrement dit, ce milieu ne t'intéressera pas si tu as des idéaux du côté droit de la balance politique, que tu es machiste, raciste, homophobe, transphobe, et nous conchions tes opinions.